C’est une initiative de la Cinémathèque française : proposer à la créatrice parisienne Anne Willi de s’inspirer de l’univers d’Antonioni et de dessiner une robe à la faveur de l’exposition consacrée au cinéaste (jusqu’au 19 juillet à Bercy). Dans son atelier lové au cœur du quartier Bastille, Anne s’est d’abord immergée dans l’univers d’Antonioni, tout en passant en revue ses anciennes collections : elle a ainsi constaté que plusieurs de ses créations passées trouvaient des correspondances dans les costumes des films du cinéaste italien. Le jeu de l’inconscient collectif ? C’est qu’il y a de l’épure dans le travail d’Anne Willi, des lignes simples qui soulignent la féminité, l’élégance et la grâce des femmes, de belles matières, quelque chose d’atemporel, aussi. Ancienne élève de l’école Steiner, Anne a été formée à l’école Esmod à Paris, avant de partir, à 21 ans, créer une marque de vêtements en Israël. Elle y est restée sept ans, puis s’est installée à Paris. Elle gère aujourd’hui un atelier, deux boutiques dans la capitale (à Bastille et Saint-Germain-des-Prés) et une troisième à Brooklyn. Rencontre avec une styliste délicate, auteur de deux robes noires antonioniennes, en vente à la Cinémathèque et dans ses boutiques.
« On ose rarement dire que le cinéma est plus exposé que les autres arts à la fatalité du révolu et soumis aux affres du « démodé ». Le matériau ciné-photographique enregistre, à un moment donné, les corps, leurs mouvements et leur parure, les vêtements. Le temps est sans pitié pour les uns et les autres. De tous les cinéastes de sa génération, Antonioni fut plus sensible qu’aucun autre aux variations de la mode, et à ce qu’il ne considéra jamais comme futile pour traduire l’ « air du temps » au sein duquel il réalisa ses films. On demeure stupéfaits par le personnage du photographe bondissant de Blow Up qui paraît en 2015 habillé par quelques stylistes du prêt-à-porter de ces dernières années. Pourtant le film a été réalisé il y a presque cinquante années. Quant à Monica Vitti, sa trilogie légendaire (L’Avventura, La Notte, L’Eclisse) inspire aujourd’hui Gucci, Fendi, Prada…
L’évidence s’impose donc pour une jeune styliste telle qu’Anne Willi de « se retourner » sur l’œuvre d’Antonioni et l’allure de ses personnages, allure faite de tombées souples d’étoffes et de coupes rigoureuses des tailleurs. Sans références trop évidentes, mais revendiquant l’emprunt avec de la distance, Anne Willi propose des manières subtiles de se vêtir et de séduire. En s’inspirant ainsi, Anne Willi propose au fond une relecture du cinéma d’Antonioni comparable à celle d’un plasticien ou d’un cinéaste contemporain qui honorent le réalisateur de Ferrare. «
Dominique Païni
Commissaire de l’exposition « Antonioni aux origines du pop »
La Cinémathèque française