Le Festival du Film de Sarlat a la spécificité unique au monde d’être dédié, en plus de sa programmation d’avant-premières, à l’éducation à l’image et aux élèves de lycées option cinéma. Chaque année, plus de six cents élèves de terminale viennent de tout le territoire français pour assister à des projections, rencontres, conférences, pour élire leur film préféré, et pour certains et certaines, écrire, réaliser et monter des « Petites séquences » en quarante-huit heures, ou faire partie du club des sept du Jury Jeunes. Chapeautant les troupes et leurs professeurs, Annick Sanson et Rafael Maestro assurent la vice-présidence du Festival, et sont responsables du programme lycéen. Ils ont aussi le regard aiguisé sur la jeunesse et sur la transmission.
Une première cette année, la 32e édition du festival sarladais accueille des classes venues d’Ottawa, Montréal et Los Angeles. Des élèves francophones, bien sûr, mais qui enrichissent les rangs de leurs camarades de l’Hexagone et d’Outremer. Une preuve vivante de l’engouement juvénile pour la formation concentrée en cinéphilie et en passion durant l’automne en Dordogne. Une trentaine d’établissements sont représentés, sur les cent quatre-vingts proposant l’option cinéma sur tout le territoire. Soit un sixième du total. Les deux têtes dirigeantes du programme lycéen en ont sous le capot. Annick Sanson est une ancienne enseignante, pionnière dans la filière de l’option cinéma dans l’Éducation nationale, créée au milieu des années 1980. Rafael Maestro est un exploitant fortement ancré dans le tissu associatif de l’éducation à l’image. Ils ont respectivement rejoint le Festival de Sarlat au début des années 2000, et en 2010.
La ministre de la Culture Rima Abdul Malak vient en visite au Festival ce samedi 11 novembre, pour rencontrer les élèves, assister à la cérémonie de clôture, et visiter le projet France Tabac (lieu multifonctionnel de studios de tournage, formation professionnelle et stockage et recyclage de décors). Une première en trente-deux éditions. Seuls deux ministres de l’Éducation nationale ont honoré l’événement de leur présence par le passé. Un signal fort envoyé à l’épicentre festivalier français de l’éducation audiovisuelle. « Une reconnaissance, une fierté et aussi un moyen de montrer à quel point le festival est original par de nombreux aspects, et pas seulement par ses avant-premières », selon Annick Sanson. Mais Rafael Maestro veille au grain. Comme dans sa tribune parue dans Écran total le 1er novembre dernier, et surtitrée L’éducation à l’image, on en parle depuis les années 70 et tout a été dit à défaut d’avoir été fait. L’appel à la mobilisation des professionnels du septième art aux côtés des enseignants est lancé. Pour que les acquis ne soient pas revus à la baisse, et que l’avenir s’adapte aux nécessités, car, selon lui, « la fragilisation significative des dispositifs scolaires d’éducation au cinéma est réelle, alors que l’éducation artistique et culturelle est considérée comme une priorité sur le plan national. »
Le programme éducatif à Sarlat prône la diversité, la pluralité, à travers la ligne éditoriale du cinéma italien baptisée « Forcer le trait », avec Affreux, sales et méchants de Scola et Pour une poignée de dollars de Leone, et avec le gros plan consacré au documentariste Frederick Wiseman, dont le regard frontal et immersif sur les institutions résonne fort avec 2023, dans High School et Welfare. Selon Annick Sanson, si ce dernier film n’a pas accroché la foule juvénile, le premier l’a séduite. Un lycée donc bien nommé. Et le regard de cette jeunesse sur le cinéma ? « L’image pour l’image ne sert à rien », ajoute cette dernière. « L’image existe pour représenter ce qu’ils et elles ont envie de dire. Encore faut-il savoir ce que l’on veut dire, et comment on veut le dire. Mais leur regard sur les films est assez averti. Ils sont tout à fait à même de reconnaître que c’est un discours ». Dans le flux d’images et de connexions en tous genres à Instagram ou TikTok, le temps du festival et l’accompagnement par l’échange et la pédagogie sont précieux. Pour Rafael Maestro, il faut également, en complément des films de répertoire, innover et suivre les comportements des jeunes générations habituées à ingérer des quantités d’images. Comme la nouveauté de la réalité virtuelle, invitée à Sarlat cette année avec Sébastien Duclocher. Le délégué général du Festival du court- métrage de Clermont-Ferrand, spécialiste des films courts en « VR », est venu présenter des aventures immersives avec quelques casques à disposition des élèves.
La ligne éditoriale du festival fonctionne, et « la colonne vertébrale de ces années est la bonne, tant qu’on n’a pas trouvé mieux », continue Rafael Maestro. La passion aide à s’ouvrir, au milieu « de la convivialité, de la curiosité et de l’élévation du regard », précise Annick Sanson, car il est essentiel de trouver des dispositifs tels que cette formation cinéphile concentrée à Sarlat, « une chance, car on est complémentaires avec le travail scolaire ». En croisant les doigts pour que l’engouement juvénile trouve un écho et un écrin adéquats, pérennes et évolutifs, dans toutes les structures scolaires, formatrices et professionnelles déjà existantes et, on le souhaite, à venir.