Sa mince silhouette emmaillotée, ornée d’une cocarde et d’une couronne façon miss France, tapisse les couloirs du métro parisien. Camille Chamoux est actuellement seule en scène au Théâtre du Petit Saint-Martin dans son one-woman-show Née sous Giscard, et sur les écrans de cinéma dans Les Gazelles de Mona Achache, depuis le 26 mars. Rencontre en zigzag avec cette jolie jeune femme à l’esprit affûté et au phrasé de mitraillette.
J’ai un petit métronome dans la tête. Quand je commence une phrase, j’ai toujours peur qu’on ne me laisse pas finir. J’ai le syndrome des numéros 3 des familles nombreuses ! En plus de ça, ma pensée et ma parole sont exactement simultanées. Je ne digère pas l’information. Je suis habituée à penser en mots.
Je sais. Je suis très rapide. C’est une qualité et un défaut. Une qualité pour une comédienne, car ça fait un phrasé original, singulier, et un défaut, parce que j’ai tendance, sur scène, à avaler les mots. Donc oui, il faut me suivre…
Tout l’intérêt est d’arriver à jouer sur son Stradivarius, à maîtriser son propre instrument. Je travaille beaucoup à savoir ralentir et à profiter de la qualité des silences.
C’est vraiment un effort, une prise de conscience. Sur le tournage des Gazelles, par exemple, Mona Achache, la réalisatrice, était obsédée par ma voix. J’ai une voix, comme mon débit, qui est extrêmement variable : je peux avoir une voix très grave et je peux avoir une voix très aiguë. J’ai une sorte de souffle dans ma voix, donc dans les aigus, ça donner une voix de petite fille et dans les graves, une voix très différente – et Mona voulait que je sois dans les graves. On a donc énormément travaillé sur le plan vocal pour ce film. La voix, la qualité des silences, c’est de la musique !
J’aime tous les déguisements ! Je suis super triste d’avoir passé l’âge de me déguiser ! J’essaie de temps en temps d’organiser des soirées déguisées, mais il n’y a toujours que deux personnes qui suivent le thème. Passés vingt ans, le but des meufs, c’est de s’habiller en miss sexy et les mecs, en mode mystérieux et ténébreux. Je peux donner n’importe quel thème, tout le monde s’arrangera toujours pour être sexy et ténébreux, alors que moi, si je m’écoutais, je me déguiserais volontiers en carotte ou en fée ! Se déguiser, c’est décider d’être ce qu’on souhaite.
J’adore dormir. J’ai longtemps été narcoleptique, c’est-à-dire que je m’endormais n’importe où, lors de rendez-vous, à table… Je me souviens, enfant, je m’endormais debout à la messe. Je me suis même endormie au bac de français, au bac général et au concours de Normale Sup. Je me suis endormie au volant et j’ai eu un accident, donc depuis je ne conduis plus. Maintenant, j’ai été voir la petite dame et depuis, je m’endors moins.
Ma psychanalyste ! La psychanalyse a entièrement résolu mon problème de narcolepsie. Allez savoir pourquoi ! Aujourd’hui, je n’ai pas besoin d’énormément de sommeil. J’ai toujours peur que le sommeil me prive de quelque chose à vivre quelque part, donc je dors peu.
Ah oui ! Endormie ou éveillée.
Oui, enfin pas tout. Ma source d’inspiration principale, c’est l’observation radicale et absolue de mes proches et de moi-même. Dans tout ce que je fais, mes spectacles, les films, mes chroniques radio, ma source, c’est la réalité exacte. Ma forme d’humour est dans l’extrême réalisme, l’humiliation dans les situations, leur caractère pathétique ou extrême…
Pas du tout ! Je suis sujette aux crises d’angoisse dans les musées, en plus ! Je ne sais pas pourquoi. Je crois que j’ai un problème avec le bidimensionnel. Je n’ai pas de problème avec la sculpture, je suis sensible à la danse, mais pas à la peinture. Je pense aussi que je suis surtout sensible à l’art vivant. Mais pourquoi la peinture m’angoisse… je ne sais pas.
Oui, c’est parfois étouffé. Remarque, le Louvre est un des rares musées que je peux visiter sans faire une crise d’angoisse. C’est quasiment le seul. A Beaubourg, j’ai une crise systématiquement, par exemple. Très clairement, je n’aime pas les moments suspendus. C’est nouveau dans ma vie de commencer à apprécier la nature comme une chose exotique et bizarre. Mais tous ces endroits où le temps est suspendu et où la temporalité n’est pas palpable, où je n’ai pas l’impression d’être dans le fleuve qui coule, ça m’angoisse terriblement.
