La Quinzaine des réalisateurs fête ses 50 ans
Hier soir était célébré le 50e anniversaire de la Quinzaine des Réalisateurs. Sur la scène du Théâtre Croisette à Cannes, une cinquantaine de cinéastes étaient rassemblés autour des anciens délégués.
« J’y suis allé, comme si j’allais chercher des nouveaux Truffaut ou Godard, pour prendre une image, à l’étranger ». Ces mots, prononcés par Pierre-Henri Deleau qui fut le premier délégué général de la Quinzaine et le resta pendant trente ans, émergent de la création sonore de Benoît Bories, diffusée, dans le noir, hier soir et dont la version intégrale est présentée au sein de l’exposition Cinéma(s) en liberté au Suquet des artistes. Ils disent la fougue remarquable qui fut celle de cette sélection frondeuse, issue des événements de mai 1968 (année où le festival fut interrompu), et dont le journaliste Bruno Ischer relate les prémices dans un ouvrage vivant et richement documenté, La Quinzaine des réalisateurs. Les jeunes années (éditions Riveneuve). Née « Cinéma(s) en liberté » (avec un initial bonnet phrygien sur le i !), la Quinzaine incarnait le renouveau, l’ouverture, la soif d’échanges et de partages hors les clous. Cet anniversaire est l’occasion de réaffirmer à haute voix ce qui distingue cette sélection des autres à Cannes, de rappeler son histoire et sa philosophie, même si les temps ont changé et les esprits se sont calmés depuis son explosive création – on aurait payé cher pour entendre Werner Herzog exprimer, en pleine nuit, la jalousie qu’il a ressentie en découvrant Le Voyage des comédiens de Theo Angelopoulos, ou pour assister aux premières séances rock n’ roll de la Quinzaine des tout débuts.
Sur la scène du Théâtre Croisette hier soir, l’émotion était contenue, mais réelle. Car un anniversaire, c’est aussi une prise de conscience du temps qui passe et de décennies révolues. L’actuel délégué général, Edouard Waintrop, sous l’ère duquel la Quinzaine a retrouvé des couleurs (ambiance chaleureuse, intérêt porté à la comédie, grand écart entre les genres) tirait sa révérence avec pudeur. « Merci pour ton élégance, car je sais aussi que tu pars le coeur gros. Tu étais un délégué formidable », lui exprima Pierre-Henri Deleau. À leurs côtés sur scène, rassemblés pour une photo de famille, les anciens délégués, Marie-Pierre Macia, Olivier Père, Frédéric Boyer, et le successeur d’Edouard Waintrop, Paolo Moretti, ainsi qu’une cinquantaine de cinéastes, dont les frères Larrieu, Cristian Mungiu, Abderrahmane Sissako, Philippe Faucon, Céline Sciamma, Pierre Salvador ou Férid Boughedir.
Comme pour tordre le cou à la nostalgie propre à ce genre d’événement, la Quinzaine a choisi de projeter hier soir un moyen-métrage d’animation, Ce magnifique gâteau des Belges Emma De Swaef et Marc James Roels. Un bijou, où le travail sur les textures, la photographie très picturale et la composition sonore relèvent de la prouesse. Ces jeunes auteurs portaient hier soir le flambeau d’une promesse d’avenir, qui faisait écho aux mots introductifs du représentant du partenaire historique de la Quinzaine, BNP Paribas : « La passion peut rester intacte si on en prend soin ». Conseil d’ami.