Les phares d’Alix
Rencontre avec Alix Bénézech, actrice dans Mission : impossible - Fall Out
Dans Mission : impossible – Fallout, elle donne la réplique à Tom Cruise, dans le rôle d’une policière aux grands yeux expressifs, le temps d’une séquence sur le fil, entre drame et comédie, qui a fait applaudir la salle du Palais de Chaillot lors de l’avant-première parisienne du film. D’apparition en apparition (Vénus noire, De l’autre côté du périph, Camping 3, Bis, L’Odeur de la mandarine, mais aussi Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood), de série en série (Le Sang de la vigne, Nina), la jeune Alix Bénézech tisse son fil, mue par une foi indéfectible dans sa vocation et une passion du jeu chevillée au corps. Retour sur les rencontres marquantes qui ont façonné son parcours jusqu’à ce jour.
Henri Lazarini
« Il fut mon père de théâtre au moment où je perdais le mien. Ce fut une rencontre-clé, celle qui m’a fait naître au métier d’actrice. Il m’a fait comprendre que j’avais déjà tout en moi, qu’il me fallait l’accepter et l’offrir. Il voulait que je donne à voir un mélange de force et de fragilité, d’innocence et de maturité, de fêlure et de joie enfantine, qui est une émotion que j’ai toujours eue en moi.
Sous sa direction, j’ai joué Christine dans Le Fantôme de l’opéra, adapté du roman de Gaston Leroux. Deux semaines après la mort de mon père, j’incarnais ce personnage qui parle sur la tombe du sien. C’était très troublant. Henri m’a beaucoup accompagnée artistiquement. C’était un amoureux de l’esthétique, un metteur en scène qui cherchait la grâce chez ses acteurs. Il m’a beaucoup marquée. Nous prenions rendez-vous chaque année pour discuter autour d’un thé et prendre des nouvelles. Nous parlions beaucoup peinture et littérature, et ces petits moments étaient comme des étapes, des bouées qui me faisaient me dire que je n’allais pas me noyer. »
La région des Corbières
« C’est la région où mon père a grandi, et c’est là que j’ai tourné le court-métrage de Yann le Quellec, Le Quepa sur La Vilni !, avec Christophe et Bernard Menez, qui était présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2013. L’énergie de cette nature a été une vraie rencontre pour moi. Nous jouions des personnages désireux d’apporter un cinéma dans un petit village perdu au fin fond de la France. Nous étions des messagers de l’art et du cinéma, de jeunes fous qui refusaient de marcher en ordre et qui devenaient des passeurs. C’est l’un de mes plus beaux souvenirs de tournage. Nous tournions à vélo, je suis tombée maintes fois, j’ai failli passer à travers un ravin, et j’ai adoré ça ! Yann m’a dit que mon personnage était un chamane, et j’ai pris conscience à ce moment-là que j’étais une passeuse d’énergie. »
Bis, la musique et la danse
« Dans Bis de Dominique Farrugia, je jouais une sorte de Madonna et j’ai eu plaisir à prendre des chorégraphies des années 1980. J’ai été marquée par l’énergie à la fois libre et mélancolique que j’ai pu ressentir sur ce film. Comme si j’arrivais à éprouver ce que cela devait être d’avoir 17 ans dans les années 1980. J’ai ressenti une grande mélancolie, c’était très étonnant. Et cela passait par la musique, par la danse, et par la rencontre avec Dominique Farrugia, qui sait transmettre et faire confiance aux jeunes talents. »
La vie nous appartient
« Ce film d’Alex K. Lee est mon premier projet à l’international. Nous avons tourné en Autriche dans la forêt. Là encore, j’ai ressenti mon lien très fort à la nature. Le film traite du suicide chez les jeunes. C’était à la fois un sujet très délicat et un vrai cadeau, car il m’a permis de comprendre plein de choses, moi qui ai été confrontée au suicide d’un proche par le passé. Nous avons reçu beaucoup de lettres d’adolescents bouleversés qui nous remerciaient, car ils réalisaient grâce au film que la vie valait la peine d’être vécue. Je me souviens notamment de la lettre d’une jeune fille de 13 ans qui ne voyait plus aucun horizon dans sa vie, et qui, en sortant du film, a ressenti le besoin de nous remercier. J’ai dès lors pris conscience fortement qu’être acteur, c’est avoir une sacrée responsabilité. Bien sûr, être acteur, c’est jouer comme un enfant et se faire plaisir, mais c’est aussi la possibilité de passer un message, de guérir les âmes et de changer le monde dans un sens meilleur. J’ai compris que je ne pouvais pas continuer à exercer ce métier de manière individualiste seulement. »
Nina
« Le personnage de Dorothée, que j’interprète dans la série Nina pour France 2, m’accompagne depuis trois ans et compte beaucoup pour moi, car c’est une infirmière et elle est donc guérisseuse. Dans la saison 4, il est question d’une femme qui est persuadée qu’elle est morte, et Dorothée va lui permettre de faire le chemin vers les vivants. Je pense que dans la prochaine saison, beaucoup de femmes vont se reconnaître dans Dorothée, car elle va être victime de harcèlement avec l’arrivée d’un nouveau personnage. Je suis en train de découvrir le scénario de ces nouveaux épisodes, et je les trouve très courageux provenant d’une chaîne grand public. »
Mission : impossible – Fallout
« Tourner dans Mission : impossible ouvre pour moi une nouvelle dimension. J’avais le désir de m’ouvrir à l’international en jouant dans des films que j’aime, moi, en tant que spectatrice. J’ai toujours travaillé mes personnages « à l’américaine », intuitivement, en cherchant une vérité, une sincérité, avec en tête le désir que le spectateur puisse s’identifier pleinement à mon personnage. J’ai aussi fait une formation d’Actor’s Studio, il y a un an. Sur le tournage de Mission : impossible, j’ai été marquée par la fluidité dans le travail. J’ai trouvé Tom Cruise très présent, très « connecté » à ses partenaires. Travailler avec lui, c’est n’avoir rien à faire : tout est déjà là, il faut lui renvoyer la balle. Il est très précis dans ses émotions, qui peuvent moduler d’une seconde à l’autre. Il s’agit donc d’être dans la vérité de l’instant face à lui quand on entend “ Action ! ”. »