L'interview azimutée de Virginie Efira
De chaque plan ou presque dans Revoir Paris, en salle le 7 septembre, Virginie Efira est l’interprète hautement sensible du film bouleversant d’Alice Winocour (lire ici notre chant d’amour). Interview, le temps d’un court instant volé dans le planning charnu de la comédienne, du coq à l’âne, du grave au léger, du trivial à l’existentiel.
Plonger dans l’inconnu et voir quelles sont les mains qui vous rattrapent, j’adore ça !
Je le suis devenue.
Non. Mais j’écoute des playlists.
C’est spectaculaire à quel point j’en suis dépourvue.
Quelque chose qu’on ne peut pas chercher. Parfois, on la trouve et c’est comme un heureux hasard. C’est quelque chose qu’on ne peut vraiment définir. Je me souviens de la bande dessinée Polina de Bastien Vivès, qu’une amie m’a offerte. J’ai été frappée par quelque chose qui n’était pas montré, pas dit, et qui était très puissant dans ce qui se racontait pourtant. Quelque chose qu’on aurait pu appeler la grâce. Et d’ailleurs ce mot figurait tel un outil promotionnel sur un sticker collé sur la BD. Que veut dire « être en état de grâce » ? Est-ce une forme de lâcher-prise ? Peut-être. Un état dans lequel on touche a quelque chose d’existentiel sans doute. Un moment de grâce, c’est peut-être un moment d’harmonie où tout le monde est sur la même note et est relié à quelque chose qui est au-dessus de nous tous. Ça peut arriver sur un tournage. Ça a à voir avec la beauté aussi.
Ce que j’adore, c’est quand, dans le jeu, l’inconscient prend le relais. J’ai l’impression que c’est aussi ça, la grâce. C’est quelque chose qui échappe à notre conscience et qui nous relie à l’inconnu. J’ai éprouvé cela parfois en jouant avec Benoît Magimel. Il est passionnant à regarder sur le plateau et en dehors. Quand il joue, il a une certaine lenteur, quelque chose de non cérébral, une manière de vous faire croire fort à l’instant. Il a quelque chose de très cinématographique. Comme si avec lui le cinéma s’invitait dans le réel. Je pense à sa manière de fumer une cigarette, par exemple. À ses gestes. À des détails. Je ne sais pas à quoi ça tient, si c’est dû à ce qu’il a traversé ou autre, mais je trouve qu’il ramène toujours un monde avec lui, quelque chose de dense.
À une époque, je pouvais tenir six heures sur des hauts talons sans problème, mais ça me semble une période lointaine. Le pied a pris de l’âge.
Bruxelles n’est pas une jungle tropicale, on n’y trouve que certains oiseaux. Quand j’entends le coucou parfois à Paris, cela me transporte directement dans mon enfance.
Réduire les enjeux. C’est ce que je me disais quand je faisais des directs devant 6 ou 7 millions de personnes à la télévision. Qu’est-ce qui peut bien m’arriver de grave ? Il ne faut pas trop se poser la question non plus, sinon on risque d’être moins impliqué. Mais je me refuse quand je joue de me demander ce que je risque de faire bien ou mal. Quand je présentais les cérémonies d’ouverture et de clôture à Cannes, j’entendais mon cœur battre dans l’oreillette les secondes avant de monter sur scène. Je me disais donc : qu’est-ce qui peut bien m’arriver ? Ta vie n’est pas en jeu. Tout va bien.
« Nul ».
Elle sait être sensible sans sensiblerie. Elle incarne la fragilité et la force combinées. Elle est dans un état particulier sur un tournage. Sur Revoir Paris, elle apportait un grand soin à trouver la juste distance à son sujet, avec pudeur et dignité. Elle était tellement concentrée qu’elle était presque en état de transe.
Alice voulait que j’aie une sorte de présence fantomatique, que je sois là et pas là en même temps. Comme si elle cherchait une abstraction. Ce n’était pas simple pour moi, dont ce n’est pas la tonalité naturelle. Ma dimension est plus concrète, je crois. C’était donc particulier à travailler. Ma voix voyage du haut vers le bas, mon débit est plutôt rapide. Mon personnage devait être à la fois à l’écoute des autres et plongée à l’intérieur d’elle-même. C’était assez technique et particulier comme travail.
J’adore ça.
Oui, bien sûr ! Oui, oui, oui !
Le waterzooi, un plat belge à base de poulet à la sauce blanche. Le mot est sympathique, n’est-ce pas ?
On est obligé de choisir ?