THE END… « Commencer par la fin », a dit Doria Tillier, parfaite maîtresse de cérémonie en rose malabar, et d’évoquer ses moments à elle dans ce Festival 2021 : « On a vu Deneuve, on a crié Aline, on a mis des robes, on a marché, on a regretté des chaussures… », avant de proposer à tous de s’émerveiller encore : « Il était une fois, le palmarès du Festival de Cannes… »
Et donc, ce qui s’est passé ce 17 juillet au soir sur la scène du Grand Théâtre Lumière était unique. Pas seulement parce que Spike Lee, président du Jury quelque peu décalqué en costume bigarré a, lui aussi commencé par la fin et quasi éventé le suspense de la Palme d’or dès les premières minutes, sans que l’on soit sûrs de pouvoir y croire tout à fait… Mais parce que, même si nous sommes partagés sur Titane, lui remettre la Palme d’or 2021 est un geste fort, unique, courageux. Un film de jeunesse et d’audace, un film de genre qui s’aventure dans des zones où le cinéma français n’osait jusqu’ici pas trop aller.
Et parce que le discours de Julia Ducournau, deuxième réalisatrice palmée de l’histoire du Festival, après Jane Campion, mais première à la remporter seule (Campion était ex aequo avec Chen Kaige) était juste et fort. « Petite, avec mes parents, on avait pour rituel de regarder à la télé la cérémonie de clôture du Festival de Cannes… Et je me disais que les films qui étaient sur cette scène étaient des films parfaits. Et ce soir, je suis sur cette scène et je sais que mon film n’est pas parfait, on dit même du mien qu’il est monstrueux… La perfection c’est une impasse, et la monstruosité qui fait peur et qui traverse mon travail c’est une arme et une force qui repousse les murs de la normativité… Il y a tant de beauté, d’émotion et de liberté à trouver dans ce qu’on ne peut pas mettre dans une case… Merci d’envisager un monde plus inclusif et plus fluide. Merci au jury de laisser rentrer les monstres. »
Il serait dommage d’effacer certains autres films ici célébrés (Drive My Car, Un héros, Annette, Le Genou d’Ahed), y compris ceux ne figurant pas au Palmarès (Bergman Island… snif !). Et n’oublions pas que deux réalisatrices ont été célébrées dans la sélection des courts-métrages, respectivement Jasmin Tenucci (mention spéciale) et Tang Yi (Palme d’or) ; et que Mélanie Thierry, immaculée, chavirée par le « tourbillon cinématographique » des trente et un films vus toutes sections confondues en compagnie de son jury, a remis la Caméra d’or pour un premier long (présenté à la Quinzaine des Réalisateurs) à Antoneta Alamat Kuzijanović pour Murina, celle-ci étant absente, car elle avait donné naissance à son fils la veille !
Palmarès du Festival de Cannes 2021
• Palme d’or du court-métrage
Tous les corbeaux du monde de Tang Yi
Mention spéciale
Le Ciel du mois d’août de Jasmin Tenucci
• Caméra d’or
Murina d’Antoneta Alamat Kuzijanovitć
• Prix du Jury
Ex aequo
Le Genou d’Ahed de Nadav Lapid
Memoria d’Apichatpong Weerasetakul
• Prix d’interprétation masculine
Caleb Landry Jones pour Nitram de Justin Kurtzel
• Prix d’interprétation féminine
Renate Reinsve dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier
• Prix du scénario
Ryusuke Hamaguchi et Oe Takamasa pour Drive My Car
• Prix de la mise en scène
Leos Carax pour Annette
• Grand Prix du Jury
Ex aequo
Un héros d’Asghar Farhadi
Compartiment n°6 de Juho Kuosmanen
• Palme d’or
Titane de Julia Ducournau