C’était un étrange festival, chacun chez soi. Même si le public a pu partager les films grâce à La 25ème Heure, même si les jurys ont pu échanger sur le cinéma. Nos coups de cœurs sont proches du palmarès pour les longs-métrages, notre absolu chant d’amour étant allé à Ibrahim de Samir Guesmi (voir ici notre papier) qui remporte le Grand Prix du Jury. Et les deux autres prix dans cette catégorie. Pour le reste, nous avons quelques engouements qui sont les nôtres et que nous partageons avec vous.
Longue vie à Premiers Plans, aux films et aux salles !
Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï (Belgique)
C’est un documentaire qui prend son temps pour s’installer dans nos rétines. Et dans nos cœurs. Mais une fois qu’il y est, il n’en sort plus. Une mère s’occupe de son grand fils de 42 ans, avec addictions et sans emploi. Il est le petit dernier d’une fratrie de cinq. Derrière la caméra, la seule fille de la nichée, Paloma Sermon-Daï, se fait petite souris pour capter ce lien unique, fait d’amour, de générosité, de culpabilité aussi. Et tout passe. L’intime et le trivial, le répétitif et l’usant, la blessure et l’espoir. Et l’amour inextinguible de cette mère qui jamais ne se démonte devant les incapacités de son « gamin ». Notre scène préférée ? Lorsque Ysma, la mère, seule dans sa cuisine et épluchant ses légumes, répond à la volée à une question posée par un animateur radio et se projette dans le prix qu’elle pourrait gagner, racontant comment elle avait jadis renoncé à un voyage remporté de la même façon, égrainant les noms des gens qu’elle aime, ses enfants bien sûr, ses amies et voisines aussi. Un grand film d’amour. (Grand Prix Diagonales du Jury)
Isabelle Danel
The Earth is Blue as an Orange d’Iryna Tsilyk (Ukraine / Lituanie)
La romancière et cinéaste Iryna Tsilyk, diplômée de l’Université Nationale de Théâtre et de Cinéma de Kiev et auteure de courts-métrages récompensés dans divers festivals internationaux, réalise le portrait d’une famille urkainienne passionnée de cinéma. La fille aînée d’Anna souhaite devenir chef opératrice et filme au quotidien sa famille, qui a fait le choix de ne pas quitter la zone de conflit en Ukraine dans laquelle elle vit depuis toujours. Leur maison devient ainsi un plateau de tournage secret, un terrain de jeux et d’aventures aux accents surréalistes proches des univers d’Otar Iosseliani ou Emir Kusturica. La caméra de l’apprentie cinéaste, qui entend devenir professionnelle et tente le concours d’entrée d’une école, est l’arme avec laquelle cette famille parvient à affronter l’adversité et le danger ambiant. Leur mise en scène du quotidien donne lieu à des scènes tragi-comiques d’une rare sensibilité, qu’Iryna Tsilyk filme avec une grande délicatesse. (Mention Spéciale du Jury)
Anne-Claire Cieutat
Staying de Zillah Bowes (Royaume-Uni, 19mn)
Ruth, responsable d’une galerie, récemment divorcée, envisage de changer de vie et de s’installer à la campagne. Elle se rend dans une ferme pour acheter un chien de berger, Mick, et partage le temps d’une fête de village la vie des habitants et se rapproche du propriétaire de Mick. C’est une tranche de vie dans un paysage verdoyant sans doute appelé à disparaître, car les fermiers ne voient pas le bout du tunnel, ni du Brexit. Un moment suspendu, comme volé, que l’on suit avec tendresse et émotion. On y sent tout autant les élans du cœur que la caresse du vent… (Grand Prix du Jury, courts métrages européens)
I.D.
Une place au soleil de Clara Beaudoux (Belgique, 21 mn)
Une merveille d’humanité, tant par ses images que par son montage et son traitement sonore. Ce court est un concentré du confinement, vu par la fenêtre de la réalisatrice tout juste installée en Belgique, sur la place Flagey. Ces images volées, comme empruntées à la vie, ont tout d’un acte de rébellion tendre. Elles nous collent la poésie au cœur pendant 21 minutes… Au son, des flashs info, des parenthèses musicales, des bribes de conversations avec un voisin, la réalisatrice filme les mouvements, les déplacements, la vie qui s’agite sur un tempo ralenti, les échanges à distance, comme des ponctuations. 21 minutes de caresses du regard de Clara Beaudoux, pour maintenir le fil ténu de la vie… Quel cadeau ! La phrase ? « Ramasser les patates en forme de cœur », qui évoque Agnès Varda et ses Glaneurs, bien sûr. L’image ? Le cœur géant, dessiné de manière éphémère sur la place par l’agent d‘entretien chargé de la nettoyer et qui, parce que tout est déjà propre, se dit qu’il faut quand même faire quelque chose d’utile et espère que son patron ne sera pas fâché.
Mary Noelle Dana
Dustin de Naïla Guiguet (France, 20 mn)
Plongée en immersion totale à travers une nuit d’excès, de détresse, de dérive, de déceptions, de solitudes qui se côtoient. Naïla Guiguet filme les âmes en peine, les frustrations, le chagrin inconsolable, la tristesse, la perdition, la recherche du sens, la quête de soi, et, derrière les BPM (Beats Per Minute) et la solitude, comme un rayon de lune au bout du tunnel, la douce rédemption que quelques mots peuvent offrir. Dustin Muchuvitz, qui interprète le rôle-titre avec une humanité bouleversante, vient de recevoir le Prix d’interprétation du 33ème Festival Premiers Plans, et le film lui-même a obtenu plusieurs mentions et prix, dont celui de meilleur court-métrage international à Toronto.
M.N.D.
Palmarès Premiers Plans 2021
- Longs-métrages européens
Jury : Pierre Salvadori (Président), Elsa Amiel, Leyla Bouzid, Filippo Meneghetti
- Grand Prix du Jury
Ibrahim de Samir Guesmi (France)
- Grand Prix du Jury Diagonales
Petit Samedi de Paloma Sermon-Daï (Belgique)
- Mention Spéciale du Jury
The Earth Is Blue As An Orange de Iryna Tsilyk (Ukraine, Lituanie)
- Courts-métrages européens et français
Jury : Frédéric Cornet, Ioana Dragomirescu, Abi Sakamoto
- Grand Prix du Jury – Courts-métrages européens
Staying de Zillah Bowes (Royaume-Uni)
- Grand Prix du Jury – Courts-métrages français
Trona Pinacles de Mathilde Parquet (France)
- Mention Spéciale du Jury – Courts-métrages européens
Mosaic de Imge et Sine Özbilge (Belgique)
- Mention Spéciale du Jury – Courts-métrages français
My Own Landscapes de Antoine Chapon (France)
- Prix d’interprétation – Courts-métrages français
Lua Michel dans Palma de Alexe Poukine
- Prix d’interprétation – Courts-métrages français
Dustin Muchuvitz dans Dustin de Naïla Guiguet
- Films d’écoles
Jury : Milja Mikkola, Émilie Poirier, Juliette Schrameck
- Grand Prix du Jury
I Want to return, return, return de Elsa Rosenberg (Allemagne)
- Prix Spécial du Jury
Spaces de Nora Strbová (République Tchèque)
- Plans animés
Jury : Nicolas Deveaux, Xavier Kawa, Isabelle Vanini
The Lost Wedding Ring de Elisabeth Jacobi (Allemagne)
Easter Eggs de Nicolas Keppens (Belgique, France, Pays-Bas)
