Emmanuelle Béart revient après de longues années passées à jouer au théâtre. Elle reprend l’affiche au cinéma dans L’Étreinte, premier film de Ludovic Bergery. La mort, l’amour, la vie d’une femme au désir incertain, veuve, la cinquantaine, qui reprend des études.
J’ai été embarquée par Stanislas Nordey et Pascal Rambert. On a formé une bande, je suis devenue artiste associée au Théâtre National de Strasbourg et j’ai participé à la vie du théâtre citoyen. Il n’y avait plus de place pour le cinéma, puisqu’on a fait sept pièces en dix ans, avec de longues tournées.
Sans doute, parce que Stanislas Nordey met en place des choses importantes, parce qu’il nous arrive d’aller jouer dans des écoles, dans des prisons, d’être en contact avec des gens qui n’ont pas la possibilité ou n’osent pas franchir les portes du théâtre. Notre travail est de les y amener, mais aussi d’aller vers eux. Il y a une sorte d’engagement ainsi à travers mon métier et ça me convient mieux de cette façon.
Oui, c’est ça ! La culture est essentielle, elle est indispensable, elle peut sauver des vies, donc elle doit exister partout. Elle doit aller aussi vers les gens.
Ce n’est pas vraiment la recherche du désir, mais la nécessité de se réapproprier sa vie. Mon personnage sent d’instinct que la vie doit repasser par le corps, donc elle va faire des trucs assez délirants, employer les moyens de communication d’aujourd’hui, faire des rencontres improbables. Elle a quelque chose d’enfantin et peut se comporter comme une adolescente qui découvre les choses pour la première fois. Mais dans un corps qui a vécu, une tête qui a vécu.
Tout ce qu’elle n’a pas fait ! Au fond, elle est timide et c’est pour ça qu’elle est touchante. Et je sais de quoi je parle. Les timides ont parfois une audace qui sort de nulle part.
Elle revient à la vie et ces jeunes lui redonnent quelque chose. Il y a une forme d’apprentissage. Donc, non, il n’y a pas de conflit. Le personnage de Vincent Dedienne, lui aussi, reprend ses études longtemps après. Et tout cela est doux. Alors évidemment, ils font le mur pour aller dans une piscine, font l’amour dans les douches où elle les regarde… Mais est-ce qu’elle regarde parce que son désir se réveille à ce moment-là, ou est-ce que, finalement, elle les regarde comme à travers une vitre ? Elle est belle, cette scène. Troublante. Parce qu’on ne sait pas vraiment ce qu’elle ressent… et moi-même je ne le sais pas.
Je n’avais pas lu le scénario, il y avait le texte que j’apprenais la veille. Aucune improvisation, mais je ne préparais rien. Je ne savais même pas ce qu’ils faisaient dans cette scène-là, dans ces douches, j’ai été surprise, confrontée à une scène de sexualité pure. C’est beau parce que les corps sont beaux, c’est merveilleusement bien filmé, la lumière est belle.
On s’est très peu parlé avec Ludovic Bergery, mais on s’est totalement compris. Je n’ai pas besoin non plus qu’on me donne énormément d’indications ! J’aime cette liberté où l’acteur reprend sa place. Je n’avais pas besoin d’être dirigée, mais, dans ce corps-à-corps, j’avais besoin de savoir que ce que je donnais n’allait pas être oublié, négligé. J’avais besoin de savoir que tout ce que je donnais serait reçu.
Je n’ai pas peur d’être filmée de près. Ce qui est très beau dans le film, c’est qu’on voit le grain de la peau. On voit tout. Ce que j’aime aussi, profondément, dans L’Étreinte, ce sont les silences. Au cinéma, très peu de gens filment les silences, et pourtant c’est vraiment quelque chose qui m’est nécessaire. J’ai besoin du silence, de plus en plus.