Sept statuettes pour Adieu les cons, trois pour Adolescentes, Jean-Pascal Zadi, Laure Calamy et Sami Bouajila récompensés. On ne peut que se réjouir. La cérémonie, elle, était inégale mais pleine de bravoure.
Ce vendredi 12 mars, la 46e cérémonie des César, présidée par Roschdy Zem était animée avec insolence touchante et grâce guerrière par Marina Foïs (en coécriture avec Blanche Gardin et Laurent Lafitte et mise en scène par ce dernier). Elle a (un peu) redonné des couleurs au cinéma.
C’est d’autant plus méritant que cette fête du 7e art était par avance lestée du poids de plusieurs défis à relever.
D’abord, succéder à la cérémonie de 2020 sans masques, mais avec rixes (au moins verbales), ses manifestations féministes aux portes de la salle Pleyel, ses malaises, ses désagréments et le départ d’Adèle Haenel et de quelques autres. L’année où la grande famille du cinéma a pris l’eau.
Ensuite, fêter le cinéma français qui est en insuffisance respiratoire alors que les salles (non essentielles) sont à nouveau fermées depuis le 28 octobre et que l’année écoulée a vu son exploitation tronquée de 162 jours, sans compter la frilosité des spectateurs dans les semaines qui ont suivi la réouverture du 22 juin, sans compter les couvre-feux dans un certain nombre de grandes villes à l’automne avant le deuxième confinement.
À cinq jours près (17 mars 2020), on aurait pu « célébrer » (façon de parler) le confinement 1, et compter les morts, qui ont dépassé la barre des 90.000 dans l’Hexagone. Bref, constater que le réel en général et le Covid en particulier ont plus d’actualité et de rebondissement que n’importe quel film…
Plus généralement, depuis 46 ans, cette fête du cinéma a toujours été longue, inégale, mal fichue, et chaque édition a tenté de faire oublier qu’entre deux saillies, trois discours politisés et un ou deux moments de grâce, on s’ennuie velu. Ce fut encore le cas cette année…
Mais, cette fois-ci, même avec une salle clairsemée de 150 personnes (nommés et remettants) réaménagée avec petites tables et lampes (« Il y a la place pour les jambes, a noté Lafitte : c’est le Qatar Airways des César ! »), il y avait quelque chose du plaisir d’être là qui traversait nos écrans de télévision. Et dans la grande famille du cinéma, il y avait du monde, de la diversité, des petits cousins jadis absents…
Marina Foïs a tenu son rôle avec prestance et humour trash « N’oublions pas que, sans la lumière, la coloscopie ne serait qu’un trou noir », les remettants ont tenté, parfois sans l’atteindre, cet équilibre précaire. Le mélange des genres n’a pas toujours pris et surtout les discours ont semblé univoquement corporatistes et donc, à mesure qu’ils s’empilaient, ont perdu en impact ce qu’ils avaient en justesse. Le grand écart entre Jeanne Balibar et Corinne Masiero était à l’image de cette soirée étrange. La première tout en strass bleu et joliment sage derrière son pupitre, rendant hommage aux femmes de plus de cinquante ans invisibles à l’écran, puis pointant sans ambages, mais avec pertinence, la nouvelle réforme de l’assurance chômage et les ministres Elisabeth Borne et Muriel Pénicaud ; la seconde remettant le César des costumes en gambadant sur la scène, portant d’abord celui de Peau d’âne, puis, dessous, la robe sanguinolente de Carrie au bal du diable, avant de se dévêtir en Femen de la culture en danger, dans un tourbillon brouillon et un peu gênant, même si éminemment courageux et iconoclaste.
On n’oubliera pas Jean-Louis Trintignant, citant Brassens, la voix merveilleuse et le sourire en coin, ni Laure Calamy, troublée, rassemblant ses esprits pour parler de la décentralisation et de la culture pas uniquement parisienne, ni Valérie Lemercier (en robe Céline Dion première manière ?) racontant ses stratagèmes pour sortir de chez elle, ni Sami Bouajila, ému, évoquant le désert de Tataouine et son grand-père, ni l’enlacement fougueux avec lequel Fanny Ardant a accueilli ce dernier sur scène, premier du genre dans cette soirée ne respectant rien, sauf les gestes barrières.
Quoi qu’il en soit, cette cérémonie était infaisable, et pourtant, il fallait la faire. Elle est faite.
