Été 85 : les deux garçons d’Ozon
Félix Lefebvre, 20 ans, est Alex. Benjamin Voisin, 23 ans, est David. François Ozon réunit à l’écran les deux jeunes acteurs : ils ne se connaissaient pas, mais dans Été 85 jouent avec naturel un amour fusionnel.
Félix Lefebvre : Cela s’est fait de manière très simple : j’ai passé le casting. C’était assez énigmatique : j’avais à jouer un monologue sur la mort, sans savoir ce que je jouais. J’ai été rappelé le lendemain, sans avoir aucune information sur le film. François Ozon est venu ; cette deuxième fois, il m’a fait passer une scène : il me filmait avec deux caméras, ce qui annonçait le futur tournage, sa manière de faire.
Félix Lefebvre : Je l’ai appris plus tard, mais ce monologue sur la mort est le tout premier monologue du film, en voix off. C’est le monologue dans lequel mon personnage dit qu’il doit être dingue. Il parle des cadavres et comme je ne savais pas pourquoi il disait tout ça, je me suis inventé une histoire. C’est dur à jouer, parce que très écrit.
Benjamin Voisin : J’ai passé le casting et j’ai été rappelé. Mais François Ozon m’a dit que j’étais trop vieux pour le rôle d’Alex, et qu’il me manquait de la naïveté pour le jouer. Il pensait, en revanche, que je pouvais jouer David. Il y a là tout le processus du réalisateur, qui prend le temps de s’imaginer le film avec ces deux acteurs-là.
Benjamin Voisin : Je ne connaissais pas son cinéma, mais après avoir été choisi, avoir lu le scénario dans son intégralité, j’ai vu tous ses films.
Félix Lefebvre : On s’est tout de suite bien entendus, dans le jeu comme dans la vie. On avait envie de jouer ensemble. Même si Benjamin ne correspondait pas tout à fait à l’image que l’on peut se faire de David dans le scénario, il y avait la chimie nécessaire, et juste une petite transformation physique à faire de part et d’autre.
Félix Lefebvre : Je suis devenu blond et j’ai perdu du poids, pour être maigre comme quand tu as 16 ans. J’ai regardé un moyen-métrage que j’avais fait quand j’avais 16 ans et je me suis rendu compte que j’étais en train de grandir vraiment, avec ce corps qui changeait et qui s’épaississait en prenant du muscle. Il fallait que je retrouve mon corps de 16 ans, et cela collait d’autant plus à mon personnage qu’il n’est pas un garçon sportif.
Benjamin Voisin : Je devais au contraire prendre du poids. Ce n’était pas la méthode Actors Studio (rire), c’était léger ! J’ai avalé des protéines pendant trois mois, je faisais cent pompes le matin, mais après, le reste de la journée, je menais une vie normale.
Benjamin Voisin : François Ozon ne prépare pas ses films en demandant à ses acteurs de jouer comme ci ou comme ça : c’est à nous de trouver les clés de nos personnages. Il nous dirige très peu avant le tournage ; simplement, il nous montre les horizons vers lesquels il faut aller. À un moment, j’étais trop brouillon et il m’a complètement reconnecté avec le scénario et m’a suggéré d’être un scorpion. Je suis resté des heures sur cette phrase toute simple, toute bête : on peut passer des heures à regarder comment le scorpion se déplace, se meut, et on en oublie que son venin peut tuer. J’ai travaillé à avoir cette apparence, cette perversité-là.
Félix Lefebvre : On a fait quelques répétitions et lectures, mais tout est écrit dans le scénario. Celui-ci est si précis qu’à ses yeux, il doit se suffire à lui-même. À nous de faire nos recherches personnelles, de s’apprivoiser l’un l’autre, d’avoir une complicité. Nous avons beaucoup travaillé sans François Ozon, car il est de ces metteurs en scène qui pensent que la direction d’acteurs se fait sur le plateau et qu’il n’y a pas besoin de préparer, puisque cela repose sur le choix du casting ; il nous a laissés très libres. Avec Benjamin, nous avons passé trois mois à nous voir continuellement, mais on l’a fait délicatement, sans forcer. On ne passait pas nécessairement notre temps à parler du scénario et du film, mais on avait conscience que l’on était en train de travailler à créer ce lien qui est la vérité du rapport entre nos deux personnages.