Elle a le regard frontal des forts en thème et le port altier des femmes d’élégance. Elle a aussi le goût du twist et de la ruse, celui du jeu et des chemins de traverse. On l’a croisée, comédienne, sous la direction de Francis Girod, Pierre Jolivet, Agnès Jaoui ou du tandem Nakache-Toledano dans Intouchables. Avec Ceux qui restent, Les Invités de mon père et Cornouaille, ses trois longs métrages en tant que scénariste-réalisatrice, Anne Le Ny se joue de l’harmonie, de la bienséance, et sème le trouble, avec raffinement. Portrait-rencontre, en zig zag.
J’y retourne tout le temps à Woody Allen, à sa façon de raconter les histoires, à sa liberté, et surtout, sa faculté à changer de ton. Sur un même sujet, il peut faire une comédie, un drame… il est libre.
J’envie surtout sa fidélité à lui-même, son authenticité. Mais en France, c’est un peu plus compliqué d’être aussi libre. Il faut ruser, ce que j’essaie de faire en me tenant à des budgets moyens et en faisant des films très différents les uns des autres, pour qu’on n’attende pas de moi que je fasse tourner mon petit fond de commerce au risque de décevoir certains. Je m’achète ma liberté future.
J’ai 5-6 idées de scénarios en tête. Mes deux prochains films sont déjà écrits.
Non, car je ne sais pas me repérer. Elles ne me servent à rien. Je n’arrive pas à distinguer ma droite de ma gauche ! Mais j’aime les cartes du monde, d’Europe. J’en ai dans mon bureau, des suffisamment grandes pour qu’elles n’aient pas un usage pratique.
J’adore ! Je suis une très grosse dormeuse et quand j’écris, la moindre idée m’épuise et m’oblige à faire des micro-siestes de dix minutes. C’est ainsi depuis que je suis toute petite : il me faut très longtemps pour me concentrer, et lorsque je le suis, je suis très efficace. Mes dissertations, par exemple, je les rédigeais en un quart d’heure, mais il me fallait deux heures et quart pour bailler aux corneilles en attendant que la concentration vienne, puis j’écrivais la dissert et je la mettais au propre dans la foulée. J’aime donc la sieste pour ces raisons : je suis la plupart du temps dispersée, mes moments de concentration sont très courts, mais très intenses, il faut donc que je m’en remette après !
Pas spécialement. Je ne m’en souviens pas toujours.
Non. Je ne suis pas fétichiste.
Oui, bien sûr. Et dans Cornouailles, j’ai suggéré à Laurent Stocker, qui joue le notaire, de penser au lapin blanc d’Alice, le guide qui arrive
et qui engendre le décalage.
Pas tellement. En outre, l’eau est glaciale en Bretagne et j’ai peur de ce qui se trouve en-dessous.
La montagne m’angoisse, mais les paysages à horizons ouverts où le regard peut se perdre m’apaisent.
Oui, ça m’a ravie. 20000 Lieues sous les mers est mon préféré. Mobilis in Mobile… J’y adore l’univers, cet endroit sûr, cette maison dans le Nautilus ouvert sur des choses incroyables tout en étant à l’abri… C’est le cinéma en fait, le Nautilus.
J’ai lu tous les Tintin quand j’étais petite, mais sans passion. Hergé, d’abord, était mal perçu dans ma famille qui était très à gauche – du fait de son côté colonialiste et réactionnaire. Et les univers entièrement masculins m’ennuient, tout comme les univers exclusivement féminins. Je suis pour la mixité !
Je ne fais pas beaucoup de cadeaux, mais j’aime bien inviter les gens à manger, à boire. J’aime bien qu’il ne reste pas de traces, d’une certaine façon, et que la somme que l’on met dans un cadeau aille dans un moment.
Oui, j’adore ça, j’aime les couleurs, les rouges à lèvres, c’est très ludique et j’aime l’idée de pouvoir redonner de la gaieté à sa tête les jours où l’on est fatigué.
