Artisan depuis plus de quinze ans du renouveau du cinéma sud-coréen, Jang Jin faisait partie des invités
de la programmation Séoul hypnotique, qui s’est déroulée du 15 septembre au 1er novembre au Forum des images.
Le cinéaste, encore mal connu en France, est revenu avec nous sur son style et sur sa place, un peu à part,
dans la cinématographie du « Pays du matin calme ».
Je n’ai jamais rêvé d’être réalisateur, ça n’a jamais vraiment été une aspiration. J’ai commencé par être metteur en scène de théâtre. Et aujourd’hui, quand j’y réfléchis, je me sens auteur, comme quelqu’un qui invente ou qui raconte des histoires. Si cette histoire est bonne pour la scène, alors je vais vers le théâtre, et si elle s’adapte au cinéma, je choisis plutôt ce médium.
J’ai fait beaucoup de films, dans des genres très différents : des thrillers, des films dramatiques, des mélodrames, mais ce qui définit peut-être mon style, c’est une forme d’humour, très personnel, qu’on peut retrouver en toutes circonstances dans mon cinéma. Notamment à travers la satire sociale, qui peut définir mon univers cinématographique.
En fait, au début de chaque film, je commence toujours par un petit détail. Et, petit à petit, en développant, je vais aller vers une fibre poétique, ou drôle, ou dramatique. De même, je ne prévois rien au départ pour mes personnages. Ça se construit progressivement. Même si j’ai, bien sûr, un scénario, comme tout cinéaste, je démarre rarement mon film avec un synopsis traditionnel. Ça commence plutôt par une image.
Je ne pense pas faire de la direction d’acteurs, au sens où on l’entend traditionnellement. Je choisirais plutôt le terme de proposition, pour définir mon rapport avec eux. Mon processus consiste plutôt en une longue discussion avec les comédiens. En fait, on parle ensemble de l’interprétation. On essaie de s’entraîner, de répéter à fond, avant le tournage. Je répète pratiquement comme si c’était une pièce de théâtre. Ça accélère beaucoup de choses pour le tournage. Les acteurs coréens ne sont pas friands de répétitions pour les séries télévisées, mais acceptent plus ce système au cinéma.
Je suis plutôt un outsider, comme Hong Sang-soo ou Kim Ki-duk. Être réalisateur est déjà un métier solitaire, et dans le système sud-coréen, les réalisateurs sont mis en concurrence et surtout jugés sur leurs succès commerciaux. Du coup, il n’y a pas vraiment de phénomène de groupe, de mouvement de réalisateurs.
Il est encore financé par d’importantes sociétés qui approchent les films comme des produits commerciaux. Ce qui a tendance à favoriser un cinéma commercial, et pas forcément la diversité des inspirations. En tant qu’auteur, réalisateur, ça peut être quelque chose de très douloureux.
Il y a vraiment d’excellents acteurs en Corée du Sud et j’ai toujours eu de la chance avec ceux avec lesquels j’ai travaillé. J’aimerais, bien sûr, travailler avec quelqu’un comme Song Kang-ho, qui ne travaille pas forcément sur des films comme les miens.
Je travaille actuellement sur deux pièces de théâtre, jusqu’à la fin de l’année. L’an prochain, je lance une chaîne privée sur smartphone. Il faut que je produise et tourne du contenu pour cette chaîne. Ça peut-être un court-métrage, une série, ou des documentaires. Je serai principalement réalisateur, mais je ferai travailler des gens de mon équipe.
Je regarde peu de films, en fait. Mon inspiration vient plutôt du théâtre ou des documentaires. Comme cela fait vingt ans que je travaille dans ce milieu, ce ne sont pas des œuvres qui m’inspirent, mais plutôt des gens que je rencontre, une scène que je vais apercevoir en ouvrant la porte de mon hôtel. C’est la vie qui m’inspire.