Entretien avec Martin Jauvat

"Je pense que Baise-en-ville va être mon meilleur film"

On avait découvert l’univers de Martin Jauvat à travers ses nombreux courts-métrages, et son premier long, Grand Paris, sorti l’an passé. Le jeune cinéaste vient de recevoir le prestigieux Prix à la Création de la Fondation Gan pour son deuxième long, Baise-en-Ville. Alors qu’il est en montage de ce film qui suit le quotidien d’un jeune homme de Chelles, en banlieue parisienne, contraint de trouver d’audacieuses solutions pour se rendre dans la capitale, on a voulu de prendre de ses nouvelles…

Vous êtes, donc, en montage ?

Oui, et je suis dans un gros pic, parce que mon producteur est venu pour la première fois, lundi. Donc c’était une étape importante…

Quand pensez-vous en voir la fin ?

J’avais négocié assez durement pour avoir beaucoup de temps. Je dis durement, mais ça s’est très bien passé, parce que globalement, tout s’est bien passé. On a eu des financements, on n’a vraiment jamais eu de galère. Je voulais avoir beaucoup de temps pour trouver le truc, parce que sur Grand Paris, j’avais mis du temps à trouver le film et je n’avais pas envie d’être là, d’un coup, dans un agenda où je serais frustré. Donc j’ai négocié pour avoir vingt semaines de montage, ce qui est vraiment beaucoup. Et là, j’en suis à la dix-septième.

Le film sera prêt pour Cannes ?

Oui, bien sûr ! En commençant le tournage, en mai, ça aurait été quand même con qu’il soit pas prêt un an après. Vu que Grand Paris était à l’ACID, on espère pouvoir à nouveau être à Cannes cette année.

Grand Paris s’est fait dans une économie de court-métrage. Avec Baise-en-Ville, il y a de nombreux financiers, un budget plus important… Est-ce une expérience de tournage différente pour vous ?

Le budget de Baise-en-Ville, c’est 3,5 millions – donc quasiment vingt fois plus que Grand Paris. On me dit souvent que Baise-en-Ville est mon premier long-métrage, car en termes d’industrie, Grand Paris, c’était une sorte de petit hold-up d’un long court-métrage qui, d’un coup, a une exposition un peu différente. Donc là, c’est sûr que c’est différent. 3,5 millions de budget, huit semaines de tournage… J’aurais pu peut-être me mettre la pression, en pensant à tous ces millions d’euros qui reposent sur moi, mais pas du tout. Faire un film, c’est un truc collectif. Et puis surtout, ça allait tellement vite, la production, que j’ai pas trop eu le temps de me poser ce genre de questions. J’étais vraiment dans la fabrication directe. En fait, quand on a commencé la prépa, on n’avait pas d’argent. Donc pour moi, c’était à peu près comme quand je faisais Grand Paris. Je bossais de la même façon. Et, au fur et à mesure, on a eu des sommes importantes qui sont tombées régulièrement. Tu débloques un premier truc, et ça en débloque plein d’autres… Jusqu’à ce qu’on ait même l’avance sur recettes, deux semaines avant le premier jour de tournage.

Martin Jauvat - Photographie : Julien Liénard

Et puis le film a été acheté par Netflix, aussi…

Oui ! Je savais que le Canal, ça les intéressait un peu. Avec mon producteur, ils ont fait tous ces trucs de négociations, de chiffrage. Moi, j’étais en train de bosser à la maison sur mon découpage avec le chef-opérateur… Et puis, d’un coup, le jour où ils ont parlé avec Netflix, c’est devenu vraiment le truc américain ! Toutes les deux heures, mon téléphone sonnait, on disait : « attends, Canal fait une contre-offre », puis « Netflix, ils me proposent 200 de plus ! », etc. C’est grisant. Mais en même temps, moi, j’étais en train de penser à mon champ-contre-champ…

Vous étiez focalisé sur l’artistique…

Totalement. Et d’une certaine façon, c’est un petit peu frustrant parce que, après avoir autant galéré à faire mon premier film, et tout ce que j’ai fait ici, subitement, d’avoir d’aussi bonnes nouvelles, tu as vraiment envie de les fêter et tu peux pas, parce que t’es encore en train de bosser…

Vous en aurez l’occasion quand le film sera terminé !

