Les 1er, 2 et 3 juillet 2016, la ville de Rochefort retrouvait les couleurs enchantées du film de Jacques Demy. 50 ans et pas une ride…
Arriver par la route à Rochefort de Paris, comme la caravane des forains, signifie, dans la vraie vie, ne pas prendre le fameux pont transbordeur… Pas seulement parce qu’il est en réfection depuis novembre 2015 et pour trois ans, mais parce qu’il relie les deux rives de la Charente d’Echillais à Rochefort… Cette scène fait bien rire les spectateurs lors de la projection en plein air ce vendredi 1er juillet. Il fait nuit place Colbert et l’écran géant est adossé à l’arc de triomphe surmonté d’une sculpture représentant un homme couronné et une femme se tenant par la main (l’Océan Atlantique et la Charente unissant leurs eaux) et surplombant la fontaine. Delphine et Solange parlent d’amour, chantent leur gémellité et sur les chaises et les bancs, des spectateurs transis mais heureux se serrent les uns contre les autres. « Les marins sont bien plus marrants que tous les forains réunis »… Quelques gouttes précèdent des trombes d’eau qui font fuir la foule. Deux dames à chapeaux larges et fleuris se lèvent précipitamment pour aller protéger leurs couvre-chef. « Je te raconterai la fin », dit une voix, goguenarde… L’écran se met à scintiller, le son s’arrête quelques minutes, les plus assidus s’abritent. Soudain la place Colbert a des airs de Parapluies de Cherbourg… La fête continue pourtant, les chansons s’envolent avec les danseurs. Et Maxence lève le pouce sur la route bordée de platanes qui rejoint le Pont transbordeur avant de monter, au grand soulagement d’une jeune spectatrice dans le camion des forains emportant Delphine. Au générique de fin les applaudissements sont épars mais sincères, l’humidité ambiante n’a pas altéré l’éternelle jeunesse de ce film sorti en 1967. Les badauds s’éloignent en chantonnant par les petites rues pavées, on jurerait qu’ils dansent.
2 juillet. Il fait un temps de rêve. De jour, la place Colbert a retrouvé les couleurs d’antan : des bandes de tissus colorés rehaussent ses façades comme au temps où l’équipe de Jacques Demy avait repeint la ville en couleurs pastels, des bouches d’égouts aux fenêtres. Les Rochefortaises vont par deux, coiffées de chapeaux fleuris, vêtues de robes ondulantes et assorties, chacun se photographie. Les écoles déploient leurs chorégraphies, les terrasses de cafés sont bondées, des majorettes font tourner leurs bâtons au son des fanfares et la scène érigée devant l’hôtel de ville se prépare au concert du soir. A deux pas de là, au Musée Pierre Loti, une petite salle dédiée diffuse un making of et expose quelques photos et couvertures de magazines ainsi que le vrai miroir du studio de répétitions des Demoiselles et les robes et chapeaux refaits à l’identique par les élèves d’un lycée professionnel. A 21h, Michel Legrand et ses musiciens, devant une foule de spectateurs enchantés reprennent tous les morceaux des Demoiselles de Rochefort en improvisations jazzy savantes et entraînantes. Après un détour par deux compositions co écrites avec Miles Davis, ils reprennent « en hommage à Jacques Demy qui n’a pas pu venir ce soir car il est occupé ailleurs », le thème central des Parapluies de Cherbourg. « Quand les Demoiselles auront 60 ans, 70 ans et plus, nous reviendrons toujours à Rochefort », déclare Legrand acclamé par les spectateurs, ravis…