J’émerge lentement de mon festival préféré de l’été avec des images plein la tête et une GROSSE envie de poursuivre l’aventure néo-zélandaise amorcée en terre suisse : retour – orienté – sur la 18e édition du NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival).
Chaque année c’est un rendez-vous dont je me fais une joie, nul besoin d’attiser ma motivation, je me fie entièrement aux programmateurs du NIFFF. Et là, ils se sont surpassés avec cette formidable sélection « What we do in New Zealand » axée sur le cinéma de genre néo-zélandais ! Un mois avant le début du festival, je trépignais déjà d’impatience. Car qu’on se le dise, les cinéastes kiwis ne se résument pas à Jane Campion et Peter Jackson. Ces deux incontestables figures de proue étaient aussi de la partie, bien sûr – avec respectivement Un ange à ma table et Heavenly Creatures -, mais les chocs sont venus d’ailleurs. Mon trio de tête : Geoff Murphy, Taika Waititi et Gaylene Preston.
De Geoff Murphy, on nous a proposé trois films très différents. A commencer par son premier long métrage, Goodbye Pork Pie (1981), qui a fait un carton dans son pays. Un road movie chaotique au volant d’une petite voiture jaune (pour que le chef opérateur daltonien puisse la repérer dans les plans larges nous a-t-on raconté !) où l’on sillonne les paysages, villes et villages de Nouvelle-Zélande en compagnie d’un improbable trio : deux hommes et une femme mus par leurs idées fixes autant que par leur capacité à improviser. Un autre trio anime Le dernier survivant (The Quiet Earth, 1985), fable de science-fiction élaborée, au traitement élégant. On imagine bien comment il est possible de passer à côté de cette hypnotique réflexion en la visionnant à la sauvette, mais en salle c’est captivant. Quant à Utu (1984), fresque historique opposant des résistants maoris à l’armée britannique, son souffle épique emporte tout sur son passage. Séance de minuit en plein air, par une nuit d’été des plus fraîches, casque sur les oreilles pour ne pas gêner le voisinage… Rien n’est venu altérer l’expérience !
Malheureusement, il semblerait qu’après ces coups d’éclat, Geoff Murphy, parti cachetonner comme beaucoup à Hollywood, ne se soit plus distingué ni par la qualité ni par l’originalité de ses productions… Je n’ai rien vu d’autre, je ne peux pas en juger. A l’inverse de Taika Waititi que j’ai d’abord découvert via un blockbuster U.S. tout à fait mémorable, le désopilant Thor : Ragnarok – qu’une grosse overdose d’incessantes « marvelleries » a pourtant failli me faire manquer. Grâce au NIFFF, j’ai pu appréhender un autre aspect du bonhomme. Déjà, soulignons que le titre du panorama « What we do in New Zealand » fait écho à la comédie vampirique qu’il a co-réalisée avec Jemaine Clement, What we do in the Shadows (Vampires en toute intimité, 2014). Film que je me suis empressée d’emprunter à la bibliothèque dès mon retour (je l’avais loupé à diverses reprises en festivals, à l’époque). Quant à cette sélection 2018 plus précisément, ce sont deux de ses récits centrés sur des gamins qui y ont été montrés. Si je n’ai pas encore réussi à mettre la main sur A la poursuite de Ricky Baker (Hunt for the Wilderpeople, 2016), je me suis au moins offert une séance de rattrapage de Boy (2010), et au vu de cette liberté de ton, fantaisiste et drôlissime, à hauteur d’enfant mais sans jamais rien édulcorer, forcément je brûle de découvrir toutes ses autres fines espiègleries. Prochain opus annoncé pour 2019 : Jojo Rabbit, avec Scarlett Johansson, où le cabotin Taika arborera la moustache d’Adolf Hitler.
Deux hommes et une femme… Comme chez Geoff Murphy ! Gaylene Preston, ma troisième révélation de cette édition, connaît bien ce dernier. Elle a d’ailleurs signé le making-of de Utu et avait mille anecdotes à livrer sur tous ses films, comme sur ceux des confrères qu’elle représentait, étant la seule de cette génération à avoir fait le déplacement. Généreuse, drôle, affirmée : à force de l’écouter si bien évoquer le travail des autres j’ai forcément eu envie de la voir à l’œuvre, même si le résumé de Perfect Strangers (2003) et sa bande annonce un rien surannée ne m’avaient pas attirée au départ. Mais cette rencontre amoureuse entre une serveuse et un parfait inconnu qui la mène sur son bateau (en bateau), puis sur une île déserte, ne cesse de rebondir. De malaise en drôlerie, de violence en fantasme, on est résolument du côté du personnage féminin et, constat étrange, c’est si peu fréquent dans le genre que c’en est dépaysant. Et revigorant ! Maintenant j’ai très-très-très envie de voir aussi Mr. Wrong (1984) – parmi plein d’autres titres excitants que j’ai manqués.
D’où une vive envie d’approfondir, alimentée depuis mon retour par un site un rien masturbatoire, du genre où ça démange encore plus quand on gratte. Il s’agit d’une véritable boîte aux trésors, fort bien ordonnée, pleine de vidéos… qui pour la plupart ne sont que des extraits ou des bandes-annonces. C’est déjà pas mal vu la difficulté à trouver, ailleurs sur la toile, des images de pépites néo-zélandaises ; seulement une fois qu’on s’est fait une idée de ce qu’on loupe, c’est aussi très frustrant. Allez, je le partage avec vous et je clos le chapitre Nouvelle-Zélande :
Le reste du NIFFF, en bref
Vous l’aurez compris, tout à mon coup de foudre monomaniaque, j’ai un peu fait l’impasse sur le reste de la programmation au cours de mes trois petits jours de présence neuchâteloise…
Mais tout de même je sais que le président du jury, David Cronenberg a, en toute logique vu leurs univers respectifs, adoubé Gaspar Noé pour Climax en lui décernant le Narcisse H.R. Giger du meilleur long métrage. Cronenberg, outre son rôle de président, avait aussi accepté une carte blanche. Dans ce cadre, pour le plaisir de l’entendre présenter l’œuvre et nous parler un peu de lui, j’ai revu Toby Dammit, segment de Federico Fellini extrait du film à sketches Histoires extraordinaires. Il a la classe Cronenberg.
Sinon, j’aimerais encore citer trois films. A commencer par La femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière, avec l’impeccable Anna Mouglalis dans le rôle de Paula Maxa, star du Grand Guignol dans les années 30. La trajectoire de cette figure historique est intéressante, le traitement du film divertissant. Et puis, en rencontre publique à l’issue de la projection, le réalisateur a développé la question de la relation conflictuelle entre Netflix (son producteur) et les festivals. Le propos était un peu brouillon, mais il y avait (il y a toujours) indiscutablement matière à poursuivre une réflexion.
Par sa forme, Profile de Timur Bekmambetov s’inscrit également dans l’air du temps : une journaliste cherche à infiltrer une filière djihadiste via les réseaux sociaux ; le récit se déroule intégralement à partir de son écran d’ordinateur. Un parti pris narratif qui tient, étonnamment, complètement la route.
Enfin, un mot sur Your Spiritual Temple Sucks de John Hsu, film en réalité virtuelle ultra divertissant, d’une durée de 10 minutes : à revoir deux ou trois fois tant il se passe des choses absolument partout. Par contre je passe sous silence, dans cette section, le nom du tricheur qui, au prétexte de privilégier un récit narratif, se permet d’énormes angles morts. Rohhh, c’est tellement anti 360°.
Mais ne concluons pas sur une grimace, quittons nous plutôt en images avec un florilège des moments forts de cette 18e édition :