Probablement. Mais tout s’enchaîne si vite qu’il n’y a pas trop de moments où tu peux te reposer et prendre du recul sur le truc. Et je pense qu’artistiquement, ça peut être un écueil aussi, d’avoir tout le temps la tête dans le guidon. Parce que là, le temps qu’on finisse le film, s’il est à Cannes, ça va enchaîner. Il y aura un machin, il y aura un truc, il va sortir et puis après, je vais devoir refaire un autre film. C’est génial, bien sûr. Mais quand ce moment dont j’ai rêvé tout ma vie arrive, je n’ai pas vraiment le temps d’en profiter, parce que je suis juste en train de bosser tout le temps. Mais je ne me plains pas, c’est grisant ! Et puis, c’est con, mais ça te donne un peu de confiance en toi.

Comme lorsque vous avez gagné l’Aide à la Création de la Fondation Gan pour le Cinéma…

Ça, c’était la cerise sur le gâteau. C’est bête, mais j’ai jamais gagné de prix ni pour Grand Paris, ni pour aucun de mes courts-métrages, dans aucun festival. Alors forcément, tu te remets en question… Recevoir ce prix de la Fondation Gan, ça m’a vraiment fait du bien. J’avais rencontré Antonin Peretjako a un festival. J’adore ces films, et je crois qu’il avait bien aimé Grand Paris, on a sympathisé… Et il était à l’époque président du jury du prix de la Fondation Gan, et il m’a encouragé à postuler en me disant qu’il n’y avait pas souvent de comédies. Je savais qu’il avait lui-même déjà été lauréat. J’ai donc déposé un dossier. Finalement, j’étais en plein dans la prépa du film quand j’ai appris qu’on était finalistes. Donc, j’étais vraiment en train de gérer des trucs de repérage des décors, je me suis absenté pour faire mon oral, et puis après, je repars gérer un truc de machinerie. J’étais vraiment dans la fabrication. Ce qui était hyper fort à ce moment-là, c’est que je suis tombé sur un juré, Erwan Le Duc, qui m’a un peu déstabilisé avec sa première question : « c’est quoi la différence par rapport à ton premier film, dans la mise en scène ? ». Et c’était exactement la question que je me posais à ce moment-là. Donc ça m’a permis de confronter mes réflexions, de partager ma démarche en en cours. J’ai vraiment eu l’impression que les planètes s’alignaient. Le moment où on a eu la bonne nouvelle, d’ailleurs, c’était le soir même, j’étais encore au bureau, encore en train de taffer avec toute l’équipe et, ça nous a vraiment donné un boost de confiance, d’euphorie… C’était assez dingue. Franchement, quand tu vois la liste des films qui ont déjà été récompensé, c’est hyper prestigieux.

Ça vous inscrit dans une sorte de lignée.

C’est ça. Mais, à nouveau, ça ne m’a jamais mis la pression. J’étais fier, hyper fier. Ça m’a donné un élan qui m’a porté dans les moments de tournage où c’est un peu dur. Et j’étais aussi très content de me dire qu’une petite comédie sans prétention pouvait se retrouver là. C’est un peu le haut du panier quand même. Et j’espère qu’ils ne regretteront pas de nous avoir fait confiance !

Avez-vous la réponse aujourd’hui sur cette différence de mise en scène entre Grand Paris et Baise-en-Ville ?

J’ai gardé la même équipe et j’ai gardé la même approche de la mise en scène : un découpage assez simple, assez épuré, avec des cadres assez burlesques, et une pratique du champ contre-champ que j’adore, notamment dans des scènes de dialogue, où on joue sur les petits temps de flottement, de réactions, dans des situations où ça peut friser l’absurde. Ça, c’est mon truc. Avec en même temps un univers très visuel, assez contrôlé. Je ne suis pas fan des derniers films de Wes Anderson, mais il y a un peu de ça. J’ai ce même kiff de contrôler la réalité et de créer des images sans personnages. Je garde donc cette approche, mais avec un peu plus de temps, un poil plus de moyens, ce qui nous permet d’être plus précis, d’aller plus loin, sans pour autant tomber dans une approche qui serait trop formaliste. C’était toute la difficulté : je ne voulais pas tomber dans un truc où subitement, ça devient un système un peu froid, qui tourne à vide. C’est le risque quand tu as plus de moyens : bien sûr, j’ai pu me faire plaisir avec de la machinerie, des travellings un peu plus léchés. Mais qui ont toujours un sens dans la séquence. Rien n’est gratuit. Je voulais absolument éviter le truc qui se la raconte parce qu’il a plus de moyens. Non, au contraire, rester dans une forme de sobriété qui se conjugue à celle des aventures banales, de ce personnage qui veut juste passer son permis, qui veut juste s’entendre bien avec ses parents dans son pavillon natal… En même temps, j’adore les costumes par exemple, les maillots de foot, les joggings colorés. On s’est bien fait plaisir dans le film, avec les uniformes de travail, les logos des différentes entreprises. Ça donne un univers ultra bariolé.

