C’est décidément une année bien étrange. La pandémie de Covid-19 aura eu raison de l’édition 2020 du Festival de Cannes. Il n’y aura donc ni compétition ni Palme d’or, pas plus que de sélection Un Certain Regard, mais tout de même une liste d’élus, dont on ne saura pas lesquels se seront échappés (hormis le Benedetta de Paul Verhoeven avec Virginie Efira, qui attendra l’édition 2021 pour monter les marches), ni lesquels ont été ajoutés in extremis. Peu importe, cette sélection vise à soutenir des œuvres dont les cinémas, fermés pendant deux mois, ont grandement besoin ; le label « Festival de Cannes 2020 » portant avec lui son cortège de promesses. Le plus grand festival de cinéma du monde sélectionnant forcément les plus grands films…
Parmi ces œuvres (voir liste exhaustive plus bas), et celles retenues par les sections parallèles (Semaine de la Critique et ACID) voici celles qui font frétiller notre bande. Petite sélection chorale et subjective, en guise d’amuse-bouche…
ADN de Maïwenn. Dans son cinquième long métrage, la réalisatrice de Polisse explore ses racines franco-algériennes. Elle y dirige Fanny Ardant et Louis Garrel. Électrique ?
Ammonite de Francis Lee. Deux hommes s’aimaient dans une ferme du Yorkshire dans le fin et brut Seule la terre. Pour son second long-métrage, le Britannique Francis Lee filme la passion de deux femmes en 1840, sur la côte sud sauvage. Avec deux des meilleures actrices au monde : Kate Winslet et Saoirse Ronan. Wait and see !
Aya to Majo est la toute nouvelle production de Goro Miyazaki (Les Contes de Terremer, La Colline aux coquelicots, Ronja fille de brigand) produit par le studio Ghibli et Toshio Suzuki. Et le premier long-métrage de la machine à rêves nipponne à être réalisé entièrement en 3D. Une nouvelle ère s’ouvre-t-elle à nous ?
Casa de Antiguidades (Memory House) de João Paulo Miranda Maria. Un premier long-métrage brésilien, qui s’annonce fortement politique. Le réalisateur, révélé à la Semaine de la Critique avec son court Command Action (2015), aime les situations quotidiennes et les symboles. Sa “maison des souvenirs” sera-t-elle une alternative salvatrice à l’amnésie destructrice de l’ère Bolsonaro ?
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret. Après le délectable Mademoiselle de Joncquières, Emmanuel Mouret rassemble Camélia Jordana, Niels Schneider et Vincent Macaigne. On entend déjà leurs voix se déployer au fil de l’eau… Sortie prévue en septembre 2020.
De l’or pour les chiens d’Anna Cazenave Cambet (Semaine de la Critique). Une jeune réalisatrice qui râpe, “Queer palmée” en 2016 avec son court-métrage Gabber Lover, présenté à la Cinéfondation, la voici défendue par la Semaine de la Critique pour son premier long, parcours initiatique d’une jeune fille, de la Côte d’Azur à Paris. Avec une révélation, Tallulah Cassavetti.
Des hommes de Lucas Belvaux. Passé maître dans les polars (38 Témoins), les chroniques sociales (Pas son genre) et politiques (Chez nous), le Belge Lucas Belvaux adapte le roman de Laurent Mauvignier et réveille les sombres heures de l’histoire française avec ce récit d’amis qui se souviennent de leur implication dans la guerre d’Algérie. Le casting fait envie (Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin) et le sens de la dramaturgie propre au cinéaste risque de faire mouche sur un sujet si délicat. Sortie le 11 novembre 2020.
Les Deux Alfred de Bruno Podalydès. L’univers de Bruno Podalydès nous fait rire autant qu’il nous émeut. Drôle, humaniste, poétique, inventif, qu’a-t-il concocté après les formidables Comme un avion et Bécassine ! ? On flaire un récit ancré dans notre monde (le titre anglais est French Tech), dont les travers et les aberrations nourriront peut-être une fable contemporaine ? Sandrine Kiberlain, Vanessa Paradis, Michel Vuillermoz, Denis et Bruno Podalydès constituent le casting de cette comédie, dont la sortie n’est pas encore annoncée.
