Dans Florence Foster Jenkins, le nouveau film de Stephen Frears, il est le mari de la pire cantatrice de l’histoire de l’opéra. Un amoureux qui profite des largesses de l’héritière, mais pas que. Mr Grant se révèle brillant dans ce rôle. Face à Meryl Streep, il est touchant, ambigu et drôle, débarrassé de ses tics habituels. Le rôle de la maturité ?
J’avais eu une cassette d’elle dans les années 1980. Au cas où quelqu’un se souviendrait encore de ce que c’est ! Une cousine m’avait donné la cassette en me disant : « Tu vas voir, c’est drôle et intéressant à la fois. J’avais un peu oublié jusqu’à ce que je reçoive le scénario de Stephen Frears, qui en a fait une histoire drôle et triste. Il y avait Meryl Streep, Stephen Frears, un bon rôle… Aucune raison de ne pas y aller !
C’est sûrement pire pour eux, oui. Ce sont des gens qui vivent dans leur bulle, repliés sur eux-mêmes, ce qui les rend encore plus grotesques. Pour eux, oui, mal chanter, c’est pire que la guerre.
Personne dans le film ne dit non à la célébrité, je pense. J’ai beaucoup d’empathie pour cet homme, le vrai mari de Florence Foster Jenkins. J’ai fait quelques recherches avant de le jouer et je me suis pris d’empathie pour cet homme qui se savait acteur raté, et a eu beaucoup de chance de rencontrer Florence, une riche héritière qui l’adorait. La vérité, c’est que, sans elle, il ne serait qu’un homme triste, acteur au chômage et sans famille. Alors qu’aux yeux de tous, il semblait être en charge de tout.
C’était l’une des choses attrayantes de ce rôle : il est très complexe. Il a un côté profondément égoïste : il n’a rien sans elle, et il aime jouer ce rôle du mari dévoué sans l’être totalement. Mais je pense qu’en fait, il a vite appris à l’aimer, parce qu’elle est aimable. Un amour qui ressemble à celui que nous pouvons avoir pour les membres de notre famille. Ce sont en réalité deux inadaptés qui s’accrochent l’un à l’autre depuis longtemps, et je crois qu’ils s’aiment profondément.
Bien sûr ! La première fois que j’ai rencontré Meryl, c’était à un dîner, avant le tournage. Et ce n’était pas du tout comme de rencontrer une actrice, mais plutôt une prof d’université. Elle a les pieds sur terre. Elle n’a pas d’entourage… Ah si, elle a un maquilleur qui la suit depuis les années 1970 et qui est une source de ragots sur le Tout-Hollywood ! La première fois qu’on a joué ensemble, c’était pour une lecture du scénario. J’étais tellement impressionné… J’ai trouvé une drogue pour me calmer : un truc à base de plantes, je vous rassure. Je devais en prendre deux gouttes. J’en ai bu cinq bouteilles, et ça a été ! Une fois cette étape passée, elle a été elle-même : extraordinaire. C’est comme de jouer au tennis avec Djokovic ; ces gens vous rendent meilleurs !
J’ai essayé de lui faire dire du mal des gens… Mais je n’ai même pas réussi ! Elle est bien trop gentille et pro pour ça. Je lui ai demandé avec qui elle avait détesté travailler et elle m’a répondu… : « Ah non, je ne m’en souviens plus ! »
J’adorerais vous donner la liste, et elle serait assez longue. Mais la chose très étrange, c’est que si vous détestez quelqu’un, ou que la personne vous déteste, ou que vous vous détestez mutuellement, à l’écran ça peut passer pour de la passion amoureuse, quelque chose de sexy en tout cas.
En fait, je crois que le monde est plein de bons acteurs… On l’est tous un peu, malheureusement, dans nos vies. Quant aux acteurs, 99,99% d’entre eux sont vraiment bons. Et puis il y a ce petit groupe de super classe : Meryl Streep, De Niro, Robert Duvall, Depardieu, Anthony Hopkins, ces vieilles dames avec lesquelles Stephen aime travailler : Helen Mirren, Judi Dench. Ce sont des gens qui apportent plus que leur art quand ils sont à l’écran, on ne peut pas faire autrement que de les regarder, ils sont fascinants, on ne sait jamais où ils vont aller, ce qu’ils vont proposer.
J’aimerais que des amis me les cachent, en fait. Il y a beaucoup de gens qui disent qu’ils ne les lisent pas, ou qu’ils s’en fichent. Je ne les crois pas une seconde. Tout le monde les lit. Et je vais vous dire, le cauchemar, c’est quand les autres ont des bonnes critiques. Moi, je les lis, et je ne m’en fiche pas du tout.
Dans la vie, je ne danse que pour mes enfants. Et comme ils ont tous moins de quatre ans, ils ont tendance à être très gênés et à sortir de la pièce quand je fais des tentatives. Dans un film, c’est cinq secondes pour un scénariste qui écrit : « il se lance dans une danse endiablée »… et huit putains de semaines pour moi dans les studios de Fulham à apprendre le Lindy Hop ! Mais je dois avouer que c’était plutôt drôle. On sous-estime le plaisir procuré par cette danse.
Si on parle de la vie en général, alors oui, la chance favorise les courageux. Je pense que c’est Woody Allen qui a dit que 95% de la réussite consiste à se pointer. Je pense que c’est vrai, il faut se lancer, il n’y a pour le coup aucune chance de réussir si on n’essaye pas. Ceci dit, je crois que je n’applique aucune de ces leçons dans mon cas (rires).
Oui, j’ai redécouvert des morceaux de musique parce que, quand je les entendais chantés horriblement par Meryl, j’avais envie de les entendre « en vrai » et je les chargeais direct. C’est un peu comme quand j’étais enfant : le centre aquatique avait une piscine extérieure et quand on rentrait dans celle couverte, on avait l’impression de prendre un bain. Après le chant de Meryl, j’avais cette impression, de rentrer dans un bon bain chaud.
Et vous avez rarement été aussi convaincant…
Vous voulez dire que j’ai l’air vieux dans le film ?! (rires) Vous avez raison, j’ai l’air vieux… dans le film ! Disons que vous cherchez toujours, quand vous jouez, des choses qui résonnent dans votre vie personnelle. Et j’ai passé un cap ; j’ai eu des enfants. Et à mon plus grand étonnement : je les aime. Et je pense sincèrement que cette expérience, ce sentiment, a ajouté une dimension à mon jeu.