2044, Gabrielle (Léa Seydoux), auditionne, face caméra, pour un poste à responsabilités. Elle veut s’élever ; une voix off lui répond que ses affects la freinent. La solution ? Revenir en arrière, dans ses vies antérieures, et tout lisser. 1910 et 2014 s’avèreront des périodes charnières, où le même homme (George MacKay), toujours, lui fait face.
En commençant son récit sur fond vert, en laissant le spectateur imaginer le décors et les accessoires, dans le même temps où ils sont dictés au personnage Gabrielle/à la comédienne Léa Seydoux, Bertrand Bonello engage son film sur une voie à la fois documentaire, expérimentale et romanesque. Au risque d’attirer, d’abord, trop d’attention sur le décorum qui suit l’introduction… Puis le temps se distend, se subdivise, les motifs se répondent, la musique magnétise et la « chose » prend forme, fascinante.
La Bête, adaptation d’un écrit d’Henry James, La Bête dans la jungle, en garde le postulat de base : une menace rôde, cataclysmique. Au micro de l’interview minutée, le réalisateur lie amour et asphyxie, dévoile les multiples richesses de l’époque Paris-1910, parle formats cinématographiques et triple temporalité à risque.
Le système minuté
Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.