Été 85 de François Ozon. Un film de François Ozon « très personnel », qui conte la rencontre estivale de deux jeunes garçons de 16 et 18 ans, interprétés par Félix Lefebvre et Benjamin Voisin. Avec, dans le rôle de leurs mères, Valeria Bruni Tedeschi et Isabelle Nanty. Sans doute le premier des films labellisés à sortir, le 14 juillet 2020. Ça se fête…
Premier film comme réalisateur du célébrissime acteur Viggo Mortensen, Falling s’annonce d’une sensibilité à fleur de peau : un couple d’hommes accueille au sein de leur foyer le père fragilisé de l’un des deux, prenant le risque de faire affleurer des blessures anciennes… Avec Viggo Mortensen, Lance Henriksen, Terry Chen. Sortie en octobre 2020.
The French Dispatch de Wes Anderson. Tourné à Angoulême avec un casting rutilant (Bill Murray, Tilda Swinton, Frances McDormand, Léa Seydoux, Mathieu Amalric, Félix Moati…), ce film choral rend hommage aux journalistes, dixit Thierry Frémaux. Jusqu’où est allé cette fois l’imaginaire foisonnant de cet obsessionnel de la symétrie ? Réponse le 14 octobre en salle.
Garçon chiffon de Nicolas Maury. À quoi peut ressembler un film réalisé par Nicolas Maury ? C’est la question qui nous brûle les lèvres, tant l’hypersensibilité et la culture de l’acteur des Rencontres d’après minuit et de la série Dix pour cent transparaissent dans son jeu. Apparemment, voilà une comédie très dialoguée sur la jalousie où Maury donne la réplique à Nathalie Baye. Le héros verrait dans ce sentiment « une puissance de déchiffrement du monde ». De quoi nous rendre pensifs et impatients !
Ibrahim de Samir Guesmi. On aime immensément cet acteur, qui promène sa dégaine lunaire et son regard profond dans les films de Solveig Anspach, Noémie Lvovsky ou Bruno Podalydès. Ibrahim est son premier film en tant que réalisateur, dans lequel il explore les relations père-fils.
In The Dusk (Au crépuscule) de Sharunas Bartas. L’immense cinéaste lituanien poursuit la surprenante et revigorante nouvelle dimension impulsée à son cinéma depuis Frost (Quinzaine des Réalisateurs 2017), film de guerre et road movie avec Vanessa Paradis parmi une équipe de journalistes sur le front du conflit du Donbass. Ce nouveau film situe sa romance après la Seconde Guerre mondiale en Lituanie alors que le pays vit dans la misère et l’oppression soviétique. C’est une œuvre de résistance. Et après l’austérité légendaire de ses débuts (House, Free of Us), Bartas semble continuer après Frost son ouverture vers un romantisme sensible et affirmé.
Josep d’Aurel est un film d’animation retraçant le quotidien sombre de camps de concentration de réfugiés espagnols en 1939 en France, au travers de l’amitié entre deux hommes, un gendarme et Josep (Bartoli), combattant antifranquiste dessinateur. En sus : la promesse d’un casting de voix remarquables, Sergi López, Bruno Solo, David Marsais, Gérard Hernandez, Valérie Lemercier, Thomas VDB, Sílvia Pérez Cruz, François Morel, Alain Cauchi, Sophia Aram… Sortie le 20 septembre 2020.
Loin de vous j’ai grandi de Marie Dumora (ACID). La documentariste Marie Dumora suit ses protagonistes depuis plus de dix ans. Son cinéma est d’une sensibilité absolue et nous attendons chacun de ses nouveaux films comme la suite d’une série qui raconte le temps qui passe…
Lovers Rock et Mangrove de Steve McQueen. Deux films pour le prix d’un, signés d’un des réalisateurs les plus passionnants découverts à Cannes ces dernières décennies. Avec Hunger, couronné de la Caméra d’or en 2008, Steve McQueen artiste britannique dont les nombreux courts-métrages avaient déjà trouvé leur place dans les musées, était lancé sur la scène cinématographique internationale. Et ce qui a suivi, Shame (2011), Twelve Years a Slave (2013) et même, dans une moindre mesure, Les Veuves (2018) n’a fait que renforcer ce sentiment. Deux films donc, historiques, et politiques… Dire qu’on a hâte est un euphémisme.
