Les Saisons selon Marcel Hanoun
Produit par Re:Voir Vidéo, conjointement avec la Cinémathèque française, ce coffret, intitulé Les Saisons, une tétralogie de Marcel Hanoun, devrait permettre aux jeunes cinéphiles de découvrir l’univers d’un cinéaste aujourd’hui (et hier) trop méconnu.
Découvert et soutenu par Jean-Luc Godard dès son premier long métrage, Une simple histoire (1958), encouragé par la critique pour ses films suivants, Le 8ème Jour (1959), Octobre à Madrid (1967) et surtout L’Authentique Procès de Carl-Emmanuel Jung (id.), Hanoun fut ensuite abandonné de tous. Filmant, montant, sonorisant lui-même, avec des budgets toujours dérisoires, il est toutefois parvenu, bon an, mal an, à œuvrer en toute liberté et singularité créatrices, jusqu’à sa mort, en 2012, à 82 ans. Utilisant le 35 mm, le 16, le Super 8, la vidéo, le numérique, il n’a jamais cessé de réaliser des films uniques dans leur style, ne devant rien à ceux de son maître (Robert Bresson) ou à ceux de ses contemporains les plus avant-gardistes, les Jean-Marie Straub, Philippe Garrel ou autres Jonas Mekas.
Le monde de Marcel Hanoun est constitué de gestes, de regards, de mouvements, d’objets, d’arbres, de villes, cadrés de manière fragmentée, montés longuement ou frénétiquement. Ses films racontent peu ou pas d’histoires. Ils en appellent surtout à la participation interprétative de leurs spectateurs. De son autoportrait, Un film (1983), il disait : « Ce film ne me regarde plus. Il vous regarde ». Ainsi en va-t-il de sa tétralogie, L’Été (1968), L’Hiver (1969), Le Printemps (1970) et L’Automne (1972).
En littérature, une tétralogie est un ensemble de quatre œuvres distinctes, qui présentent une certaine unité d’inspiration. Deux des quatre films ont pour protagonistes un réalisateur (Michael Lonsdale) en mal de tournage (L’Hiver), puis de montage (L’Automne). Les deux autres nous montrent une belle jeune femme (Graziella Buci) dans l’attente de son ami (Pierre-Henri Deleau), perdue dans un espace sans épanouissement (L’Été), et un fugitif (Lonsdale), en quête de sa fillette (Véronique Andriès), la mort du premier correspondant à la soudaine puberté de la seconde (Le Printemps). L’ensemble alterne le noir et blanc et la couleur, jongle avec de longs plans-séquences et des inserts presque subliminaux, offre une bande-son qui répète les dialogues, télescope les bruitages, juxtapose les citations musicales (Mahler, Mozart, Bach…). Tout y est prétexte à peindre, à musicaliser, à poétiser le récit cinématographique. Hanoun y embrasse la vie à corps ouvert, sans la moindre concession à l’entendement classique du public. Il nous invite littéralement à vivre ses films, à partager ses morceaux de temps privilégiés, à voyager entre ses nuits. Il a été – et ce coffret le montre bien – l’un des trop rares cinéastes français, dont l’intransigeance a su marier la pureté du débutant à la démence de l’obstiné.