« La Maison et le Monde » : Le Festival des 3 Continents depuis chez soi

Rendez-vous incontournable des amateurs de cinéma d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie, le Festival des 3 Continents a dû, pour sa 42e édition, se réinventer, condition sanitaire oblige. Du 20 au 29 novembre, le festival nantais donne rendez-vous au public en ligne, pour découvrir « La Maison et le Monde », un programme de quatorze films qui ont marqué l’histoire du festival ces dix dernières années. Jérôme Baron, directeur artistique du festival, décortique pour Bande à Part ce choix éditorial.

 

 

Pourquoi avoir choisi de maintenir le festival en ligne, en proposant notamment une sélection particulière de films accessibles au grand public ?

Jérôme Baron : Après avoir déployé beaucoup d’efforts pour penser, en fonction de l’évolution du contexte sanitaire, une version 1, 2 puis 3 de cette 42e édition du Festival des 3 Continents, nous nous sommes dit qu’il était important de garder le contact avec un public se trouvant lui-même dans l’impossibilité d’accéder aux salles de cinéma. Au coup d’arrêt provoqué par le reconfinement annoncé le 28 octobre, nous avons voulu répondre par une contre-proposition, sans avoir jamais eu l’intention d’envisager une programmation en ligne.

Comment s’est faite cette sélection ?

Une réglementation très précise encadre l’offre et l’accès aux films en ligne. Dans le cadre des séances en Free VOD (vidéo à la demande gratuite, NDLR) – qui sont différentes de la VOD et SVOD que nous proposerons sur le principe de séances en ligne avec des jauges limitées par film -, nous étions tenus de respecter la réglementation en vigueur. Si ces prescriptions n’ont pas déterminé le programme, leur application rendait la diffusion de certains films impossible. Notre intention a tout de suite été d’offrir à l’échelle de la France – ces séances sont géobloquées – une opportunité de découvrir ou de redécouvrir des œuvres qui ont jalonné les dix dernières années du festival. Nous nous sommes centrés sur des films de la Sélection officielle, souvent primés, et aussi quelques titres que nous avions proposés en première française lors de séances spéciales, comme c’est le cas de Shokuzai (I et II) de Kiyoshi Kurosawa, qui clôturera ce cycle en ligne (diffusés respectivement dimanche 29 novembre à 15 h 30 et à 20 h, NDLR), et dont nous avions présenté la version télé dans son intégralité en 2012.

Pourquoi limiter les places pour chacune des projections virtuelles ?

Bien que nous ne soyons pas une seconde tentés de confondre la possibilité de voir ces films depuis chez soi avec l’expérience que les spectateurs auraient pu en avoir en salle, nous avons voulu maintenir a minima l’idée de la séance : horaire et jauge. Chacun devra organiser son temps pour voir ces œuvres à un moment dédié, c’est aussi pour cette raison que la plupart des films seront visibles en soirée. À un second niveau, les séances étant gratuites (nous avons réglé les droits de diffusion et acheté ces places pour les offrir), les ayants droit, qui se sont tous pleinement engagés à nos côtés, ont aussi dans le cadre particulier de la Free VOD une volonté de contrôler ce qui relève d’une pratique non commerciale.

Quels sont les films de cette sélection qui vous sont les plus chers ? Et pourquoi ?

Je serais tenté de dire qu’ils le sont tous sans la moindre exception. Évidemment, pour des raisons très diverses, et parce qu’à chaque film se sont désormais greffés des souvenirs personnels. D’abord, nous avons été tentés de rendre hommage à la cinéaste et productrice paraguayenne Renate Costa, qui nous a quittés à un âge précoce au printemps dernier, en remontrant 108 – Cuchillo de Palo. Si le film a beaucoup voyagé, il est resté moins visible dans le cadre d’une exploitation commerciale lors d’une sortie trop discrète. Ensuite, difficile de choisir entre Wang Bing ou Kleber Mendonça Filho. Au revoir l’été reste à mes yeux le meilleur film de Koji Fukada, mais j’aime aussi les prémonitions et la sensibilité des Derniers Jours d’une ville de Tamer El Saïd, l’épure et la drôlerie de Hong Sang-soo dans Hill of Freedom ou encore la force d’un film resté inédit sur les écrans français comme L’Étreinte du fleuve, le documentaire de Nicolas Rincon Gille. J’ai revu tous les films de cette programmation plusieurs fois et avec un intérêt toujours renouvelé. J’espère que ceux qui les découvriront prendront autant de plaisir et d’intérêt que moi à parcourir, en quatorze films, l’étendue d’une carte qui dit quelque chose du cinéma contemporain, et révèle ses énergies vitales.