La Nuée (The Swarm) de Just Philippot (Semaine de la Critique). Du glissement vers le genre à la française ? Un premier long annoncé comme un croisement de portrait de femme en mode survie sociale et de contamination animale aux versants hitchcockiens. Avec, enfin, un premier rôle au cinéma pour la sociétaire de la Comédie-Française Suliane Brahim. Sortie annoncée le 4 novembre.
Casting de choc (Laurent Lafitte, Karin Viard, Vincent Macaigne, Nicole Garcia) pour le premier film de Laurent Lafitte en tant que réalisateur, adaptant L’Origine du monde, pièce de Sébastien Thiéry : humour noir et rugosité psychologique devraient ravir le spectateur. Sortie annoncée le 4 novembre.
Passion simple de Danielle Arbid. Un titre suffit parfois à donner envie de voir un film. Le livre d’Annie Ernaux est réputé inadaptable et voilà qu’une réalisatrice libanaise le met en scène. Verrons-nous toutes ces scènes près du téléphone ou l’adaptation prendra-t-elle des libertés à partir d’un récit somme toute assez bref ? Il semble que nous n’aurons pas la réponse avant 2021.
Peninsula de Yeon Sang-no. Quatre ans après la course ferroviaire flippante et triomphale de Dernier train pour Busan, en séance cannoise de minuit, voici la suite. Deux fois plus de flip et/ou deux fois moins de plaisir ? Zombies en salle le 28 octobre 2020.
Seize printemps de Suzanne Lindon. Elle a eu 20 ans pendant le confinement et son premier film est sélectionné ! La fille de Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain serait-elle une surdouée ? Réponse le 9 décembre 2020.
Septet: The Story of Hong Kong de Ann Hui, Johnnie To, Tsui Hark, Sammo Hung, Yuen Woo-Ping et Patrick Tam. Attention, défilé de cinéastes stars, treize ans après la présentation cannoise du polar Triangle, par Hark, Lam et To ! Un film à sketches made in Hong Kong, qui retrace le parcours de ladite mégapole depuis 1940. Suite de plats savoureux ou choucroute officielle ? On croise les doigts.
Slalom de Charlène Favier. Parmi les nombreux premiers films de cette sélection, celui-ci suscite l’attente de par le parcours remarqué de la réalisatrice dans le court-métrage, le retour attendu au premier plan de Noée Abita, actrice révélée par la Semaine de la Critique avec Ava de Léa Mysius, et par son sujet fort qui aborde la question du harcèlement dans le milieu sportif avec un entraîneur de ski (Jérémie Renier) imposant son emprise sur sa nouvelle recrue. Sortie le 11 novembre 2020.
Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma. Les frangins Boukherma, moitié des quatre auteurs de l’ovni réjouissant Willy Ier, lancé à l’ACID Cannes 2016, reviennent avec une plongée prometteuse en France profonde, sous l’ombre d’un loup-garou. Avec le tout-terrain Anthony Bajon. On se fait mordre ?
La Terre des hommes (Beasts) de Naël Marandin (Semaine de la Critique). Paris et les trottoirs de Belleville servaient de décor à son premier long La Marcheuse. Changement radical, avec le monde agricole qu’arpente une jeune battante, campée par la magnétique Diane Rouxel. Une femme face aux hommes, à la violence, à l’emprise. Promesse d’intensité. Sortie le 25 novembre 2020.
