Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, alors que lycéens et étudiants intensifient leurs manifestations contre la réforme de l’éducation, deux jeunes français d’origine algérienne finissent à la morgue : Abdel Benyahia est tué par un policier ivre, Malik Oussekine assassiné par un peloton de voltigeurs motocyclistes. L’inspecteur Mattei (Raphaël Personnaz) navigue entre les deux affaires — l’une étouffée, l’autre très vite médiatisée —, tandis que les familles cherchent à en savoir plus.
Qui a vécu ces années-là se souvient forcément de Malik Oussekine, de l’élan citoyen que sa mort a provoqué ; Abdel Benyahia est, lui, un peu passé à la trappe de la grande Histoire. Belle idée, alors, de les réunir pour pointer un problème systémique : violence, racisme et sentiment d’impunité au sein des forces de l’ordre. Images d’archives à la clé.
Si Nos Frangins s’ancre dans un passé bien documenté, il met également à profit la fiction. Ainsi en est-il du patibulaire et, in fine, pathétique policier Mattei, qui ne mène d’ailleurs pas l’enquête la plus intéressante du récit. C’est du côté des familles, avec en duo de tête Sarah (Lyna Khoudri) et Mohamed (Reda Kateb) Oussekine, que la recherche de vérité se fait la plus sensible, complexe, quasi existentielle… Mais ce lien entre réel et imaginaire — une liberté d’écriture pleinement assumée — peut aussi créer un certain malaise, et de là, amoindrir la force première du film.
Rachid Bouchareb, réalisateur de Nos Frangins, et Wabinlé Nabié, qui tient dans le film le rôle du gardien des deux jeunes morts, s’immergent à l’oreille dans le système minuté et en ressortent pleins d’impressions, avant de livrer quelques pistes de lecture et un beau chant a capella.
Le système minuté
Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.