L’envie est un moteur essentiel dans le temps pré-festival de Cannes, et surtout entre l’annonce des films choisis et le début de la « grande bouffe » cinéphilique sur la Croisette. Rituel annuel immuable. L’énoncé des titres retenus est un réservoir à fantasme. Tant qu’elles ne sont pas vues, les œuvres restent virtuelles, attendues, espérées, mentalement customisées. Envie de découvrir des perles inconnues, de voir le nouvel opus de, la nouvelle œuvre avec, de s’abreuver des cuvées concoctées par les comités chargés de défricher la planète cinéma. Face à la soixantaine de long-métrages et aux vingt-cinq courts-métrages de la Sélection officielle du Festival de Cannes, les sections parallèles ont déballé leurs cartouches en début de semaine. Décryptage express.
50e Quinzaine des Réalisateurs
Septième et dernière édition supervisée par le grand manitou Edouard Waintrop, qui a réuni avec ses équipes vingt longs-métrages et dix courts-métrages pour fêter les cinquante ans de la section, créée à la suite de mai 1968. Un livre est paru mi-mars aux éditions Riveneuve, pour célébrer l’anniversaire et raconter les débuts : Quinzaine des réalisateurs : les jeunes années 1967-1975 de Bruno Icher, membre du comité de sélection. Le grand moment festif sera la remise du 17e Carrosse d’Or à Martin Scorsese, qui fit ses débuts cannois avec Mean Streets, à la Quinzaine 1974. Côté films, le programme fait saliver.
Du lourd côté tricolore, avec les nouveaux opus de Philippe Faucon (Amin et une ouverture au vedettariat avec Emmanuelle Devos), Guillaume Nicloux (Les Confins du monde, son troisième film avec Gérard Depardieu), Pierre Salvadori (En liberté avec Adèle Haenel, Pio Marmaï et Audrey Tautou), Gaspar Noé (Climax aux images encore bien tenues secrètes), Romain Gavras (Le Monde est à toi avec Karim Leklou, Vincent Cassel, et Isabelle Adjani – grand retour cannois), et le premier long signé de la remarquée pour ses courts Marie Monge (Joueurs avec Tahar Rahim).
Du lourd côté latin aussi. De l’hispanophone en masse, avec l’ouverture colombienne des Oiseaux de passage de Ciro Guerra & Cristina Gallego (sa productrice devenue coréalisatrice), lancés dans la même section en 2015 avec L’Etreinte du serpent, l’Espagnol acide Jaime Rosales (Petra), l’autre premier long de la section, amours gitanes ibériques au féminin Carmen & Lola d’Arantxa Echevarria, le Mexicain Julio Hernandez Cordon (Comprame un revolver) et l’Argentin Agustin Toscano (El Motoarrebatador). Sans oublier la coproduction réalisée par la Brésilienne Beatriz Seigner (Los Silencios). L’Italie s’invitera à la danse avec le film de clôture Troppa Grazia de Gianni Zanasi, le documentaire Samouni Road de Stefano Savona, et avec l’un des dix courts, signé du maestro Marco Bellocchio, La Lotta.
Outre Noé et Gavras, délire annoncé avec Mandy de Panos Cosmatos, mené par Nicolas Cage et Andrea Riseborough, autre production étasunienne avec Leave No Trace de Debra Granik avec Ben Foster. De l’animation nippone avec Mamoru Hosoda (Miraï, ma petite sœur), et des passages par la Chine, avec Ming Xhang (The Pluto Moment), la Serbie, avec Ognjen Glavonic (The Road), et la Tunisie, avec le second long de Mohamed Ben Attia (Weldi, mon cher enfant).
57e Semaine de la Critique
Promesses et excitation. Le Jury mené par Joachim Trier (Oslo 31 août, Back home), avec les acteurs Chloë Sevigny et Nahuel Perez Biscayart, la directrice de festival Eva Sangiorgi, et le journaliste Augustin Trapenard, aura à juger des dix courts-métrages et des sept longs-métrages, dont cinq premiers en lice pour la Caméra d’Or, d’une compétition dominée par l’Europe, dans la section menée par Charles Tesson, ses cinq membres du comité longs, et les quatre du comité courts. Du fantasme annoncé, dans l’univers du coloré portugais Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, et du nerveux français Sauvage de Camille Vidal-Naquet, avec le p’tit gars à suivre Félix Maritaud (120 Battements par minute de Robin Campillo). Des épopées humaines, avec la Suisse du documentaire en animation du bien nommé Chris the Swiss d’Anja Kofmel, la Hongrie de One Day de Zsofia Szilagyi, la Pologne de Fugue d’Agnieszka Smoczynska, et l’Islande de Woman at War de Benedikt Erlingsson. Et enfin l’Inde sera à l’honneur de Sir/Monsieur de Rohena Gera. Hors compétition, les acteurs passés à la réalisation brilleront, avec l’ouverture étasunienne et à vedettes, grâce au premier long de Paul Dano, qui filme Jake Gyllenhaal et Carey Mulligan dans la chronique Wildlife, et avec la clôture française du portrait de chanteur Guy, de et avec Alex Lutz, entouré d’une brochette de partenaires. À surveiller aussi, le deuxième film du Belge Guillaume Senez (Keeper), Nos batailles, avec Romain Duris, Laetitia Dosch et Laure Calamy, et le premier du Français Jean-Bernard Marlin, Shéhérazade. Sans oublier les dix courts, qui défendront aussi massivement des jeunes cinéastes européens, mais aussi issus de la Corée, de l’Algérie et du Chili.