Liste complète de la sélection 2020 :
LES FIDÈLES (ou déjà venus au moins une fois en Sélection officielle)
1 – The French Dispatch de Wes Anderson – Royaume-Uni/France/Allemagne
2 – Été 85 de François Ozon – France
3 – Asa Ga Kuru (True Mothers) de Naomi Kawase – Japon
4 – Lovers Rock de Steve McQueen – Royaume-Uni
5 – Mangrove de Steve McQueen – Royaume-Uni
6 – Druk (Another Round) de Thomas Vinterberg – Danemark/Suède/Pays-Bas
7 – ADN de Maïwenn – France
8 – Last Words de Jonathan Nossiter – Italie/France
9 – Heaven : To the Land of Happiness de IM Sang-Soo – Corée du Sud
10 – El olvido que seremos (Forgotten We’ll Be) de Fernando Trueba –
11 – Peninsula de Yeon Sang-Ho – Corée du Sud
12 – In The Dusk (Au crépuscule) de Sharunas Bartas – Lituanie/France/République Tchèque/Serbie/Portugal/Lettonie
13 – Des hommes (Home Front) de Lucas Belvaux – France/Belgique
14 – The Real Thing de Kôji Fukada – Japon
LES NOUVEAUX VENUS
15 – Passion simple de Danielle Arbid – France/Belgique
16 – A Good Man de Marie Castille Mention-Schaar – France
17 – Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait de Emmanuel Mouret –
France
18 – Souad de Ayten Amin – Égypte/Tunisie
19 – Limbo de Ben Sharrock – Royaume-Uni
20 – Rouge (Red Soil) de Farid Bentoumi – France
21 – Sweat de Magnus Von Horn – Pologne/Suède
22 – Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma
23 – February (Février) de Kamen Kalev – Bulgarie
24 – Ammonite de Francis Lee – Royaume-Uni
25 – Un médecin de nuit de Elie Wajeman – France
26 – Enfant terrible de Oskar Roehler – Allemagne
27 – Nadia, Butterfly de Pascal Plante – Canada
28 – Here We Are de Nir Bergman – Israël
UN FILM À SKETCHES
29 – Septet: The Story Of Hong Kong de Ann Hui, Johnnie To, Tsui Hark, Sammo Hung, Yuen Woo-Ping et Patrick Tam – Hong Kong
LES PREMIERS FILMS
30 – Falling de Viggo Mortensen – Canada/Royaume-Uni/Danemark
31 – Pleasure de Ninja Thyberg – Suède/Pays-Bas/France
32 – Slalom de Charlène Favier – France
33 – Casa de Antiguidades (Memory House) de Joao Paulo Miranda Maria – Brésil
34 – Broken Keys (Fausse note) de Jimmy Keyrouz – Liban
35 – Ibrahim de Samir Guesmi – France
36 – Beginning (Au commencement) de Déa Kulumbegashvili – Géorgie
37 – Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh – France
38 – Seize Printemps de Suzanne Lindon – France
39 – Vaurien de Peter Dourountzis – France
40 – Garçon chiffon de Nicolas Maury – France
41 – Si le vent tombe (Should The Wind Fall) de Nora Martirosyan – Arménie/France/Belgique
42 – John and the Hole de Pascual Sisto – États-Unis
43 – Striding Into the Wind (Courir au gré du vent) de Wei Shujun – Chine
44 – The Death of Cinema and My Father Too (La Mort du cinéma et de mon père aussi) de Dani Rosenberg – Israël
TROIS DOCUMENTAIRES
45 – En route pour le milliard (The Billion Road) de Dieudo Hamadi – Rép. Démocratique du Congo/Belgique/France
46 – The Truffle Hunters de Michael Dweck et Gregory Kershaw – Italie/États-Unis/Grèce
47 – 9 jours à Raqqa de Xavier de Lauzanne
CINQ COMÉDIES
48 – Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal
49 – Les Deux Alfred de Bruno Podalydès – France
50 – Un triomphe (The Big Hit) de Emmanuel Courcol – France
51 – L’Origine du monde de Laurent Lafitte – France
52 – Le Discours de Laurent Tirard – France
QUATRE FILMS D’ANIMATION
53 – Aya To Majo (Earwig and The Witch) de Gorô Miyazaki – Japon
54 – Flee de Jonas Poher Rasmussen – Danemark/France/Suède/
55 – Josep de Aurel – France – 1er film
56 – Soul de Pete Docter – États-Unis
SEMAINE DE LA CRITIQUE
After Love d’Aleem Khan – Royaume-Uni
De l’or pour les chiens d’Anna Cazenave Cambet – France
La Nuée (The Swarm) de Just Philippot – France
Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazlo – France
La Terre des hommes (Beasts) de Naël Marandin – France
LA SÉLECTION DE L’ACID
Les Affluents (Coalesce) de Jessé Miceli
Funambules (Tightrope Walkers) d’Ilan Klipper
Les graines que l’on sème (The Seeds We Sow) de Nathan Nicholovitch
Il mio corpo de Michele Pennetta
The Last Hillbilly de Diane Sara Bouzgarrou & Thomas Jenkoe
Loin de vous j’ai grandi de Marie Dumora
Si le vent tombe (Should the Wind Drop) de Nora Martirosyan
La última primavera (Last Days of Spring) d’Isabel Lamberti
Walden de Bojena Horackova