Le cadeau à déposer sous le sapin cette année, le voici : le coffret blu-ray « Richard Fleischer », édité chez Carlotta, composé de 3 films miraculeusement sortis de l’ombre, tel un merveilleux panégyrique de la mise en scène, ravira les amateurs de cinéma.
Disparu il y a dix ans, Richard Fleischer, fils du célèbre producteur d’animation Max Fleischer (Popeye, Betty Boop), avait débuté sa carrière à la RKO après la guerre, profitant du renouveau prodigué par les studios pour attirer le sang neuf de créateurs – chance dont bénéficiera notamment aussi le jeune Nicolas Ray. Enhardi par une formation d’opérateur à Pathé News, Richard Fleischer tourne plusieurs documentaires et n’attend pas très longtemps pour que la RKO lui confie son premier projet de long-métrage, Child of Divorce qui étudie les ravages affectifs d’une enfant confrontée à la séparation de ses parents. Coup de maître, le film s’apparente immédiatement à un chef d’œuvre. Très vite, Richard Fleischer enchaîne les films et devient un orfèvre incontesté à qui l’on destine en toute confiance des superproductions (20.000 lieues sous les mers, Le Voyage fantastique, Soleil vert). Il est également l’homme que les studios hollywoodiens appellent à la rescousse – « réalisateur-doctor » – pour sauver tel tournage d’un confrère déméritant.
Parallèlement, Fleischer mène la réalisation de films plus personnels sans se départir de la tension et des qualités d’un savoir-faire hors pair.
Au sommet de son art en 1971, Terreur Aveugle et L’Etrangleur de Rillington Place réalisés la même année, mettent en exergue son style nerveux, dynamique et d’une plasticité imparable, et traitent de sujets très noirs qui jettent profondément le trouble dans l’âme des spectateurs.
Le premier est un huis clos où l’on suit une aveugle (Mia Farrow) poursuivie par un assassin sans visage aux bottes étoilées. Une leçon de cinéma magistrale : il faut s’attarder sur la composition de l’image où l’étrangeté est toujours suggérée par des angles insolites et des avant-plans mystérieux. L’aspect profondément effrayant qui ressort de ce dispositif, avec l’obsession du rythme en ligne de mire, dépasse largement le cadre de l’action et touche aux fondements les plus intimes qui lient le spectateur à l’écran. Le même brio pousse Fleischer dans L’Etrangleur de Rillington Place à évoquer le mythique M Le Maudit de Fritz Lang, tant Richard Attenborough (le tueur) compose, avec moult détails scabreux et à niveau égal du jeu de Peter Lorre, l’un de ses meilleurs rôle au cinéma. Il en résulte là encore que le hasard ne fait pas partie de la méthode Fleischer : à l’exacte opposé des méthodes de travail d’un Frank Capra, il préconise des répétitions avec les acteurs jusqu’à plus soif pour atteindre une fluidité de mouvement et ne souffrir d’aucune hésitation quant au placement de sa caméra. Il est d’autant plus surprenant de voir Les Flics ne dorment pas la nuit (1972) qui, sous une apparente nonchalance dans la capture d’un quotidien banal des rues de Los Angeles, n’en est pas moins d’une précision obsessionnelle et d’une acuité qui transperce les tares de la société américaine, sa cruauté et son racisme ordinaire qu’il semble plus que jamais important de considérer aujourd’hui avec précaution.
Le coffret Carlotta nous offre de surcroît de prolonger l’ensemble de ces réflexions au travers de nombreux documents rares et précieux sur les films de ce cinéaste extraordinaire. Un objet qui réhabilite de manière idoine ses fulgurances et dont les amateurs de cinéma auraient bien tort de se priver.