Idée étrange que celle d’adapter au goût du jour l’Arsène de Maurice Leblanc. Pari tenu avec un Omar Sy en grande forme et un bel hommage au romanesque…
C’est l’histoire d’un homme, dont le père, injustement accusé du vol d’un collier chez ses patrons, s’est pendu alors qu’il avait à peine quatorze ans. Vingt-cinq ans plus tard, Assane Diop vit séparé de Claire, la femme qu’il aime, et de leur fils adolescent Raoul. Il végète (en apparence) de petits boulots en petits boulots. En réalité, il est passé maître dans l’art de l’invisibilité et du déguisement. Il peut, comme il l’explique brillamment au cours du premier épisode, « entrer balayeur au Louvre et en ressortir millionnaire ».
Car c’est aussi l’histoire d’un enfant sauvé par la lecture. Celle des romans de Maurice Leblanc, dont son père lui a laissé un exemplaire avant de mourir, un recueil narrant les aventures d’Arsène Lupin, gentleman cambrioleur. Assane est un fan qui met en pratique tout l’art de Lupin pour trouver le responsable de la mort de son géniteur, mais qui transmet également à son fils la passion pour les aventures de ce héros du passé.
La série créée par George Kay (scénariste britannique, notamment de Criminal et Killing Eve) est brillamment troussée ; elle mélange une réalité sociale et sociétale d’aujourd’hui (en gros, la France à deux vitesses) et un fantasme de justicier protéiforme entre Rocambole et Robin des Bois, saupoudré d’un soupçon de Vidocq. Sans être asséné, le message des lois contournées pour le triomphe du bien passe joliment (mais même gentleman, un voleur reste un voleur, ouf, l’honneur est sauf !), le casting inclusif est fort à propos, il y a de beaux clins d’œil au romanesque et les allers-retours entre présent et passé expliquent bien l’homme qu’Assane/Arsène est devenu. Omar Sy lui confère sa verve, son charme, son élégance ; et les seconds rôles, qu’ils soient d’amoureuses, de comparses ou de flics sont bien écrits et existent tous (mention spéciale à Ludivine Sagnier et Soufiane Guerrab). On peut regretter quelques facilités de scénario, deux ou trois aberrations notamment temporelles (la poursuite de l’épisode 5), et un évident placement de produit. Mais les décors sont beaux, le rythme ne faiblit pas, le panache est là et le plaisir est palpable. On attend la suite avec impatience, les cinq premiers épisodes de cette première partie (la pandémie ayant empêché le bouclage de la série) s’achevant sur une (grosse) inquiétude.
Jusqu’à présent, les tentatives Netflix de se mettre sur les rangs de la fiction sérielle française étaient restées lettre morte. À part Plan Cœur, gentiment sympathique, ni Marseille ni Révolution n’ont convaincu. Loin s’en faut. Lupin, qui équilibre brillamment le mélange de modernité et d’aventure « à l’ancienne », est donc la première réussite hexagonale de la plate-forme. Fût-il « haut-de-forme » ou « claque », chapeau bas.