C’est le 5ème long-métrage du duo Olivier Nakache, Eric Toledano et c’est aussi leur plus ambitieux : toujours sur la corde raide entre drame et comédie, Samba (adapté du roman Samba pour la France de Delphine Coulin) est un film en mouvement constant, où se croisent les trajectoires d’un Sénégalais sans papiers (Omar Sy) et d’une cadre supérieure engagée dans une association après un burn out (Charlotte Gainsbourg). Autour d’eux gravitent des personnages en situation précaire. Tous courent, fuient, se heurtent les uns aux autres ou s’étreignent, avant de trouver leur meilleure façon de marcher.
Plongée commentée par Olivier Nakache et Eric Toledano au cœur des décors multiples de Samba : d’un centre de rétention aux toits de Paris…
LE CENTRE DE RÉTENTION
« Le centre de rétention est celui du Mesnil-Amelot à Roissy. Il a été en action pendant longtemps, puis un autre a été construit un peu plus loin. Celui-là servait de base Vigipirate aux militaires et a été fermé. Du coup, quand on l’a visité, on a vraiment insisté pour pouvoir tourner dedans. Il a fallu le restaurer pour éviter que ce décor ne soit trop misérabiliste. On lui a redonné un aspect plus « normal » et on y a tourné. Les avions qui étaient autour ont donné une résonance particulière à cette séquence, car Omar Sy et tous les figurants avaient conscience que la réalité et la fiction se mélangeaient. »
L’ASSOCIATION
« C’est un décor qu’on a cherché très longtemps. On a vu beaucoup de paroisses, notamment, et au final, on a atterri dans un mouvement scout qui était exactement dans le jus. On a ramené à l’intérieur tout ce qui pouvait faire association en mobilier, en sol pour qu’il y ait cet univers propre aux associations, ce mélange d’ancien et de moderne, avec ces vieux meubles en bois rassurants qui cohabitent avec des rideaux et des sols modernes. On a coloré les choses pour que ce soit accueillant, on a customisé le décor d’affiches, de prospectus. Cela ressemblait beaucoup à la Cimade, l’association où nous avions été en observation pendant plusieurs semaines pour aller nous nourrir de la réalité des migrants et recueillir les anecdotes qu’on retrouve dans le film. On aimait aussi beaucoup les boules de lumière en hauteur qui étaient déjà là, c’était joli à l’image et ça donnait un côté accueillant au lieu. »
LA NACELLE ET LE LAVAGE DES VITRES
« On a visité plusieurs décors pour voir où tourner cette séquence en décor naturel. Le problème était qu’on était très dépendant de la météo et qu’il était très difficile de tourner à 100 mètres de hauteur. On a donc reconstitué en studio, à Bry-sur-Marne, la façade d’un immeuble sur fond vert. Il y avait tout de même une perspective de hauteur qui procurait la bonne sensation, puis nous avons été tourner à 100 mètres de hauteur à la Défense tous les points de vue qu’on a incrustés ensuite, ce qu’on appelle les « pelures », les arrière-plans, les plans d’oiseaux, les avions, tout pour incruster dans l’image et donner du réalisme à la scène. La séquence de la nacelle a demandé deux jours de tournage en studio et c’était très important de pouvoir gérer la comédie, d’être à l’aise, sans dépendre de la météo, du vent et sans faire prendre des risques démesurés aux acteurs. »
CHAMBRE WILSON
« La chambre de Wilson, aussi, a été construite en studio. Dans nos enquêtes et nos prospections, on a rencontré pas mal de gars qui vivaient dans des chambres de bonne, qu’ils payaient très cher d’ailleurs. Comme Wilson se fait passer pour un Brésilien, tout était à créer et on s’est amusés à mettre des drapeaux du Brésil, à colorer le lieu, à faire d’un endroit de 8 mètres carrés un lieu de refuge tranquille, à l’image de Wilson, solaire, fourni en accessoires – VHS, guides du Brésil, des petits drapeaux, des assiettes – tout ce qui pouvait faire la blague. C’était du sur mesure. »
CHAMBRE LAMOUNA
« Nous sommes allés voir des décors naturels, mais celui-là, pour des raisons de commodité, parce que c’est un tout petit espace, on a dû le refaire en studio. On a essayé de tenir compte de plein d’éléments : la façon de ranger, la façon d’organiser l’espace avec tous les dossiers qu’il garde. Il y a une économie de place, un sens de la récupération aussi. Ça ressemblait à des décors qu’on avait visités, on a pris des photos, on a emprunté des éléments dans un souci de réalisme, tout en faisant très attention à ne pas être misérabiliste. »
LES TOITS DE PARIS
« C’était très flippant, on avait une corde de sécurité, tous, mais c’était stressant, car on était à 25-30 mètres du sol, en haut d’un immeuble et les acteurs étaient en chaussettes. Toute l’équipe était solidaire, mais il y avait une tension particulière, car on était tous liés par une corde et si quelqu’un chutait, il entraînait tout le monde. Même s’il ne pouvait pas tomber, ça créait une panique, et c’est arrivé une ou deux fois que quelqu’un glisse que ça crée une grosse tension. En même temps, le panorama était d’une telle beauté… c’était un moment magique pour tout le monde. Ça nous a rappelé un peu Belmondo dans Peur sur la ville ! On est restés 3 jours, on arrivait tôt le matin, vers 6 heures, c’était périlleux, mais à l’image, c’était tellement beau de voir ces deux gars-là sur les toits. On a tourné certains plans depuis l’immeuble d’en face. Il y avait deux caméras pour maximiser les plans. Les acteurs faisaient semblant d’avoir le vertige, mais ils étaient très à l’aise et ils nous faisaient flipper à gambader sur le toit. Et c’est nous deux qui étions les deux plus accrochés à tout ce qu’on pouvait ! »