L'interview azimutée de Léa Drucker
Dans Je promets d’être sage de Ronan Le Page (en salle le 14 août), Léa Drucker incarne une gardienne de musée qui dissimule un encombrant secret et parvient à s’en libérer à la faveur d’une rencontre avec un théâtreux rangé des voitures – qu’incarne Pio Marmaï tout en effervescence contenue. Nous avons embarqué la talentueuse comédienne sur notre terrain de jeu poético-absurde : elle s’y est prêtée avec grâce.
Oui, j’aime bien ma voix. La difficulté du théâtre l’a sculptée et je trouve qu’elle me raconte bien, car il y a une gravité et une légèreté qui s’y entendent et avec lesquelles je peux jouer dans mon travail. Ma voix change d’ailleurs selon mes personnages. Un des plus beaux compliments que l’on m’ait faits est de me dire qu’elle pouvait faire penser à celle de Catherine Deneuve parfois. Ai-je le droit de frimer un peu, de temps en temps ?!
Aucun. Il n’y a rien de symétrique chez moi. Ni physiquement, ni là où je vis, ni dans mes points de vue !
J’ai tendance à porter plus de talons plats, pour le confort, mais les talons hauts – que j’associe au rêve, au panache et à la confiance en soi – me donnent de l’élan et m’obligent à imposer quelque chose que je ne m’autorise pas forcément quand je suis en talons plats. J’ai grandi tard et j’ai donc été petite en taille, enfant et adolescente. Le fait d’être en hauteur m’emmène vers quelque chose de plus féminin.
Je pense à Ava Gardner et à Pandora, mais c’est une féminité exacerbée, qui est donc du côté du fantasme et de l’irréel. J’aime aussi voir la féminité chez les hommes. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup. Bowie, Mick Jagger, Prince ont été mes égéries. Tous trois n’ont pas peur du féminin.
Oui. Je suis très sensible à l’acoustique des musées, par exemple. J’ai un souvenir sonore associé à un tableau : dans un musée à Brooklyn, je suis restée postée longtemps devant un immense tableau de Jackson Pollock. Le gardien était juste à côté et il chantonnait. Je me suis ensuite aperçue que le tableau était intitulé The Voice.
Celui de la mer et des mouettes du côté de la Manche. Cela me rappelle les vacances que je passais chez ma grand-mère. Cette région induit plus de contemplation que les plages du Sud, je trouve.
Mes deux bagues. Je n’ai pas d’attachement particulier aux objets, mais ces bagues-là ont une valeur de protection à mes yeux. Elles veillent sur moi !
J’aime bien Julien Clerc. Mais je dirais Debussy, car ma grand-mère le jouait au piano. Son Clair de lune est l’un des plus beaux morceaux du monde. Il y a quelque chose d’étrange aussi chez Debussy.
Un amour de la musique. Elle était une magnifique pianiste et chantait très bien. Elle était femme au foyer, mais je pense que c’était aussi une grande artiste. Elle s’appelait Dorothy et elle était galloise.
J’adore ça. Je marche beaucoup. J’apprends mes textes en marchant.
Pas du tout. J’ai un sens de l’orientation dégueulasse. Mais heureusement, maintenant il y a les GPS !
Je pense que la ponctualité est une politesse et je m’efforce d’être ponctuelle, mais parfois, je n’y arrive pas, car je suis lunaire.
Je jure peu.
Les îles Chausey. Je m’y sens connectée par les sons et les odeurs. C’est très puissant. J’y retourne depuis peu.
Quand je ne suis pas bêtement sur mon téléphone, soit je lis, soit je bavarde avec les membres de l’équipe. J’aime bien la conversation.
Pommes de terre sautées, escalope viennoise.
Ça peut changer. En général, on se dit « merde ». Je me mets dans un état proche de la transe pour être très vivante ou pour me réveiller si je suis endormie. Je grommelle donc parfois et ça n’a pas de sens verbalement. C’est un peu de la sorcellerie. Ce n’est pas mystique, mais c’est un peu sauvage !
Si c’est un trac puissant, je me concentre sur ma respiration. Si c’est un trac encore plus envahissant, j’essaie de le transformer. C’est impossible à contrôler totalement, mais on peut essayer de l’apprivoiser et d’en faire une entité qui vous accompagne. J’en fais donc un personnage que j’emmène avec moi.
C’est un peu spirituel. Ça m’évoque des gens qui ne sont plus là, mais que je sens présents ou que je rends présents quand on a des questions à résoudre.
Les gens que je trouve présents au cinéma sont en général des gens que je ne trouve pas lisses, qui ne cherchent pas à plaire et qui essaient d’être eux-mêmes à travers des personnages. Ce sont des gens très humains, qui vous donnent l’impression de faire partie de votre vie et de vous parler intimement. C’est la force des grands artistes : ils vous font croire qu’ils ne s’adressent qu’à vous.
Fièvre.
Secrètement, oui, pour faire rigoler ma fille.
Le chien, car le chien est très aimant ; il a besoin des autres, d’attention et d’être aimé.
Je n’en ai pas.
Milou.