Ce scénario que vous décrivez comme « tout simple » était-il facile à écrire ?

J’ai eu des moments de difficultés, et beaucoup de doutes. Surtout quand on a commencé à avoir pas mal de financements. Je me suis posé la question : « et si finalement, ce n’était pas si ouf ? ». Quand on a appris que Le Pacte (distributeur du film, ndlr) nous suivait, mon producteur m’a dit : « c’est bon, on y va ! ». Mais moi, je n’étais pas prêt. Je savais qu’il fallait encore que je retravaille le scénario, que je peaufine tel truc, que j’améliore tel autre. Mais en même temps, il y a cette expression, « le mieux est l’ennemi du bien », j’avais peur de perdre ce quelque chose qui avait plu aux partenaires du film, à trop vouloir le retravailler, je ne savais pas si je manquais de confiance en moi ou s’il y avait un vrai problème dans le film… Et puis, ça coûte de l’argent de continuer à passer du temps sur le scénario ! Mais je flippais à mort, c’est mon deuxième film, j’ai plus d’argent, donc plus de pression. Je me disais qu’on était en train de faire une immense connerie, que j’allais me planter… Mais heureusement, j’ai l’aide à la réécriture du CNC, qui m’a permis de rebosser sereinement.

Comment avez-vous eu l’idée de ce nouveau film ?

Grand Paris, ça évoquait un petit peu les années que j’ai passées avec mes potes après le bac. Et Baise-en-ville, c’est à nouveau très autobiographique, mais avec quelques années de décalage, une période plus tardive. Juste avant que je tourne Grand Paris, j’étais plus avec ma copine, j’étais retourné vivre chez mes parents. J’essayais de passer le permis, parce que je n’avais plus de taf. Et en fait, je foutais rien, je me suis mis à bosser en intérim pour un peu m’occuper et me faire un peu de thune. En vrai, tout ça c’est à cause de Bertrand Mandico ! (rires). Parce que je devais tourner Grand Paris en 2019, mais le tournage du second long de Mandico, qui est avec le même producteur que moi, a pris beaucoup plus de temps que prévu. Du coup tout a été décalé d’un an, et moi j’avais arrêté le taf, j’avais arrêté l’école, j’avais plus rien à faire. Mais tout ça, c’est un moment de ma vie dont je captais déjà le potentiel, je crois, quand je le vivais. Je me suis dit que ça pourrait faire un bon film. Mais après, j’étais immergé dans Grand Paris. Et puis j’avais besoin d’un petit peu de temps et de recul pour transformer ce souvenir en une matière de cinéma. Mais le film s’est construit autour des rendez-vous que j’avais dans l’auto-école, des négociations sur les tarifs quand je me mettais dans la voiture, des paysages qu’on traversait, des discussions qu’on avait, à ce moment. Et puis, pendant la post-prod de Grand Paris, j’ai découvert l’existence de ce mot, baise-en-ville (désignant une sacoche pouvant contenir l’essentiel pour dormir une nuit en dehors de son domicile, ndlr). Et je trouvais que ça allait très bien à mon histoire, avec mes galères de banlieusard. Quand j’étais en prépa à Paris, je me tapais trois heures de transport par jour, donc pendant les concours blancs ou les trucs comme ça, ça m’arrivait de prendre quelques affaires dans un sac et de m’incruster chez un camarade. Sans le savoir, j’avais déjà un baise-en-ville. Je me suis tout de suite dit que ça ferait un super titre. C’est comme pour un court-métrage dont je commence la production là et qu’on va tourner début 2025. Au début, je n’avais pas du tout d’idée d’histoire, mais seulement un titre : Full Metal Kebab.

Vous êtes déjà en production d’un nouveau court-métrage ?!

