Festival du Film de Sarlat 2024

Jour#2 : Sayyid El Alami, entre intensité et loyauté

Sayyid El Alami. Nom à retenir. Révélé au petit écran, le jeune acteur est présent dans deux films phares de l’édition 2024 du festival périgourdin : Leurs enfants après eux de Ludovic et Zoran Boukherma et La Pampa d’Antoine Chevrollier. Du jeune cinéma français qui secoue les émotions et les codes, et qui trouve dans cet interprète une incarnation précise et dense.

Vingt-quatre ans au compteur, presque vingt-cinq, pour ce quasi-natif du second millénaire. Enfant de la génération Z, zoomer comme on dit parfois. Mais avant tout apparition singulière sur les écrans. Sayyid El Alami a précisé son chemin d’acteur ces toutes dernières années, et devrait connaître une éclosion populaire ces prochaines semaines, avec la sortie successive de Leurs enfants après eux (le 4 décembre) et La Pampa (le 5 février). Dans le premier, il incarne le second rôle, décisif, de Hacine, face à Paul Kircher, dans la peau d’Anthony. Dans le second, il est le protagoniste Willy, ami, fils et témoin d’une fresque humaine avec son poto Jojo, joué par le débutant Amaury Foucher. Le feu et la glace, le calme et la tempête, et une minutie dans l’intériorité des personnages qu’il défend. Impressionnant pour son âge, tout comme son calme, spontané et réfléchi à la fois, quand on l’approche et qu’on l’interroge sur son parcours déjà passionnant.

Enfant de l’Occitanie, il a grandi notamment autour de Toulouse. Sans transmission cinéphile particulière, il a rencontré le métier d’acteur par le petit écran. En regardant les rediffusions des making of de la série télé H, avec Jamel Debbouze, Eric Judor et Ramzy Bedia – qui le marqueront aussi dans La Tour Montparnasse infernale -, et de la saga du Gendarme de Saint-Tropez avec Louis de Funès, l’Acteur avec un grand A dans son panthéon personnel. Jouer, c’est donc cela qu’il veut faire. Une entrée dans la fiction par le comique, qui attire toujours le comédien, pourtant révélé par de nombreux drames. Mais des drames, parfois sacrément tragiques, dans lesquels son intuition sera féconde, et nourrira les histoires auxquelles il prendra part. La course aux castings commence alors. Court-métrage, apparition dans Zombi Child de Bertrand Bonello, et le voilà qui décroche le rôle récurrent du réfugié syrien Jibril dans la série états-unienne Messiah, notamment réalisée par l’Australien James McTeigue (V pour Vendetta), qui lui fera visiter le plateau de Matrix Resurrections des Wachowski. Des rêves éveillés pour celui qui se régale depuis toujours de sagas cathodiques américaines, de Prison Break à Breaking Bad.

Festival du Film de Sarlat 2024 / Com images - Akim 

Après la mini-série policière Une si longue nuit, où il est le centre de l’intrigue, Sami, étudiant incarcéré, face à Mathilde Seigner. Jean-Pierre Darroussin et Zinedine Soualem, il fait une rencontre déterminante. Le réalisateur Antoine Chevrollier le choisit pour incarner son protagoniste titre de la mini-série Oussekine. Sayyid devient donc Malik, mort à vingt-deux ans suite à des violences policières, et qu’il personnifie avec aplomb et pertinence juvénile. Sur la corde raide, car incarnant un être ayant vécu. La rencontre, intense, se réitère deux ans plus tard, même si le cinéaste mettra du temps avant de se rendre à l’évidence que son ex-interprète deviendra à nouveau son héros, Willy, pour La Pampa. Un troisième rendez-vous pourrait bien avoir lieu dans un futur proche… L’acteur qualifie son metteur en scène de « minutieux, précis et bienveillant », intense dans le travail, toujours sur le pont de la réflexion créative. Un état qui convient parfaitement au premier, qui veut se rendre disponible à cent pour cent pour l’expérience qu’il est en train de vivre. Une précision que Sayyid El Alami apprécie aussi chez les frères Boukherma, dans son aventure sur Leurs enfants après eux. Là où il devait transmettre la rage du déterminisme social implacable, quand il était présence bienveillante et résiliente dans La Pampa.

Deux revers d’une même pièce, celle d’une jeunesse isolée dans des provinces belles et délaissées, le Grand Est, l’Anjou, filmées l’été, entre ruralité et zone périurbaine désœuvrées, entre motocross comme terrain d’une masculinité toxique, et vol de moto comme levier d’une escalade de violence. L’idée d’une fracture, dont témoignent ces deux bouleversants récits, réalistes et romanesques à la fois, et que l’incarnation du comédien éclaire chaque fois d’une émotion discrète, brute, sans esbroufe ni maniérisme. « Votre interprétation était chevaleresque », lui déclarera par message Nicolas Mathieu, le romancier de Leurs enfants après eux. Il y a de la loyauté dans le jeu de Sayyid El Alami. Dans le regard et dans l’approche sur sa mission, sur les scénarios, sur les personnages. Il rend justice aux êtres couchés sur papier et dans l’imaginaire des cinéastes, à qui il va donner chair et souffle. Pas si courant pour des artisans des sentiments de cet âge. Une sorte de maturité tranquille, dans la manière dont il accompagne aussi ses différents cinéastes. Au programme des prochains mois, un autre premier long-métrage devrait pointer son nez. L’adaptation du premier roman de David Lopez, Fief, autre plongée dans une jeunesse populaire mi-rurale mi-urbaine, par Thomas Vernay. À suivre de près.