Pour sa 36ème édition, le Festival Cinemed continue d’offrir un riche panorama du cinéma méditerranéen à travers des programmations multiples (compétition de longs et de courts-métrages, rétrospectives…), des ateliers de production et, bien sûr, des rencontres avec des équipes de films, pour un festival très ouvert au public.
SAMEDI 25 OCTOBRE 2014
14:00
Après une rapide promenade en ville sous un soleil radieux, je me rends au très moderne Corum, où se déroule la majorité des projections. Le rare Mahmoud Zemmouri (7 films en près de 35 ans) présente sa dernière œuvre, Certifiée Halal, dans des termes politiques engagés. Il faut une intervention du président Henri Talvat pour que le public comprenne qu’il s’agit d’une comédie. De fait, le film, au ton très old school et porté par l’énergie de l’actrice Hafsia Herzi, traite sur le ton de la farce, du sort peu enviable des femmes dans des petits villages d’Algérie.
16:00
On change de pays, Israël, et de ton, avec Chelli, (sortie le 4 mars 2015) premier film du monteur Asaf Korman, où l’on suit une jeune femme qui tient à tout prix à s’occuper elle-même de sa sœur handicapée. Écrit par son actrice principale, Liron Ben-Shlush, ce portrait de femmes se double d’une fine observation sociale de la middle class israélienne. Il est suivi par le marocain Adios Carmen, encore un premier film, de Mohamed Amin Benamraoui. Traitée sous forme de récit initiatique, cette chronique parfois maladroite, souvent dure et toujours sincère, évoque le parcours d’un enfant de dix ans et son rapport au cinéma dans le Maroc du milieu des années 1970.
20:00
A force de vouloir enchaîner les films, j’arrive en retard pour la cérémonie d’ouverture et me retrouve tout en haut de la grande salle Berlioz. C’est donc d’assez loin que je découvre Respire de Mélanie Laurent. Le film, à la mise en scène maîtrisée et oppressante, a été montré quelques jours plus tôt à 400 lycéens de la région, et suscite manifestement des réactions cathartiques chez ses jeunes spectateurs, qui le rapprochent souvent d’histoires vécues.
DIMANCHE 26 OCTOBRE 2014
12:00
Suite de la compétition avec These Are the Rules du Croate Ognjen Svilicic, description clinique, mais non dénuée d’humanisme des réactions d’un couple, après la mort de leur fils adolescent au cours d’une bagarre. Changement de registre avec Atlit de Shirel Amitay, qui se penche, à travers l’histoire de trois sœurs, sur les espoirs de paix en Israël, quelques jours avant l’assassinat du Premier ministre Ytzhak Rabin. Un joli premier film qui sortira en France le 21 janvier 2015.
16:00
Il ne faut pas très longtemps pour se rendre compte que Fidelio, l’Odyssée d’Alice de Lucie Borteleau est un des plus beaux films de la sélection. Cette relecture habile des récits maritimes (en salles le 24 décembre) offre un superbe écrin au talent de la lumineuse Ariane Labed, que je recroiserai de différentes façons au cours du festival.
18:00
Après la projection en avant-première du film Les Opportunistes, un dîner est organisé avec quelques journalistes, en compagnie de son réalisateur Paolo Virzi. Au cours de notre longue conversation, le cinéaste, très en verve, parle de son film, de ses influences et de ses goûts. Il évoque également, sans fard, la situation très difficile du milieu culturel et plus précisément de celui du cinéma dans l’Italie contemporaine. Alors que la discussion avec Virzi et son traducteur finit par joyeusement dériver autour de quelques personnages phares de la BD italienne (Ranxerox, Martin Mystère, Dylan Dog…), notre table accueille progressivement d’autres invités du festival, multipliant les thèmes et les conversations.
LUNDI 27 OCTOBRE 2014
10:00
Comme chaque jour, le parcours du festivalier commence avec des rencontres avec les équipes de film présentes. Pendant la conférence de presse d’Atlit, je suis surpris de constater que les questions tournent beaucoup autour la politique, qui n’est pourtant pas le seul sujet du film. Après réflexion, la programmation du festival incite à ce genre de questionnement. Au-delà de leurs qualités cinématographiques, la plupart des films de la compétition se retrouvent souvent autour des questions de territoire et d’identité, une manière finalement multiple d’interroger ce qu’est la Méditerranée aujourd’hui.
11:00
L’identité, il en sera beaucoup question dans Pitchipoï de Charles Najman. Dans un hommage totalement assumé au fascinant Opération Shylock de Philip Roth, le cinéaste suit le parcours tourmenté d’un comique juif, dans un univers kafkaïen en diable.
14:00
Présenté comme Pitchipoï dans la section Panorama, Les Portes du soleil : Algérie pour toujours de Jean-Marc Minéo, pourrait, lui, poser la question du territoire. Mais cette production totalement bis, issue d’une autre époque, ne va pas aussi loin. On se contentera de citer avec gourmandise le casting surréaliste sur lequel le film est vendu : Smaïn, Lorie et en guest star, Mike Tyson himself !
16:30
L’un des plaisirs d’un festivalier est d’enchaîner des films qui ne se ressemblent en rien. Avec La Terre éphémère du Géorgien George Ovashvili, on est très loin du film d’action de Jean-Marc Minéo. Dans un style totalement épuré, le cinéaste décrit le quotidien d’un vieil agriculteur et de sa petite-fille, sur une île éphémère. Son œuvre, à la fois poétique et métaphorique, est une des plus belles découvertes de la compétition (en salle le 24 décembre prochain) et se retrouvera 4 fois au palmarès (Antigone d’or, Prix du public, Prix de la critique, Prix de la meilleure musique).
18:30
J’enchaîne avec Bastardo, premier long-métrage de fiction du Tunisien Néjib Belkadhi. Dans un bidonville, véritable cour des miracles où la loi n’existe pas, on suit le parcours de deux rivaux, élevés comme des frères, qui se livrent une lutte impitoyable pour régner sur un réseau clandestin de vente de téléphones portables. S’il n’est pas exempt de défauts de jeunesse, ce film, aussi riche et généreux que violent, laisse néanmoins une impression durable. Marseille de Bélen Macias, avant-dernière entrée de la compétition, est moins marquant. Mais cette relecture ibérique du road-movie me permet de faire la connaissance de Valentina Carnelutti, charmante comédienne italienne venue présenter son premier court-métrage, ReCuiem, qui profite aussi de son court passage à Montpellier pour aller voir les films de ses confrères.
MARDI 28 OCTOBRE 2014
12:00
Mon dernier jour à Cinemed sera placé sous le signe de la Grèce, d’abord avec Standing Aside, Watching de Yorgos Servetas. Entre drame et thriller, la deuxième œuvre du cinéaste est portée par une mise en scène d’une grande sobriété. Mais son fatalisme semble forcé et je ressors un peu étouffé de la projection.
14:00
Je ne me sentirai pas beaucoup mieux après ma séance de rattrapage du difficile Alps de Yorgos Lanthimos, programmé dans la rétrospective du nouveau cinéma grec. Il me permet néanmoins de revoir Ariane Labed, que je croiserai dans les couloirs du Corum quelques minutes après la projection. Mais pas le temps de s’attarder, car juste à côté du Corum ont lieu des lectures de scénario, et notamment celui de Dédé de Mariam Katchvani, présenté par son producteur dans le cadre de la bourse d’aide au développement de Cinemed. Il fait partie des 13 films potentiels qui seront étudiés sous tous leurs angles, avant peut-être de revenir, terminés, dans une future édition du festival.