Ben oui, parce que Grand Paris, je l’ai tourné en 2020. Et avant que je commence Baise-en-ville, ça faisait quatre ans que j’avais pas réalisé de film, et ça me manquait. Donc j’ai écrit ce court-métrage très, très rapide et pratique à tourner, pour m’échauffer avant Baise-en-ville. Un petit peu comme j’avais tourné Le Sang de la Veine avant de tourner Grand Paris. Sauf qu’avec Baise-en-ville, ça s’est fait tellement vite que j’ai pas eu le temps de me mettre sur cet autre court. Je pensais que j’allais jamais le faire, mais quand j’étais en vacances, mon producteur m’a appelé en me disant que Canal+ avait acheté Full Metal Kebab ! Donc c’est mon projet pour après. Mais j’adore ça. C’est un luxe, en vrai, parce que je pense qu’un des problèmes de notre métier, ça peut être de tourner trop peu. Et en plus, je vais le faire avec des acteurs, des actrices que j’adore ou que j’ai envie de découvrir dans le travail.

Ce qui correspond un peu au casting de Baise-en-ville : un mélange d’habitués de vos films (William Lebghil, Sébastien Chassagne) et de nouveaux : Emmanuelle Bercot et même Michel Hazanavicius !

Oui, et on retrouve aussi ce mélange dans l’équipe technique, même si j’ai essentiellement gardé la même taille d’équipe, et la même façon de bosser. Pour Emmanuelle Bercot, j’ai choisi de bosser avec elle parce que je l’ai trouvée super sympa, super ouverte. En fait, c’est con, mais tu bois un café avec quelqu’un, et tu vois à peu près si ça peut matcher, j’ai l’impression. Et j’ai senti que ça allait le faire, qu’elle allait être géniale dans ce personnage, qu’elle allait l’incarner vraiment. Elle a notamment une façon de rire soudainement, de faire un truc assez volcanique. Genre d’un coup, elle craque totalement dans un grand rire hyper communicatif. Je trouvais ça trop fort et je l’ai utilisé dans le film. Mais je me suis pas mis la pression genre : OK, elle a de l’expérience. Et effectivement, c’est une grande réalisatrice, mais ça, en fait, moi, je connaissais pas trop son cinéma, donc je me suis pas mis la pression. Vraiment, je l’ai prise comme une actrice, comme pour Hazanavicius. À aucun moment j’ai pensé qu’il avait des Oscar et tout. Il joue mon père dans le film. Je l’ai rencontré au Festival d’Alès et depuis on a gardé contact. Il est venu voir Grand Paris, et il m’a envoyé un super message pour me féliciter. Ensuite, on s’est mis à se prendre des dej, à se voir régulièrement. Quand j’étais en train de bosser sur Baise-en-ville, je n’avais pas vraiment réfléchi à ce rôle de de père qui est quand même important dans un film. J’avais vu Jacky au royaume des filles dans lequel il avait un assez gros rôle. Alors je lui ai proposé qu’on fasse ça ensemble, et ça l’a fait délirer. Je pense qu’il était content de venir voir comme ça se passait sur mon plateau.

Parce qu’il faut préciser que vous jouez aussi dans ce nouveau film, comme dans Grand Paris.

Je vais plus loin que dans Grand Paris, parce que là je suis vraiment le personnage principal. Ce n’est plus un duo. Il y avait 41 jours de tournage, et j’avais 41 jours comme acteur. Il n’y avait pas une séquence sans moi.

Ce n’était pas trop dur de jouer et de diriger en même temps ? Ou vous avez l'habitude de fonctionner comme ça maintenant ?

