The Eddy

Grand huit ou marche forcée ?

Un club de jazz parisien et ses fondateurs, musiciens, spectateurs. Huit épisodes pour une série emballante sur le papier, mais qui a divisé notre rédaction.

Les avis de la bande :

 

Du nom du club parisien central et créé de toutes pièces, The Eddy fait le pari d’une fiction « jazz ». Narration, mise en scène, traitement des enjeux et caractères surfent sur l’idée d’une ligne directrice (thème), traversée de digressions (improvisations, solos). Une création du scénariste britannique Jack Thorne (Skins, This Is England, Panthers), auquel s’est associé l’oscarisé Damien Chazelle, ici producteur, et réalisateur des deux premiers épisodes. C’est du côté de Whiplash, plus que de La La Land, que lorgne la série. Gros grain de l’image (signée Eric Gautier et Julien Poupard), rudesse, nervosité, intranquillité. Pas d’écriture complexe et savante, mais une balade humaine et d’humeurs, déclinée par personnage (chaque épisode porte un prénom), et qui a le mérite de capter un Paris hors monuments, métissé, multiculturel, de l’intra-muros aux banlieues, avec la présence littéraire de James Baldwin. Il faut s’accrocher au départ. Le parti pris formaliste d’une Steadicam virevoltante et déchaînée, censée coller au flow lors des sessions musicales, crée un effet repoussoir et excluant. Heureusement, ça se calme, et la durée inhérente à la série joue pour elle. Les respirations sont là, et comme dans toute impro mélodique, il y a du bon et du moins bon. Les volets filmés par Chazelle ne sont pas le must. Sur les huit, réalisés à 50/50 hommes/femmes, brillent Jude (ép. 4), signé Houda Benyamina, et Sim (ép. 6), signé Laïla Marrakchi. Le premier colle aux basques du contrebassiste, le second s’attache au jeune barman et rappeur. En faisant un pas de côté, l’aventure s’humanise, donne du relief au centre, à savoir les patrons, le club et son groupe, et les personnages secondaires offrent une belle lumière, portés par les interprètes Léonie Simaga, Jisca Kalvanda ou Afida Tahri. Les derniers tomes, signés Alan Poul, et recentrés sur la note plus classique du thriller, semblent annoncer une suite. Alors, à suivre.

O.P.

The Eddy. Copyright Lou Faulon / Netflix.

Paris la nuit, du jazz, un récit criminel, Damien Chazelle aux manettes des deux premiers épisodes de cette mini-série : The Eddy avait tout en main pour attirer un public cinéphile sophistiqué. S’il est vrai que cette création originale croule sous les bonnes intentions, elle peine à offrir plus que son séduisant cahier des charges. La faute, peut-être, à une volonté de trop bien faire et à un ton un peu trop appliqué. Si le plaisir de filmer les bœufs de jazz est évident, l’intrigue policière lasse vite et The Eddy, qui se voudrait sensuel, reste définitivement trop sage. Son atout majeur, une distribution hétéroclite, audacieuse, surprenante et surtout, qui fonctionne immédiatement. Des personnages moteurs aux satellites, tous les acteurs sont crédibles et apportent une solide dose de vie à cet exercice de style méritoire, mais un peu inabouti.

F-X. T.

The Eddy. Copyright Lou Faulon / Netflix.

Sur le papier, la série créée par Jack Thorne, mais annoncée comme menée par Damien Chazelle (qui ne signe que les deux premiers épisodes), avait de quoi allécher. Le jazz, un tournage à Paris, un casting scintillant. Mais dès la première scène du premier épisode, qui se veut tour de force avec caméra portée et plans improbables pour capturer l’énergie d’un groupe de jazz et celle du club où il se produit, la mise en scène volontariste ne remplace pas une certaine faiblesse d’écriture.
Nous avons là deux patrons de club de jazz qui ont de gros problèmes d’argent ; l’un, Farid (Tahar Rahim), gère l’économique, l’autre, Elliot (André Holland), distille l’artistique. Mais Farid cache des choses et Elliott ne veut plus monter sur scène… De ce point de départ, et en huit épisodes, The Eddy (la série) déroule le destin de The Eddy (le club de jazz), à travers ses personnages, chaque épisode portant un nom. Mais ce découpage artificiel ne masque pas un certain vide : celui d’une fiction qui s’engouffre dans les clichés sur le jazz, la création et les affres qui peuvent advenir. Problèmes de cœur, rivalités, arrivée de la fille d’Elliott, créanciers insistants… Le tout relié par le téléphone portable d’Elliott, qui reçoit un coup de fil et quitte le conflit qu’il vient d’apaiser en disant : « Je dois y aller » et part éteindre un autre feu… Ce systématisme tue l’ensemble. Malgré tout, des moments surnagent, certains épisodes s’épanouissent soudain dans une humanité qui, ailleurs, n’est qu’ébauchée. Comme dans le 3 et le 4, signés Houda Benyamina. Le troisième se resserre autour d’un enterrement, entre tristesse guindée de la famille et joie conjuratoire des amis musiciens, le quatrième emprunte un chemin de traverse autour d’un personnage annexe et de la femme qu’il aima jadis et qui, justement, en épouse un autre… Dommage pour cette série ambitieuse, multinationale et pluriculturelle.

I.D.