Cette série fantastique conte la vie d’une poignée de personnes dans une bourgade américaine, confrontée à la relativité du temps. Fantastique. Absolument.
Adaptée de l’univers graphique néo-futuriste du peintre suédois Simon Stålenhag, Tales From The Loop est une série en huit épisodes créée, écrite et développée par Nathaniel Halpern (Legion). Dans ces images, des êtres humains (souvent des enfants) traversent des champs de blé ou des étendues d’herbes hautes, où çà et là, entre quotidien banal et fantastique déroutant, gisent des sphères métalliques rouillées, s’élancent des robots démantibulés ou surplombent de colossales volutes métalliques. Elles s’incarnent à l’écran dans des tons pastel, des cadres élégants, des intrigues étonnantes. Une ambiance générale de délicatesse, dont la beauté immédiate est rehaussée par la bouleversante musique composée par Philip Glass et Paul Leonard Morgan…
Le postulat de départ est que, à Mercer, petite ville de l’Ohio, un éminent savant du nom de Russ Willard a créé en sous-sol un Centre de Physique Expérimentale, communément appelé « The Loop », destiné à « déverrouiller et explorer les mystères de l’univers ». Avec, en ouverture, la présentation face caméra de ces quelques mots énoncés par l’inventeur lui-même (interprété par l’excellent Jonathan Pryce) et les deux premiers épisodes qui semblent au départ sans lien direct, on pourrait penser à une « anthologie », qui mêlerait La Quatrième Dimension et Black Mirror.
Mais Tales From The Loop est bel et bien une série, originale, unique, une suite de « contes de la boucle », dont le fil conducteur est le lien et, bien sûr, le temps. Le lien qui vous unit à votre mère, votre frère, votre meilleur ami, votre grand-père, ou un homme dont vous avez découvert la photo dans un livre… Le temps, facétieux, qui vous propulse face à la personne que vous serez dans vingt-cinq ans, ou au contraire vous permet de rencontrer, dans un cycle temporel parallèle, la personne que vous aimez. Le temps qu’on arrête au sens propre pour être seul au monde avec son amoureux, ou celui qui stoppe de lui-même parce que votre heure a sonné.
Les huit épisodes passent comme un rêve, ni tout à fait tangible, ni tout à fait improbable, « un battement de cils » comme le déclarent deux personnages à propos de leur vie : un voyage en suspension au pays des sentiments, de leur impact et de la trace que l’on en garde.
La familiarité instantanée avec Tales From The Loop vient sans doute du fait que l’on y reconnaît, çà et là, l’influence de Spielberg et de son E.T., qui lui-même imprégna le film de J.J. Abrams, Super 8, ou la série Stranger Things de Matt et Ross Duffer, le tout saupoudré d’un soupçon de Stand by Me de Rob Reiner (d’après Steven King). Mais ces références sont parfaitement intégrées et métabolisées, elles en deviennent organiques. Et, par la grâce d’une mise en scène aérienne et d’une solide interprétation (le petit garçon campé avec fièvre par Duncan Joiner et sa mère, qui a les traits et la présence solide de Rebecca Hall), l’émotion naît. Elle jaillit, même, de chaque épisode et, au bout du compte, de l’ensemble, qui vous fait remonter le fil de l’histoire et vous donne les clés pour comprendre, ici une froideur, là un secret ou un mensonge par omission. Et vous donne l’envie irrépressible de recommencer la série. En boucle…