Maïwenn et Roschdy Zem ont retrouvé la cité sarladaise pour une œuvre qui cette fois les réunit. Les Miens, réalisé par le second, fait partie de la sélection officielle, et s’est bâti à partir de l’accident et du traumatisme crânien du propre frère du réalisateur, que Sami Bouajila personnifie à l’écran. Une transformation du réel en fiction qui a aussi permis au duo présent au festival d’incarner un couple, Emma et Ryad. Le moment opportun pour les faire parler de leur collaboration et de leurs liens.
Ils se sont connus il y a une vingtaine d’années. Ils se sont suivis, perdus de vue, fâchés, rabibochés. Aujourd’hui, leur amitié dure, leur estime aussi. « Je pense que le chemin que l’on a pris nous rend complices et amis. Il y a vingt-cinq ans, je ne crois pas qu’il aurait parié sur le parcours que j’ai fait, et que j’aurais parié sur ce qu’il est devenu » dit Maïwenn. Et Roschdy Zem d’ajouter : « Mais je n’aurais pas parié un kopeck sur moi-même ! ». Ils ont des tas de points communs dont ceux, artistiques, d’avoir fait leurs armes devant la caméra avant de passer derrière, d’avoir réalisé six longs-métrages à ce jour, dont un premier sorti la même année 2006 et présenté (déjà !) au Festival de Sarlat (Pardonnez-moi pour elle, Mauvaise Foi pour lui), d’avoir signé un film en costumes (Chocolat pour lui, Jeanne du Barry l’an prochain à l’écran pour elle), d’avoir été récompensés à Cannes (Indigènes de Rachid Bouchareb pour lui, Polisse pour elle), de partager le même producteur pour leur derniers films (Why Not Productions), et de nourrir leur cinéma de leurs origines françaises et maghrébines.
Les voilà réunis aujourd’hui dans Les Miens, qu’ils ont coécrit et co-interprété, et que Roschdy Zem a mis en scène, d’après une nécessité toute personnelle. L’acteur réalisateur déclare : « Le thème du film m’a échappé. L’accident de mon frère m’avait surpris, choqué, mais s’est avéré finalement secondaire, pour raconter quelque chose de beaucoup plus intime et profond, à savoir la famille, et comment j’avais vécu ce groupe, ce clan, et la place que chacun occupe, à travers un demi-siècle. Cet accident a agi comme un révélateur, dans mon écriture et au sein de ma famille ». Impressionné par la rapidité d’écriture et de tournage de Maïwenn pour ADN, il l’a appelée et lui a proposé d’écrire avec lui. Et elle, d’accepter sans hésitation : « Il faut savoir que cela vient me flatter à un endroit dans mon cerveau, dont j’ai besoin, à savoir l’écriture. J’étais très excitée, et je le suis toujours, par le challenge d’écrire pour quelqu’un d’autre, que j’admire, parce que je trouve difficile et j’adore être au service d’un acteur qui veut parler de quelque chose qui lui est arrivé, pour le réaliser. C’est un travail d’accoucheuse ».
Et incarner eux-mêmes un personnage de leur scénario ? « Avant même qu’on ait décidé que Ryad soit présentateur télé pour une émission de foot, j’étais sûre et certaine qu’il fallait que Roschdy le joue ». Et Maïwenn de prolonger : « Ma priorité était qu’il soit satisfait de mon travail d’écriture avec lui, donc je ne voulais pas le polluer avec mon envie de prolonger le désir en jouant ». « Elle est hyper cash, mais pour le coup, tu ne l’as pas été du tout ! » réplique Roschdy Zem. Et elle, d’ajouter : « L’envie d’être désirée peut passer par tellement de paradoxes. Je voulais lui dire : ne te sens pas obligé de me prendre pour le personnage ». Ces deux-là ont déjà partagé l’affiche du Prix du succès de Teddy Lussi-Modeste, avec Tahar Rahim. Ce cinéaste avait senti sur le tournage combien il y avait de l’électricité entre les deux partenaires de plateau. « Dans le film de Teddy, le personnage de Maïwenn représente le danger pour le mien, alors que dans mon film, elle représente le champ des possibles », ajoute Roschdy Zem, avant de compléter : « Sa présence dans Les Miens est une valeur ajoutée indéniable. Parce que cela donne des scènes uniques, notamment celle où Emma fait son procès à Ryad. Ce moment s’est nourri des semaines passées ensemble à l’écriture ». La fécondité de ce partenariat doublement créatif s’avère idéal pour l’auteur : « Il faudrait impliquer systématiquement les acteurs au scénario, afin de pouvoir habiter les scènes à ce niveau ».
Aujourd’hui, leur joie d’accompagner ensemble Les Miens est palpable et communicative. Un moteur galvanisant pour la rencontre du long-métrage avec le public, avec le regard et le ressenti de l’autre, à quelques jours de sa sortie en salle. Roschdy Zem précise : « J’aime ce que véhicule Les Miens avec les gens, qui le recevront plus ou moins bien. Nous avons conscience qu’il ne va pas faire l’unanimité, mais ce qui se dit est très beau, dans la manière dont il est reçu et perçu, et dans son aspect universel. Il n’y a pas de stratégie dans cet accueil, c’est quelque chose qui nous a échappé. J’aime quasiment tout ce que j’entends sur le film, même la réserve est pertinente. »
Olivier Pélisson