Il était une fois, au plus profond d’une forêt, au plus froid de l’hiver, un Pauvre Bûcheron et une Pauvre Bûcheronne solitaires, piégés dans un quotidien laborieux, seulement rythmé par le son des trains au lointain. Un jour, Pauvre Bûcheronne lance une prière à cette entité : elle demande une marchandise, n’importe laquelle – et sera exaucée sous la forme d’un bébé emmailloté, jeté d’une fenêtre. Car nous sommes en Pologne, en pleine Seconde Guerre mondiale, et ces trains n’acheminent pas du fret, mais des déportés. Commence alors la longue lutte pour la survie de cette Petite Marchandise, la plus précieuse de toutes.
Très adroit pour manier la farce, le pastiche, Michel Hazanavicius sait aussi faire preuve de retenue, d’élégance et d’un profond humanisme, comme en atteste son dernier film, La Plus précieuse des marchandises. Il y adapte un conte de Jean-Claude Grumberg, en s’essayant pour la première fois au cinéma d’animation. Où l’on découvre ses talents de dessinateur ! Un trait épuré, des couleurs éteintes, mais de la beauté partout où cela est possible. Car si le contexte est sombre, le mouvement du récit, lui, est lumineux : il célèbre les Justes, ces gens de toutes origines, poussés par leur « boussole morale » à aider les persécutés, y compris au péril de leur vie.
Au micro de l’interview minutée, Michel Hazanavicius commence par un lapsus temporel ; il s’étonne du hasard qui fait que les 7e et 42e minutes de son film soient en miroir ; il livre un bon moyen mnémotechnique pour correctement prononcer le nom du compositeur Alexandre Desplat ; il évoque la façon dont est traité, notamment au son, le méchant du film – le train. Et puis, en conclusion, une citation : « Je mettrai devant toi la vie et la mort. Toujours tu choisiras la vie ».
Le système minuté
Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.