Du moment que je trouve le personnage, je trouve que c’est plutôt facile de se glisser dans le costume. Ça ne demande pas un énorme temps de préparation. Je voulais vraiment lancer l’action et direct être dans le plan. Par contre, effectivement, vu que je voulais passer aussi un cap en termes de technique, de décor, d’image, d’effets de caméra, c’était un peu plus compliqué, d’être sur les deux postes en même temps. Mais j’ai gardé le même chef op’, donc il y a ce truc de confiance et de relations qui se travaillent dans le temps et qui m’aidait beaucoup. J’ai pris une scripte aussi. En plus, il y avait ma copine, Mahaut, sur le plateau, qui m’a beaucoup aidé. Il fallait aussi apprendre à travailler avec des acteurs et des actrices avec qui je n’avais jamais joué. Par exemple, Emmanuelle Bercot, elle ne joue pas du tout de la même façon que Sébastien Chassagne. C’était plus un travail, je dirais, de construction du personnage. Là où les autres, en général, ils viennent, ils font leur numéro et c’est fini. Avec Lebghil, Chassagne, il y a presque un truc immédiat. Et là, avec Bercot, c’était grave différent. Donc pour moi, c’était hyper enrichissant, mais ça me demandait plus de présence de cinéaste. Mais elle était de très bon conseil, et c’était un soutien de ouf. Elle était toujours prête, toujours disponible et très encourageante tout le temps. Pareil pour Géraldine Paillas, qui joue ma mère dans le film. Elle, elle était à fond. Elle connaissait pas du tout ce que je faisais avant d’avoir le rôle, mais sur le tournage, elle avait des étoiles dans les yeux. Elle avait trop kiffé Grand Paris. Elle était géniale sur le plateau, avec un enthousiasme dingue.

À nouveau, Baise-en-ville s’annonce comme une lettre d’amour à votre ville, Chelles.

Je crois même que c’est encore plus une lettre d’amour à ma ville natale. On filme ce qui se passe dans cette ville, la mairie, les pavillons… Je la cite beaucoup dans les dialogues, c’est important. Mais il n’y a pas ce twist qui était au cœur de Grand Paris, de transformer la banlieue en un terrain de jeu à la Indiana Jones. Là, je reste dans une comédie. En fait, j’essaie de faire ressortir la poésie qui se trouve déjà dans le quotidien. Il n’y a pas d’extra-terrestres, d’artefacts… Mais en même temps, j’ai l’impression que ça la rend encore plus jolie et encore plus folle, parfois. Même dans son côté banal, j’essaie de souligner ce qui a déjà de poétique dans cette banalité.

Donc, à la municipalité de Chelles, ils vous adorent ?

Non, nul n’est prophète en sa patrie ! C’est une mairie de droite, Chelles, avec un maire qui s’intéresse pas trop à la culture et pas trop aux jeunes. On a eu du mal à avoir les autorisations de tournage, on a dû payer assez cher pour pouvoir garer un véhicule. Ils n’ont pas fait des pieds et des mains pour nous accueillir et nous aider. Et surtout, le maire n’a pas daigné passer ne serait-ce qu’une heure sur le tournage, alors qu’on a passé plusieurs semaines à différents endroits. Alors qu’à l’inverse, j’ai une amie qui a bossé sur la série BRI, ils ont passé une matinée à la gare pour tourner une scène de dealer, je sais pas quoi, et là, le maire, il était là avec des photographes et compagnie, alors que les gars de la série, ils s’en battent les steaks totalement de leur ville, qu’ils ont choisi juste pour faire banlieue. Moi, je suis un enfant de Chelles, j’y ai passé ma vie, je l’ai filmé dans tous mes films et je n’ai jamais rencontré le maire. J’ai même pas eu un paragraphe dans le journal local. Alors c’est sûr, ce que je montre, ce n’est pas cent pour cent de la carte postale, je montre aussi un certain désenchantement. Mais tu vois, c’est con, mais dans les autres villes alentours où on a tourné, le maire est venu, il était content de rencontrer Bercot, etc. Rien à voir avec le maire de Chelles. Lui, son grand projet, c’est de quadrupler la télésurveillance dans la ville.

Il risque de regretter de ne pas avoir apporté plus d’attention à ce jeune cinéaste chellois…

Je ne sais pas. J’espère. En tout cas, je pense que ça va être mon meilleur film. C’est difficile de se rendre compte, parce que personne ne l’a vu, mais je pense que c’est assez réussi.

En ce moment vous êtes en plein montage : n’est-ce pas trop dur de se voir tous les jours à l’écran ?

Franchement, je kiffe ce que je fais comme acteur. Donc j’adore me voir à l’image ! (rires) Et j’adore les costumes, les maillots de foot, les joggings ultra colorés.

Avez-vous eu des propositions de rôles après votre performance dans Grand Paris ?

Non. Juste une proposition de court-métrage que je pouvais pas faire, et un petit rôle dans une série Netflix que je ne pouvais pas faire non plus. Mais j’aimerais bien. Et je pense que ça va peut-être venir, je débute à peine ma carrière…

 

Propos recueillis par Pierre Charpilloz