La 32e édition du Festival du Film de Sarlat a rendu son verdict. Les récompenses ont été dévoilées lors de la cérémonie de clôture de ce samedi 11 novembre au soir. L’occasion de découvrir les aventures qui ont enthousiasmé le public divers et en nombre. Mais aussi le moment de déceler les grandes lignes en jeu sur les écrans de la ville.
Au bilan des courses de la délibération du public et des lycéens, toujours en masse dans les salles sarladaises, deux films sont plébiscités par deux Salamandres d’or : La Nouvelle Femme de Léa Todorov, en salle le 13 mars 2024, Prix du public et Prix d’interprétation féminine pour Jasmine Trinca, et Bâtiment 5 de Ladj Ly, sortie le 6 décembre prochain, Prix des lycéens et Prix du Jury Jeunes. Un premier long-métrage et un second long-métrage, un biopic au début du XXe siècle et un témoignage contemporain. Le deuxième opus signé par le réalisateur des Misérables a particulièrement déclenché l’ivresse des quelque six cents élèves en option cinéma, centre névralgique de la manifestation, qui ont réservé hier une standing ovation à l’auteur et à ses deux interprètes Anta Diaw et Nabil Akrouti.
Au-delà des trophées, des récipiendaires et des équipes reparties bredouilles, une tendance se dessine au vu des propositions filmiques de la cuvée millésimée 32. Il s’agit bien, pour les protagonistes des sept métrages longs de la sélection officielle, de tenir la tête hors de l’eau. Que ce soit par le filtre de la reconstitution historique, du thriller, du film d’épidémie, de la chronique sociale, de l’histoire d’amour, de la fantaisie chorégraphiée ou de la comédie « daltonesque », les personnages doivent avaler des couleuvres pour trouver leur salut. Tout leur tend des embûches : injonctions patriarcales (La Nouvelle Femme), isolement géographique (Soudain seuls de Thomas Bidegain), précarité sociale et humaine (Bâtiment 5, et La Tête froide de Stéphane Marchetti), épidémie fatale (Vincent doit mourir de Stéphan Castang), abandon de la mère (La Fille de son père d’Erwan Le Duc), menace judiciaire et conflit familial (Les Rois de la piste de Thierry Klifa).
Alors, la solution reste de s’unir, de résister au délitement, à l’amertume, à la colère, de travailler l’acceptation, l’autocritique et le pardon, d’accueillir la rencontre, aussi électrique soit-elle au départ. Les duos mènent la danse, qu’ils soient déjà formés quand la fiction commence, comme le papa et son ado de La Fille de son père avec Nahuel Pérez Biscayart, Prix d’interprétation masculine, et Céleste Brunnquell ; ou les amoureux en voyage en solitaires dans Soudain seuls avec Mélanie Thierry et Gilles Lellouche ; ou bien qu’ils naissent le temps du récit, comme les partenaires de passages clandestins dans La Tête froide avec Florence Loiret Caille, Prix d’interprétation féminine ex æquo, et Saabo Balde ; la pédagogue et la jeune maman de La Nouvelle Femme avec Jasmine Trinca, Prix d’interprétation féminine ex æquo, et Leïla Bekhti ; et les nouveaux tourtereaux de Vincent doit mourir, avec Karim Leklou et Vimala Pons.
Dans Bâtiment 5 et Les Rois de la piste, la tension et l’attention sont collectives. Ici, dans un jeu de piste pour démêler le faux du vrai et l’énigme d’un tableau volé ; là, pour raconter la cocotte-minute ascendante d’une ville de banlieue prise en étau entre intérêts politiques et réalité quotidienne. Ici, en mode joyeuse bande de bras cassés complémentaires ; là, en mode meute à vif de personnalités aux revendications opposées et explosives. Mais surnage, toujours, l’occasion d’un terrain de jeu pour les cinéastes, les techniciens et les interprètes, qui peuvent donner libre cours à leur expressivité. Il est en effet question de transmission, de transgression et de transformation. De l’individu au collectif, de l’intime au politique, du superflu à l’essentiel. Derrière la survie, la disparition, l’anéantissement et la mort rôdent, de Soudain seuls à Vincent doit mourir, de Bâtiment 5 à La Tête froide.
Pourtant, les cinéastes ont conjointement choisi une sortie plus lumineuse. Franche ou timide, assurée ou fragile, l’issue de ces sept longs-métrages replace au centre du regard l’humanité dans sa reconnaissance de l’autre. Tout n’est pas gagné, la pérennité se travaille, mais le bout du tunnel regagne en énergie possible. De quoi aussi faire travailler les sens et les méninges du public, toujours vibrant à Sarlat, mais éternellement composé de myriades d’individualités aux ressentis bigarrés. Alors, chacune et chacun repart sur son chemin parsemé de films, avec un bout de vécu le long de ces heures de rêveries devenues réelles, pendant la communion qu’on appelle un festival.
Rendez-vous en 2024 !