Festival du Film de Sarlat 2024

Jour#3 : lumière et vibrations de Jeunes regards

Parmi la riche programmation des quarante-deux longs-métrages et des douze courts-métrages présentés à Sarlat, une des sections attire les convoitises. Et elle tire finement son épingle du jeu, au milieu des événements de la Sélection officielle et du Tour du monde. Jeunes regards regroupe neuf films hexagonaux. Des propositions bigarrées. Des voyages avec du caractère. Décryptage.

Dans sa proposition globale et copieuse, la directrice artistique Christelle Oscar a composé avec Jeunes regards un îlot de premiers et deuxièmes films longs made in France, en complément des quatre présents parmi les six opus de la sélection officielle, Planète B d’Aude-Léa Rapin, Rabia de Mareike Engelhardt, Les Reines du drame d’Alexis Langlois et Bonjour l’asile de Judith Davis, déjà éclectiques par leur construction et leur ton. Ce qui frappe d’emblée dans la section parallèle, c’est l’éclairage général mis sur des territoires français, et la lumière qui se dégage de la mise en scène, du regard sur les personnages et sur l’humanité.

Étendues camarguaises d’Animale d’Emma Benestan, cité varoise de Diamant brut d’Agathe Riedinger, agglomération marseillaise de La Mer au loin de Saïd Hamich, ruralité angevine de La Pampa d’Antoine Chevrollier, pentes corses du Mohican de Frédéric Farrucci, quartier parisien tamoul de Little Jaffna de Lawrence Valin, ou campagne franc-comtoise de Vingt Dieux de Louise Courvoisier. Heureusement, pas de carte postale touristique. Les lieux palpitent de l’intérieur et ne se ressemblent pas. Ces trajets singuliers impriment l’écran d’une émotion affirmée. Par l’ambition de leur projet, l’ampleur de leur vision et la manière de précipiter des personnages dans une tourmente existentielle décisive, ces cinéastes affirment haut et fort leur désir de tenir le cap, qu’ils soient primipares ou récidivistes dans le format du long-métrage.

La Mer au loin. Copyright Barney Production - Tarantula - Mont Fleuri Production

Une volonté commune également de s’attaquer au romanesque, même quand le sujet est grave, ou que le fantastique (Animale) et le polar (Le Mohican, Little Jaffna) s’invitent. Chaque œuvre peut se targuer d’une croyance puissante dans les outils d’écriture, de filmage et de montage, pour mener à bien une obsession : celle de raconter coûte que coûte l’histoire en question, imprimée dans un décor unique, et traversée par le propre vécu de leurs auteurs et autrices. L’authenticité de leur démarche se démarque par la vibration des films, et elle imprime fortement le grand écran. Une manière de raconter aussi par le biais de protagonistes à la détermination chevillée au corps, qu’elle soit sereine ou escarpée dans la progression des déroulés narratifs.

Nejma tient la barre dans un monde d’hommes et de testostérone humaine et bovine (Animale). Liane suit son projet de gagner sa place sous les sunlights de la télé-réalité (Diamant brut). Nour surfe sur les dix années du courant de sa vie d’émigré (La Mer au loin). Willy grandit et résiste aux turbulences du dehors auprès de son copain Jojo (La Pampa). Joseph ne transige pas sur son éthique de berger inscrit dans le littoral îlien (Le Mohican). Totone fait ce qu’il croit bon pour assurer les deux bouts, de concours de fabrication fromagère en veille sur sa petite sœur (Vingt Dieux).

Face à ces voyages remuants, un ovni interloque par sa portée comme par sa facture : l’anticipation grand-guignolesque et absconse d’Else de Thibault Emin, et la tentative de comédie romantique mâtinée de buddy movie femme/robot pèche par manque de tenue dans Un monde merveilleux de Giulio Callegari. Mais l’âme guide les pas des sept autres, qu’ils soient plus attendus dans la programmation scénaristique (Little Jaffna), ambitieux dans la tension dominante (Le Mohican), touchants dans le traitement du récit d’apprentissage (Vingt Dieux), bouleversants dans le réalisme romanesque (La Mer au loin, La Pampa), ou décapants dans la détermination des protagonistes (Diamant brut, Animale). L’écho de la présence de ces deux dernières héroïnes résonne, du rayon de soleil au cri dans la nuit. Tout comme Totone, Joseph, Nour, Willy et Jojo restent en mémoire, d’une échine baissée à un regard vibrant et résilient. Des jeunes regards certes, mais des rencontres déterminantes.