Quand la marée redescend
Cannes 8h du matin. Tout juste arrivé au Palais pour me confronter à ce que je ne sais pas encore être le film le plus aberrant de la Croisette, The Last Face de Sean Penn, Cannes m’offre un moment de grâce et d’apesanteur qui ne peut arriver qu’ici. Comme déposée là par 10 jours de ressac, cette naïade anonyme semble attendre qu’un film la réveille de sa torpeur festivalière. Attention à la chute de lit néanmoins…
The Last Face, ground zero cannois
Mais revenons-en au film le plus monstrueux jamais programmé de mémoire de festivaliers. Dès le lendemain de sa présentation épique, ponctuée de fou rires réguliers partagés par la quasi totalité du Grand Théâtre Lumière (2300 strapontins tout de même, de quoi faire un sacré vrombissement), cet accident industriel aux proportions bibliques récoltait la moyenne historique de 0,2 au tableau des étoiles de la presse internationale. La seule élégance du film-désastre de Sean Penn sera donc d’avoir délesté l’autrement plus talentueux Gus Van Sant de son titre de recordman en la matière, obtenu l’année dernière pour son malheureux Nos Souvenirs. Merci pour lui.
Rien, aucun mot, aucune analyse construite, de bonne ou de mauvaise foi ne semblait pouvoir rendre compte de l’expérience collective vécue par les festivaliers à la sortie de cette projection de légende. Sachez-le : tout ce que vous pourrez lire sur ce film jusqu’à son improbable sortie en salle, du moins en l’état, sera faux, y compris ces quelques lignes. La réalité est bien pire… Raciste, misogyne, mièvre jusqu’à la crétinerie, existe-t-il seulement des qualificatifs appropriés pour nommer le naufrage ? Quelques exemples pour illustrer l’effarement teinté d’hilarité de tous les spectateurs : Jean Reno dans le rôle du Docteur Love (oui oui, vous avez bien lu, et non non, ce n’est pas le surnom du personnage, mais bien son NOM !), Charlize Theron affirmant « Avant de connaître Miguel, je n’étais que l’idée de moi-même » (citation littérale et certifiée sur l’honneur)… Disons le : le seul équivalent connu à un tel champ de ruines ne peut être que Le Jour et la Nuit de BHL.
Qui présentait en catimini, le même jour son dernier ego trip en salle Bazin. Il n’y aucun hasard, que des signes du destin.
Les cuisines de la culpabilité
Découverte inattendue face au Client d’Asghar Farahdi : rien ne ressemble plus à une cuisine roumaine qu’une cuisine iranienne, lieu privilégié du déploiement d’une culpabilité délétère. Toutefois, aucune ironie dans ce constat, tant le film du réalisateur presque palmé d’Une Séparation propose une intéressante variation sur ses thèmes de prédilection, et affine son art de la tension par le biais du simple découpage de l’espace.
Vous reprendrez bien un peu de Sean Penn?
On va dire que je suis obsessionnel, mais comment ne pas l’être ?… Pour conclure ce journal de bord de la journée de vendredi, une phrase, une seule, prononcée par Sean Penn lors de sa conférence de presse, et recensée par nos collègues de Chronicart.
« Je voulais éviter l’impérialisme culturel, c’est pour ça que j’ai demandé à Hans Zimmer de composer de la musique africaine »
CQFD…