Promu beau gosse des années 1990, Matthew McConaughey a re-explosé depuis trois ans. Son jeu s’est déployé, de Killer Joe au Loup de Wall Street, de Mud à Paperboy, de Bernie à Magic Mike. Jusqu’à la série True Detective et à Dallas Buyers Club où il brûle d’intensité. Oscar à la clé le 2 mars ?
La peau sur les os, Ron Woodroof défie les évidences : il lui reste un mois à vivre quand on lui décèle le VIH et tout traitement parallèle est impossible en 1985. Ce trentenaire texan, macho, jouisseur et homophobe va plaquer addictions et certitudes, virer as des nouveaux traitements et survivre sept ans à sa mort annoncée. Bienvenue au Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée.
Visage impassible et esprit tiraillé par ses démons, Rust Cohle arpente les méandres de la Louisiane. Il traque un serial killer, note et croque sur ses carnets tout ce qu’il voit, entend et sent. On le surnomme « The Taxman » (le percepteur) et on se méfie de ce taiseux insomniaque. Bienvenue dans True Detective, créé par Nic Pizzolatto et filmé par Cary Joji Fukunaga.
Ron Woodroof et Rust Cohle consignent tout, en quête de vérité. Deux personnages pour un seul homme : Matthew McConaughey. On a longtemps vu ce blond hâlé abonné aux personnages séducteurs et baroudeurs, dans une ribambelle de blockbusters costauds (Contact, U-571, Le Règne du feu), de comédies romantiques (d’Un mariage trop parfait à Hanté par ses ex) et de chasses au trésor (Sahara, qu’il a produit, ou L’Amour de l’or).
Le succès en 2011 de La Défense Lincoln de Brad Furman a changé la donne. Ce thriller de manipulation lui a permis de retrouver à 40 ans l’emploi clé d’avocat, lui qui étudia le droit à l’université d’Austin avant de devenir acteur t populaire quinze ans plus tôt, en ténor du barreau du Droit de tuer de Joel Schumacher et d’Amistad de Steven Spielberg.
Son jeu s’est densifié au fil des ans. Sa voix nasale et son bagout texan se sont enrichis d’une élocution sifflante. Sans oublier sa nonchalance tranquille et son sex-appeal. Un cocktail qui lui permet aujourd’hui d’arpenter l’ambiguïté et les ombres : ex-Golden boy cocaïné chez Martin Scorsese (Le Loup de Wall Street), reporter en pleine moiteur fatale chez Lee Daniels (Paperboy), fuyard planqué sur une île du Mississippi chez Jeff Nichols (Mud), tueur à gages sociopathe chez William Friedkin (Killer Joe).
Usant de son corps en instrument, il excelle à incarner une présence humaine en décalage. Un cow-boy perdu dans le monde moderne. Il déjoue aussi le puritanisme made in USA en hissant sa nudité comme outil de travail (stripper senior de Magic Mike de Steven Soderbergh), objet de fantasme (jeux sado-masos de Paperboy) et marque d’autorité (plaquage de Killer Joe). Pour coller au vrai Ron Woodroof, il a fondu de vingt kilos. Performance coup de bluff ? Il offre surtout son investissement total au personnage et au récit. « Quand on fait un film, c’est la partie architecturale, comment un film se construit, que je préfère ». Oui, Matthew McConaughey est un architecte de son propre travail. En plein épanouissement de son art.