Le réalisateur israélien Hagai Levi nous avait captivés, en 2005, avec la série psychanalytique En analyse (adaptée dans dix-sept pays, et pour HBO en 2008). Dans The Affair, série créée aux Etats-Unis pour la chaîne câblée Showtime, il dissèque toutes les étapes d’une relation extra-conjugale à travers les récits divergents des amants. Fascinant.
Noah, père de famille débordé, prof et accessoirement écrivain, débarque dans les Hamptons avec femme et enfants. Au café, il tombe sur Allison, une jolie serveuse au regard triste, qui sauve sa fille d’une fausse route. C’est autour de cet événement fondateur qu’un lien se crée et qu’une brèche s’ouvre dans les vies de Noah et Allison. Dans une petite ville où tout le monde se connaît, difficile de s’éviter. Ils tentent de résister, mais pour combien de temps ?
L’intime, c’est l’atout de The Affair. Hagai Levi avait démontré avec En analyse qu’on pouvait être bouleversés par une conversation entre un psy et son patient, coincés dans un bureau pendant une bonne demi-heure. Ici, les mots jouent un rôle essentiel. Les échanges entre Noah et Allison, d’une incroyable lucidité, apparaissent comme la seule issue pour échapper au désespoir. Le corps n’est pas en reste, il dit ce que les mots taisent. Le sexe révèle les tensions, les non-dits et les rancœurs qui menacent les couples « légitimes » et les éloignent peu à peu du plaisir partagé.
La caméra portée effleure les corps dans les moments de fragilité et de sensualité, s’attarde sur des détails qui compteront plus tard… à nous de mener l’enquête !
Comment innover avec un sujet comme l’adultère ? Hagai Levi et Sarah Treem y parviennent avec un talent remarquable, car dès le pilote, impossible de décrocher. Les auteurs ont travaillé sur un double récit de l’histoire selon son ressenti, un peu à la manière de Rashomon d’Akira Kurosawa (1950).
L’épisode est divisé en deux parties, le point de vue de Noah puis celui d’Allison, qui influencent notre perception des faits. Où s’arrête la vérité pour laisser la place au fantasme ? Lui a-t-elle vraiment dit qu’elle était mariée ou a-t-il volontairement oublié ? Lui la voit légère, sexy, enjouée. Lorsque c’est elle qui raconte, elle souffre, hésite et se défile. Les souvenirs diffèrent selon les personnes. La mise en scène renforce cette impression en jouant sur les points de vue d’une version à l’autre. La mémoire est sélective. Chacun ne retient que ce qui l’arrange et ce qui le touche. Dans ce lieu de vacances, l’océan, traité comme une figure menaçante, annonce la catastrophe à venir.
En réalité, Noah et Allison sont tour à tour interrogés par un policier. Nous sommes deux ans après les faits. L’objet de l’enquête, mystérieux, se dévoile au fil des épisodes : cette liaison aurait-elle fait d’eux des criminels ? Deux comédiens britanniques, tous deux excellents, portent la série. Quel plaisir de retrouver Dominic West, révélé dans The Wire dans la peau d’un détective déjanté ! Sensible, soucieux, mais aussi sauvage, il est impeccable.
Ruth Wilson (vue dans la série Luther), troublante et toujours juste, incarne une femme de poigne qui tente de se reconstruire après un drame. Parmi les conjoints, on se plaît à retrouver des visages familiers – Joshua Jackson (Fringe, Dawson) et Mauna Tierney (Urgences) – qui jouent un rôle essentiel dans ce cataclysme émotionnel.
Entre drame conjugal et intrigue policière, The Affair tient en haleine. D’autant que la série vient d’être renouvelée pour une deuxième saison par la chaîne Showtime (Homeland, Master of Sex). The Affair (10 épisodes) est actuellement diffusé sur Canal + Séries.