Le poids lourd des séries télévisées est de retour. La huitième et ultime saison de Game of Thrones, fantasy médiévale créée par David Benioff et D. B. Weiss d’après les ouvrages de George R. R. Martin, va être dévoilée dans moins d’un mois, huit ans pile poil après la diffusion initiale de la première salve d’épisodes. Le moment idéal qu’a choisi la journaliste et autrice Ava Cahen pour publier un ouvrage de décorticage et d’analyse de ce phénomène. Trois parties et de multiples chapitres passent en revue les ingrédients de la saga aux chiffres faramineux (production, budget, diffusion, répercussion, récompenses et nominations), et interrogent sa portée artistique, symbolique, morale et politique, à l’aune de notre XXIe siècle.
C’est une grande saga, qui traite de sujets qui me passionnent, à savoir : la famille, ses conflits et dysfonctionnements, la politique, dont le trône de fer est la métaphore – un siège unique fait d’épées tranchantes -, mais aussi tout ce qui touche au mystique et qui se rapproche des légendes arthuriennes. La série est à la fois très bestiale et primitive, et en même temps très structurée dans son approche des luttes de pouvoir qui occupent le cœur de chaque épisode. Qui dit luttes de pouvoir, dit guerre des sexes, et dans Game of Thrones, si les femmes sont au premier plan, leur représentation engage à l’analyse, parce qu’elle est tout simplement ambiguë. Ce sont des questions auxquelles je suis sensible. C’est, en résumé, pour toutes ces raisons que je me suis intéressée à cette série qui, avouons-le, est unique en son genre.
D’abord, parce qu’elle est spectaculaire. Elle est dotée des mêmes moyens que certains blockbusters hollywoodiens, et par conséquent, ça fait son petit effet sur le petit écran. Il suffit de prendre pour exemple les scènes de batailles, terrestres comme navales, qui sont aussi stupéfiantes que celles que l’on voit dans Le Seigneur des anneaux. À partir des romans de George R. R. Martin, dont elle est adaptée, la série a créé tout un univers, de A à Z, jusqu’à inventer des langues imaginaires comme le « Dothraki » ou le « Haut valyrien ». Les personnages, qui, tous, ont une mission ou une destinée, sont incarnés. Ils ont l’aura des héros des œuvres de Homère, de Shakespeare ou de Tolkien. Les thèmes, quant à eux, sont universels : guerre, paix, amour, sexe, quête identitaire, fin du monde. Game of Thrones fascine aussi parce que, sous couvert de l’heroic fantasy et son folklore, la série aborde des sujets contemporains, comme l’égotisme et le fanatisme de certains dirigeants du monde qui se conduisent en despotes, la volonté de renverser les élites qui ont le monopole du pouvoir, et même les enjeux climatiques, le dérèglement (« Winter is coming »), les catastrophes naturelles. La série met en scène le pire pour mieux nous mettre en garde quant à l’avenir du monde dans lequel on vit. C’est pour cela qu’elle fascine autant, parce qu’elle est riche de plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation.
Je ne m’attends ni à une résolution tragique, ni à un happy end évidemment. Il y a plusieurs éléments que la saison précédente a laissés en suspens : la révélation (ou pas) de l’identité de Jon Snow, neveu de Daenerys Targaryen, le plan pour repousser l’hiver et les Marcheurs Blancs, chahuté par Cersei Lannister qui ne pense qu’à ses propres intérêts, le sort des sœurs Stark, réunies de nouveau à Winterfell… On nous prédit une bataille épique, la plus spectaculaire de toutes les saisons. Elle a nécessité près de cinquante-cinq jours de tournage, donc il va forcément y avoir des pertes massives. J’aimerais en savoir plus sur le Roi de la Nuit, leader des Marcheurs Blancs, car son identité reste encore mystérieuse. Quant au trône de fer, la question est de savoir qui va l’occuper, si Cersei Lannister va y rester, ou si ses adversaires vont s’en emparer. Dans tous les cas, une nouvelle ère s’annonce.
Oui, certainement. Le fait que la série soit en majorité écrite par des hommes, blancs de surcroît, influe forcément sur le spectacle qui nous est donné à voir. La diversité manque à l’écran, alors qu’il n’était pas fou d’imaginer plus de métissage ici. L’imagination des créateurs et auteurs de la série est follement débridée, mais à ce niveau-là, ils loupent le coche, alors que la série aurait pu, ici aussi, briller par son exemplarité et sa singularité.
J’ai des tas d’envies, des projets déjà lancés. En revanche, cela fait un petit moment que je fantasme un essai sur les « stoner movies » (fiction liée à l’utilisation de cannabis, ndlr), sous-catégorie du « buddy movie », genre qui fait les beaux jours du cinéma américain et des séries américaines. À bon entendeur…