J’ai longtemps été talons plats parce que je suis très grande, mais je commence à porter des talons maintenant.
Oui, je l’aime, mais il a tendance à m’ennuyer toujours un peu. Mais ce n’est pas grave de s’ennuyer, ce n’est pas rédhibitoire pour moi, l’ennui. Almodovar a cette chose qu’a aussi Woody Allen qui est de prendre une situation et de l’exploiter au maximum. Il presse l’orange jusqu’au bout en osant des choses incroyables, sans avoir peur d’être terriblement bavard, comme Woody Allen, et en même temps ses films ont un style visuel indéniable.
Le rouge.
Je ne m’intime pas, je le demande et je tiens beaucoup à avoir des plateaux calmes. Sur Cornouailles, j’avais un assistant anglais qui disait tout le temps « nice and quiet, please » et j’adorais ça.
Oui, je suis au combo avec un casque.
Je le connais trop peu.
Pas trop. Je ne sais pas pourquoi. Je n’écoute pas beaucoup de musique et justement, chez moi, j’aime être dans le silence. Je travaille dans le silence. Je ne comprends pas pourquoi notre société a d’ailleurs autant peur du silence. Il y a de la musique partout et tout le temps. C’est bien le silence, pourtant.
Jamais.
Très peu. Je préfère la presse écrite, Libé ou Le Monde.
J’aime le début. J’idolâtre Stendhal qui est une sorte de pré-romantique. J’aime Musset, son autodestruction. Mais Lamartine, Hugo, Vigny, pas vraiment.
Petite, vers 12-13 ans, je me souviens d’avoir vu Blow Up d’Antonioni et d’en avoir été malade. Même chose pour Interiors de Woody Allen.
Ce sont deux films qui m’ont fait un gros effet physique autrefois.
Ça peut m’amuser, me faire rire.
Le rock ! Pour l’énergie.
Non. Je ne m’intéresse à aucun sport, ni à aucun jeu en général. Je suis très rétive à ça.
J’aime bien. Et j’aime ce que ça implique, le regard que cela permet. J’ai beaucoup fréquenté l’Allemagne et Munich en particulier et ça me donnait cette sensation d’y être incognito. J’adore le sentiment de regarder les choses avec un regard étranger et de ne pas avoir l’air d’une étrangère.
Ca n’est pas très plaisant, on me dévisage beaucoup, mais c’est en train de se tasser.
Ils m’épatent. Je ne sais pas comment ils font. Moi, je me repose énormément sur mon équipe, mais comment faire pour avoir le même film dans la tête à deux ? Ça, ça m’intrigue beaucoup.
Pareil. Souvent, l’un me répétait les indications que l’autre m’avait déjà données.
Non, je n’aime pas ce mot. Je travaille beaucoup avec les acteurs, mais je ne les dirige pas. Ce terme ne prend pas en compte le travail créatif de l’acteur qui est énorme.
Plutôt douce avec tout le monde. Je n’élève jamais la voix. Et je ne dis pas « coupez », mais je dis « merci ».
Ça m’intéresse beaucoup, et je travaille toujours à voir jusqu’où je peux me permettre d’être désagréable tout en divertissant. Il est important pour moi de ne pas être ennuyeuse. Je m’autorise à pousser mes sujets un peu loin parfois, à condition de penser au spectateur qui paye sa place. Je me dois d’intéresser, de faire rire, de surprendre, etc.
Oui, j’aime bien les choses qui déforment. J’ai des miroirs de sorcière chez moi, des miroirs convexes qui reflètent toute la pièce. J’aime l’idée du reflet de la lumière, et j’aime l’idée d’une image qui bouge où l’on n’est pas soi-même présent tout le temps.
Oui, j’ai toujours une très bonne vue de loin : 12 dixièmes ! Mais en prenant de l’âge, je suis devenue presbyte !