Vingtième du nom, le Festival international du film de Rio s’est déroulé du 1er au 11 novembre en pleine actualité tendue au Brésil, moins d’une semaine après l’élection du futur président de la République, extrémiste, raciste, misogyne, homophobe, climato-sceptique et nostalgique de la dictature. Une vision violemment contrastée de cette nation solaire, que la compétition latino-américaine a vaillamment éclairé de toutes ses propositions de cinéma.
Ilda Santiago et ses équipes se sont battues et ont tenu bon pour que leur manifestation carioca ait lieu et garde le cap. Plusieurs dizaines d’œuvres étaient présentées dans les différentes sections, et dans divers lieux de la cité. Des films événements (Les Veuves de Steve McQueen en ouverture, O Grande Circo Mistico de Carlos Diegues en clôture), un « panorama mondial » en soixante longs, une vingtaine d’avant-premières, des séances de minuit mêlant fiction et documentaire, sans compter une catégorie purement dédiée au docu’.
Et le cœur du festival, la programmation divisée en « Premiere Brasil », avec quarante-neuf longs-métrages et vingt-deux courts, et « Premiere Latina », composée de vingt-deux œuvres longues des pays hispanophones. L’occasion de voir réunis des films ayant déjà nourri les festivals majeurs (Berlin, Cannes, Venise, Rotterdam, Locarno, San Sebastian, Toronto, etc.), et d’autres plus frais dans le circuit de présentation international. Une cartographie de la création latino-américaine, notamment des jeunes cinéastes.
Dans la fiction brésilienne, à noter la percée de Tiago Melo – qui travaille à la production d’œuvres nordestines signées Gabriel Mascaro (Rodéo) ou Kleber Mendonça Filho (Aquarius) -, avec son premier long Azougue Nazaré, chronique réjouissante, qui mêle avec audace et malice maracatu (rituel culturel du Nordeste) et religions (croyances traditionnelles, mouvement évangélique). Également, Tinta Bruta (sortie salle le 15 mai 2019), deuxième long magnétique du tandem Marcio Reolon-Filipe Matzembacher après Beira-Mar, et qui suit les pas d’un garçon adepte de la performance arty-sexuelle en webcam, dans la ville de Porto Alegre, et déjà auréolé du Prix Teddy berlinois. Pas de sortie salle française annoncée pour le premier. À bon entendeur, salut !
Côté hispanophone, la section latina présentait un bon polar argentin tortueux, qui joue la carte rétro seventies avec brio formel et narratif. C’est Rojo de Benjamin Naishtat, porté par les excellents Dario Grandinetti (Parle avec elle, Les Nouveaux Sauvages, Julieta) et Alfredo Castro (Tony Manero, No, Les Amants de Caracas, Mariana, El Presidente). Deux retrouvailles cannoises aussi, avec l’impressionnante fresque mafieuse colombienne sur les origines narco-trafiquantes, Les Oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra (sortie salle le 10 avril 2019), et le portrait saisissant de la survie d’une fillette mexicaine, Comprame un revolver de Julio Hernández Cordón.
Si la cérémonie de clôture a été marquée par des interventions louant la liberté, la créativité et la mémoire, deux films récompensés, réalisés par des femmes, ont également tiré leur épingle du jeu par leur fort message humaniste et politique. L’un est une fiction, Deslembro signé Flavia Castro, qui revient via la destinée d’une adolescente sur les répercussions de la dictature, hier, aujourd’hui et demain. L’autre est un documentaire, Torre das donzelas de Susanna Lira, et donne la parole à celles qui, durant cette même époque funeste, furent prisonnières politiques, enfermées et torturées, à Tiradentes, dont l’ancienne présidente Dilma Rousseff.
La mémoire pour mieux conjurer l’avenir. Rendez-vous en 2019.