Pas du tout. C’est un gros problème. Je n’ai aucune prise sur le temps. J’ai toujours un quart d’heure de retard sur ma vie. Et je suis d’ailleurs née avec un quart d’heure de retard !
Globalement, je ne suis pas du tout matérialiste. J’aime créer des ambiances. Je suis très sensible à la lumière. J’aime les points lumineux qui viennent d’en bas et à différentes hauteurs. J’ai adoré, par exemple, la façon dont le chef opérateur des Gazelles, Patrick Blossier (qui est aussi celui de la série Les Revenants), avait fabriqué une lumière intimiste et chiadée. J’essaie, par ailleurs, de ne pas m’attacher aux objets.
J’adore le kitsch. C’est chouette. J’aime les esthétiques parallèles. Je n’aime pas la recherche de la beauté à tout prix. Pour moi, il y a une étrangeté ou une drôlerie que j’aime à conserver dans le kitsch.
Aucun.
Un petit verre après le théâtre, pour décompresser. Petit, le verre ! Ça avec le débrief, la parole, c’est essentiel pour moi après le spectacle.
Avoir une temporalité très restreinte. Arriver à la dernière minute avant d’entrer en scène, faire mon échauffement dans l’urgence, être dans le speed. Lors de mon précédent spectacle, Camille attaque, j’arrivais carrément après les spectateurs et je passais devant la queue et le directeur de la salle devenait fou.
Oui, je parle tellement, beaucoup trop, et fort, et comme je ne regarde pas forcément qui est autour, donc… voilà. Sachant que ma pensée et les mots fusent en même temps chez moi, vous voyez le genre de bourde monumentale dont je suis capable. Hier soir, par exemple, je n’ai pas reconnu la femme de mon producteur. Gros bug.
Énormément. J’ai une carte mentale dans ma tête, un don ! J’adore lire les plans et je me repère dans une ville en deux secondes. J’ai juste un souci avec les villes rondes, comme Avignon ou Arles.
Globalement, j’étais très nulle en maths.
Mon lit. Je peux tout faire depuis mon lit : écrire à l’ordi, téléphoner. Je peux passer une journée entière, extrêmement active, depuis mon lit.
J’adore cette comparaison.
Entre amis et avec de l’exercice, genre ski ou rando. A Noël, je suis partie avec deux potes au Panama pour faire du surf. Là, je reviens de la montagne où j’ai fait du ski et des raquettes. J’adore ça, le sport et les vacances combinés.
C’est tout nouveau. Je suis allée en Inde aussi. Parce que j’ai pris conscience très récemment qu’il fallait tout de même que je voie du pays un jour… J’avais toujours l’impression que Paris et la France ne pouvaient pas se passer de moi, alors je ne faisais que des sauts rapides à l’étranger ! Je ne savais pas voyager en prenant le temps et en allant en Inde et au Panama, où j’ai passé 3 semaines, j’ai compris que c’était nécessaire de prendre le temps.
J’aime les talons, parce que ça me fait gagner quelques centimètres sur la vie. Et j’hallucine de la différence à six centimètres près ! Le regard des autres change ! De toute façon, j’aime prendre de la hauteur, j’aime tous les panoramas, les vues de haut. J’habite au 6e étage. Je ne pourrais pas habiter au rez-de-chaussée avec 5 familles qui te chient dessus ! Imaginez un peu : les excréments et les soucis de 5 familles sur la tête !! Non, là, au 6e, à part le toit et le ciel, je n’ai rien au-dessus de moi.
Pas extrêmement, mais je suis dans l’observation dynamique des choses.
Tintin ! Je les ai tous lus. C’était ma passion, Tintin. Je lisais les albums assise par terre chez mon grand-père pendant 9 heures d’affilée ! Je suis tintinophile et je suis incollable ! Après, quand tu as une sensibilité de gauche à l’âge adulte et que tu relis Tintin, tu t’offres quelques petits bad, mais disons que la société a changé…
Ce sont deux points de vue très différents sur le monde. Milou, il est trop bas. Haddock, c’est bien. Et je me sens proche de ce personnage soupe au lait, au grand cœur, et qui jure. Je suis définitivement très Haddock !