De Stevenson à Antoinette
Comment Antoinette dans les Cévennes actualise le Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson, récit de sa randonnée avec l’ânesse Modestine, à l’automne 1878.
Rencontre avec Caroline Vignal :
Dans son livre, Robert Louis Stevenson ne dit pas qu’il a fait son voyage pour se consoler de son chagrin d’amour. Je me suis beaucoup inspirée de son livre, mais pour la relation entre lui et son ânesse Modestine : c’est elle qui m’a servi de canevas. Au moment de l’écriture, je ne savais pas que des raisons sentimentales l’avaient poussé à faire ce voyage : je l’ai appris beaucoup plus tard, alors que j’étais déjà très engagée dans l’écriture de mon film. C’est par pure coïncidence que mon imaginaire a croisé la route de la biographie de Stevenson. Je ne me suis intéressée qu’en cours de route à la vie de Stevenson et à ce que disaient ses biographes au sujet de son voyage dans les Cévennes. J’ai fini par le mettre dans Antoinette, à travers ce que dit l’un des personnages des raisons amoureuses pour lesquelles Stevenson avait entrepris son aventure avec l’âne.
Le point de départ de mon scénario n’était pas un dépit amoureux. Les Cévennes étaient à l’origine de mon envie de refaire un film : je voulais filmer ses paysages, je voulais filmer le ciel, je voulais filmer l’été. Plusieurs fois, j’avais marché dans la montagne cévenole, sans avoir aucune idée de film derrière la tête, d’ailleurs. C’est quand j’ai eu le désir de revenir au cinéma que j’ai naturellement pensé aux Cévennes. Et c’est à ce moment-là que j’ai ouvert le livre de Stevenson et que j’ai développé l’écriture du film.
Le ton du livre n’est pas si différent de celui du film. Son récit de voyage est nourri de détails historiques, notamment sur la guerre des Camisards, mais les passages à propos de son ânesse Modestine sont aussi pleins d’humour. Certaines scènes de mon film sont presque adaptées de son récit, comme ce moment où Antoinette se perd et revient au même endroit le lendemain. C’était arrivé à Stevenson, qui avait fait une boucle et s’était retrouvé à son point de départ, dans le village qu’il avait quitté la veille. J’ai transposé, mais je me suis appuyé sur son récit.
J’ai écrit le film sans avoir d’actrice en tête ; je ne sais pas écrire pour un acteur. C’est une fois que j’ai eu fini d’écrire une première version du scénario que j’ai réfléchi à qui pourrait jouer le rôle et que Laure Calamy s’est imposée. J’aurais pu écrire pour elle, mais il se trouve que nous ne nous connaissions pas. Ce qui est très curieux, c’est que le scénario était truffé d’éléments dans lesquels elle se reconnaissait, comme si je la connaissais déjà.
Propos recueillis par Jo Fishley
Antoinette dans les Cévennes : l’interview minutée de Caroline Vignal et Benjamin Lavernhe
Le système minuté de Jenny Ulrich
Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.