Dix questions à Alex Anwandter
Réalisateur du beau film Plus Jamais Seul qui a remporté un Teddy Award à la Berlinale en 2016 et qui sort en salle en France cette semaine, Alex Anwandter a répondu à nos questions depuis son pays d’origine, le Chili.
Davantage que ce cas actuel, j’ai voulu faire un film de fiction traitant de ce type de violence. C’était important pour moi de dire que ce n’était pas juste l’histoire d’un garçon, une fois, il y a des années. Le film et l’histoire fonctionnent pour véhiculer la réflexion autour d’une question plus vaste, plutôt qu’un simple focus et mémorial dédié à un garçon spécifique.
Je dirais que les principes les plus importants du film étaient de tenter de m’éloigner un peu de la victime pour de me rapprocher du contexte. C’est quelque chose d’un peu étrange : souvent, le grand public a tendance à préférer la simplicité d’un martyr à celui d’une analyse plus complexe de nous-mêmes. Dans ce sens, je pense qu’essayer de ne pas juger les personnages est une chose importante pour ne pas aliéner le public.
Oui, très important. C’est une récompense très prestigieuse avec une histoire qui a du sens. C’est un acte de reconnaissance, celui de donner une visibilité à nos histoires et à nos vies, c’est une chose très importante. Dans ce sens, c’était personnellement très fort pour moi.
Si quelqu’un considère ce film comme un film homosexuel, je pense que cela en dit plus sur l’état d’esprit et l’état du monde que sur le film ou moi. Est qu’un film avec un protagoniste noir est un « film noir » ? Cette question révèle l’importance – ou le manque – que la société accorde aux vies homosexuelles. Dans ce sens, je n’ai pas peur du tout.
C’est une très bonne question et, pour être honnête, je ne sais pas.
Le drame est un genre très étendu, donc je ne pense pas qu’il limite les choses en soi. Mais il faut aussi reconnaître que l’homosexualité est toujours (en 2017 – c’est incroyable) une question difficile dans beaucoup de cultures. En regardant, pas plus loin qu’en Tchétchénie, les homosexuels sont aujourd’hui mis dans des camps de concentration. Donc, quand vous reconnaissez qu’il y a une spécificité à mener une vie homosexuelle (un terme que je trouve trop clinique, cela mis à part), il est très difficile de ne pas incorporer cette réalité dans le cinéma et le récit. Ces contextes ont tendance à être très dramatiques comme dans mon film ou bien, d’autre part, ils perpétuent des stéréotypes comme dans des comédies idiotes. Je pense que c’est difficile, mais certainement pas impossible.
Il n’y a pas beaucoup de modèles pour choisir vraiment. Je suis un très grand fan de Fassbinder, mais je ne m’envisage pas assez mûr pour essayer le type de satire distancée dans laquelle il a excellé. Ou peut-être je ne suis pas assez cynique. J’ai l’espoir dans les gens, celui de croire que l’on peut changer leur état d’esprit en développant quelque chose de plus tolérant.
Sergio Hernández est un acteur très célèbre au Chili. Il a aussi travaillé dans beaucoup de films avec Raoul Ruiz et j’ai toujours voulu travailler avec lui. C’était un privilège de le faire avec lui et nous sommes aujourd’hui de très bons amis. Le jeune homme, Andrew, est arrivé par casting suite à une annonce et j’ai été très impressionné par son talent.
Comme je suis le scénariste du film, ils sont tous les deux proches de moi : ils habitent à l’intérieur de moi et quand ils parlent, ils parlent avec mes mots. C’est une chose merveilleuse que de pouvoir communiquer au travers de tous ces personnages. J’essaye de les aimer également et de ne pas les juger. Dans cette idée, je me suis certainement senti très connecté par le sens de l’humour du garçon et son exubérance et par l’introspection et la gravité du père.
Pour moi, la musique dans le cinéma est un outil émotionnel. Elle donne des informations, opère des contrastes ou des commentaires sur le sens des scènes.
Je suis en train d’écrire un nouveau scénario et j’espère le tourner l’année prochaine.