Machine(s) et belle humanité aux Utopiales 2016
Festival international de science-fiction de Nantes, du 29 octobre au 3 novembre
Hum… Est-ce bien avisé de continuer à attirer l’attention sur les science-fictionnesques Utopiales alors que de plus en plus de monde s’y presse déjà chaque année, et que si ça continue comme ça, y en aura trop ? (= 82 000 visiteurs en 2016 contre 65 000 en 2015, c’est exponentiel !!!). Bon OK, ça n’inquiète que la légère agoraphobe que je suis : gageons que si la saturation menace vraiment, les organisateurs sauront y faire face et acceptons de partager… D’autant qu’un des nombreux plaisirs du festival est sa large mixité. Le prix d’entrée à la journée, moins cher qu’une place de ciné, est encore réduit pour les plus démunis et puis cette année, l’événement s’ouvrait aussi au public sourd et malentendant en proposant un certain nombre de rendez-vous traduits en langage des signes. Oui : d’où que vous veniez, les Utopiales valent vraiment le déplacement, y compris avec des enfants ; souvenez-vous-en en 2017, quitte à ce que l’on joue gentiment des coudes lors des temps forts.
Et pourquoi donc un tel engouement ? J’ai déjà abordé la question l’an passé, ça reste d’actualité : les sciences pointues rendues accessibles par des spécialistes curieux et vifs, les jeux engageants, l’imagination à tous les étages, les expositions, le cinéma (CINEMA –on y revient plus bas), la littérature, la bande dessinée, les rencontres, le bistrot, la convivialité. On fait difficilement plus complet (enfin si quand même : ça manque de musique – ce n’est pas une vraie doléance).
Chaque année aux Utopiales, un thème conducteur est mis à l’honneur : en 2016, c’était Machine(s). Roland Lehoucq, astrophysicien, écrivain, et Président du festival depuis 2012, s’est fendu d’une chouette introduction à ce sujet (pluriel comme toujours), mais je ne vais ni la paraphraser ni la reproduire ici. Je préfère laisser libre cours à mes marottes personnelles et citer, entre des dizaines d’autres, les discussions sur ce que les machines apportent aux femmes. Mon top ? Lave-linge et vibromasseurs. Ça sonne comme une provocation, mais sérieusement, si on prend la peine de creuser, c’est beaucoup plus profond. Euh… certes (je m’enfonce ?). Plus généralement, qu’on ait assisté ou non aux tables rondes, leurs simples énoncés offrent déjà des pistes de réflexions stimulantes.
Mais trêve de causeries, les Utopiales c’est également le CINEMA (comme promis plus haut). Et la thématique Machine(s) a là aussi, bien entendu, trouvé à s’épanouir. Spécialement dans la partie rétrospective qui comptait une bonne vingtaine de titres, dont beaucoup de classiques incontournables et quelques raretés. Parmi ces dernières, j’ai eu le plaisir de commencer mon festival avec Enfer mécanique d’Elliot Silverstein (1973), à mi-chemin entre Duel de Steven Spielberg (1971) et Christine de John Carpenter (1983, également programmé cette année). Si on peut trouver à redire à la direction d’acteur de cette curiosité, le désert y est en revanche fort bien mis en valeur et puis le vilain véhicule remplit son contrat flippant, nous cueillant en particulier au détour d’une scène d’anthologie. C’est bien de commencer du bon pied !
Ensuite, je me suis concentrée sur la compétition internationale, où j’ai pu voir la seconde partie de Assassination classroom : graduation de Eichiro Hasumi (2016), le premier volet ayant été montré ici-même l’an passé. Ça reste décidément bruyant, surchargé et pour tout dire, épuisant, mais j’adore néanmoins le look et le rire de ce professeur smiley-à-tentacules que ses élèves ont pour tâche d’assassiner. Alberto Vàzquez, créateur de l’autre bonhomme à tête ronde en compétition m’avait accrochée, mais pas totalement convaincue, avec son court présenté cette année à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs (Decorado qui est reparti des Utopiales avec une mention spéciale), mais bizarrement le côté étiré de cet univers neurasthénique sied plutôt bien au long Psiconautas : petits animaux de la forêt borderlines et superbe travail graphique dans les deux cas. Un plaisir visuel saboté dans The Arti : The Adventure Begins (Huang Wen Chang, 2015) qui ensevelit la magie simple des marionnettes sous d’horribles effets numériques ; dommage car ce récit d’aventure mythologique est par ailleurs plutôt sympathique.
J’ai peu de souvenirs de Jeeg Robot (Gabriele Mainetti) plus ou moins vu au NIFFF cet été, dans un état de fatigue trop avancé et j’ai quasi-instantanément oublié The Void (Steven Kostanski et Jeremy Gillespie, 2016), même si sur le moment c’était plutôt plaisant. En revanche, berk, je ne peux pas du tout souscrire au doublé Prix du jury/Prix du public décerné à Realive (2016) de Mateo Gil. Mon curseur personnel s’affole dépassé un certain seuil de mièvrerie larmoyante et là, pardon pour le jugement à l’emporte-pièce, mais : BIIIIIIIIP. Heureusement un film modeste, distingué par une mention spéciale, est venu sauver à mes yeux ce palmarès : il s’agit de Sam was here, premier long métrage, en terre américaine, du Français Christophe Deroo, que j’avais eu la chance découvrir lors de sa primo-présentation française à L’Etrange Festival (oh mais ? Scandale ! Je n’ai toujours pas rendu compte de L’Etrange ; bientôt). Dans Sam Was Here, un VRP s’enfonce dans la quatrième dimension et ça se vit pleinement sur grand écran.
Sinon, hors compétition, je n’ai pas réussi à assister à l’avant-première événementielle de Premier contact de Denis Villeneuve pour cause de surpopulation (ben voilà, qu’est-ce que je disais précédemment : trop de monde !), mais je n’ai pas fait de forcing car j’aurai l’occasion de voir le film lors de sa très prochaine sortie en salles. A la place je suis allée me balader dans les jolies rues de Nantes et j’en ai profité pour acheter une robe dans une friperie, ce qui m’a permis d’être au diapason vintage des terriblement aliénées Femmes de Stepford, avec lesquelles j’ai conclu mon (comme toujours) extraordinaire voyage à Nantes.