Voilà une thématique qui s’imposait à la Cinémathèque française, puisque une nouvelle direction vient d’y être nommée et qu’elle ne pouvait donc qu’imaginer un nouveau type de programmation. Pendant des lustres, ce haut lieu de la cinéphilie a, la plupart du temps, présenté des rétrospectives autour de cinéastes, d’acteurs ou bien de genres. Cette fois, il s’agit d’une thématique très originale qui sera, du 2 au 30 juin, illustrée par de très nombreux films, des origines du cinéma (Georges Méliès et ses impressionnants Un homme de têtes, 1898, et L’Homme orchestre, 1900) à aujourd’hui (Holy Motors, Léos Carax, 2012). La thématique tourne autour des identités multiples, donc des « changements de têtes » obtenus d’une manière ou d’une autre.
À commencer par les acteurs qui multiplient les rôles dans un seul film, comme Buster Keaton dans The Playhouse (1921), Alec Guiness dans Noblesse oblige (Robert Hamer, 1949), Jerry Lewis dans Les Tontons farceurs (1965) ou encore Peter Sellers dans En voiture, Simone (Roy Boulting, 1974), sans oublier Lon Chaney, l’acteur transformiste par excellence dans, entre autres, L’Oiseau noir (Tod Browning, 1926).
Mais aussi ceux et celles qui se dédoublent pour maintes raisons et troublent le spectateur, qui ne peut alors que se perdre en conjectures devant Carole Bouquet et Angela Morina dans Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel (1977), Patricia Arquette en blonde et brune dans Lost Highway de David Lynch (1996) ou les huit interprètes du rôle d’Aviva Victor dans Palindromes de Todd Solondz (2004), sans omettre non plus Sophie Marceau et Monica Belluci dans Ne te retourne pas de Marina de Van (2009), ni, bien sûr, Kim Novak dans Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958), Jeremy Irons dans Faux-semblants de David Cronenberg (1988), Fredric March, Spencer Tracy, Jerry Lewis, Jean-Louis Barrault… dans les diverses adaptations du Dr.Jekyll et Mr.Hyde de Robert Louis Stevenson…
La liste est longue et l’iconographie d’une grande richesse. Dédoublements, transformations, déguisements, jeux de masques (cf. Georges Franju et son très beau Les Yeux sans visage, 1959 ; Mario Bava et son émoustillant Le Masque du démon, 1960), opérations esthétiques (L’Opération diabolique, John Frankenheimer, 1966 ; Volte/Face, John Woo, 1997), tous les moyens sont bons pour transformer l’écran en miroir déformant, perturbant, aveuglant de la psyché humaine. Une programmation intelligente, audacieuse et donc fort déstabilisante !