Meilleur film
Lauréat : Adieu les cons réalisé par Albert Dupontel
Adolescentes réalisé par Sébastien Lifshitz
Antoinette dans les Cévennes réalisé par Caroline Vignal
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait réalisé Emmanuel Mouret
Été 85 réalisé par François Ozon
Meilleure réalisation
Lauréat : Albert Dupontel pour Adieu les cons
Maïwenn pour ADN
Sébastien Lifshitz pour Adolescentes
Emmanuel Mouret pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
François Ozon pour Eté 85
Meilleure actrice
Lauréate : Laure Calamy dans Antoinette dans les Cévennes
Martine Chevallier dans Deux
Virginie Efira dans Adieu les cons
Camélia Jordana dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Barbara Sukowa dans Deux
Meilleur acteur
Lauréat : Sami Bouajila dans Un Fils
Jonathan Cohen dans Énorme
Albert Dupontel dans Adieu les cons
Niel Schneider dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Lambert Wilson dans De Gaulle
Meilleure actrice dans un second rôle
Fanny Ardant dans ADN
Valeria Bruni Tedeschi dans Été 85
Lauréate : Emilie Dequenne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Noémie Lvovsky dans La Bonne Épouse
Yolande Moreau dans La Bonne Épouse
Meilleur acteur dans un second rôle
Édouard Baer dans La Bonne épouse
Louis Garrel dans ADN
Benjamin Lavernhe dans Antoinette dans les Cévennes
Vincent Macaigne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Lauréat : Nicolas Marié dans Adieu les cons
Meilleur espoir féminin
Mélissa Guers dans La Fille au bracelet
India Hair dans Poisson sexe
Julia Piaton dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Camille Rutherford dans Felicità
Lauréate : Fathia Youssouf dans Mignonnes
Meilleur espoir masculin
Guang Huo dans La Nuit venue
Félix Lefebvre dans Été 85
Benjamin Voisin dans Été 85
Alexandre Wetter dans Miss
Lauréat : Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir
Meilleur premier film :
Lauréat : Deux réalisé par Filippo Meneghetti
Garçon chiffon réalisé par Nicolas Maury
Mignonnes réalisé par Maïmouna Doucouré
Tout simplement noir réalisé par Jean-Pascal Zadi
Un divan à Tunis réalisé par Manele Labidi
Meilleur documentaire
Lauréat : Adolescentes réalisé par Sébastien Lifshitz
La Cravate réalisé par Étienne Chaillou et Mathias Théry
Cyrille agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes réalisé par Rodolphe Marconi
Histoire d’un regard réalisé par Mariana Otero
Un Pays qui se tient sage réalisé par David Dufresne
Meilleur film d’animation
Court-métrage
Bach-Hông réalisé par Elsa Duhamel
Lauréat : L’Heure de l’ours réalisé par Agnès Patron
L’Odyssée de Choum réalisé par Julien Bisaro
La Tête dans les orties réalisé par Paul Cabon
Long-métrage
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary réalisé par Rémi Chayé
Lauréat : Josep réalisé par Aurel
Petit vampire réalisé par Joann Sfar
Meilleur court-métrage
L’Aventure atomique réalisé par Loïc Barché
Baltringue réalisé par Josza Anjembe
Je serai parmi les amandiers réalisé par Marie Le Floc’h
Lauréat : Qu’importe si les bêtes meurent réalisé par Sofia Alaoui
Un adieu réalisé par Mathilde Profit
Meilleure photographie
Lauréat : Alexis Havyrchine pour Adieu les cons
Antoine Parouty et Paul Guilhaume pour Adolescentes
Simon Beaufils pour Antoinette dans les Cévennes
Laurent Desmet pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Hichame Alaouié pour Été 85
Meilleur son
Jean Mimondo, Gurwal Coïc-Gallas, Cyril Holtz pour Adieu les cons
Lauréats : Yolande Decarsin, Jeanne Delplancq, Fanny Martin, Olivier Goinard pour Adolescentes
Guillaime Valeix, Fred Demolder, Jean-Paul Hurier pour Antoinette dans les Cévennes
Maxime Gavaudan, François Mereu, Jean-Paul Hurier pour Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Brigitte Taillandier, Juliern Roig, Jean-Paul Hurier pour Été 85
Meilleur montage
Christophe Pinel pour Adieu les cons
Lauréate : Tina Baz pour Adolescentes
Annette Dutertre pour Antoinette dans les Cévennes
Martial Salomon pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Laure Gardette pour Été 85
Meilleurs costumes
Mimi Lempickaour pour Adieu les cons
Lauréate : Madeline Fontaine pour La Bonne Épouse
Hélène Davoudian pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Anaïs Romand et Sergio Ballo pour De Gaulle
Pascaline Chavanne pour Été 85
Meilleurs décors
Lauréat : Carlos Conti pour Adieu les cons
Thierry François pour La Bonne Épouse
David Faivre pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Nicolas de Boiscuillé pour De Gaulle
Benoît Barouh pour Été 85
Meilleure musique originale
Christophe Julien pour Adieu les cons
Stephen Warbreck pour ADN
Mateï Bratescot pour Antoinette dans les Cévennes
Jean-Benoît Dunckel pour Été 85
Lauréat : Rone pour La Nuit venue
Meilleure adaptation
Olivier Assayas pour Cuban Network
Hannelore Cayre, Jean-Paul Salomé pour La Daronne
François Ozon pour Été 85
Lauréat : Stéphane Demoustier pour La Fille au bracelet
Éric Barbier pour Petit Pays
Meilleur scénario original
Lauréat : Albert Dupontel pour Adieu les cons
Caroline Vignal pour Antoinette dans les Cévennes
Emmanuel Mouret pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Filippo Meneghetti et Malysone Bovorasmy pour Deux
Benoît Delépine et Gustave Kervern pour Effacer l’historique
Meilleur film étranger :
1917 réalisé par Sam Mendes
La Communion réalisé par Jan Komasa
Dark Waters réalisé par Todd Haynes
Lauréat : Drunk réalisé par Thomas Vinterberg
Eva en août réalisé par Jonas Trueba
César des lycéens :
Adolescentes réalisé par Sébastien Lifshitz
Lauréat : Adieu les cons réalisé par Albert Dupontel
Antoinette dans les Cévennes réalisé par Caroline Vignal
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait réalisé par Emmanuel Mouret
Été 85 réalisé par François Ozon