Retour sur l’édition 2016 de la Quinzaine des Réalisateurs
Ce fut une édition riche et contrastée, où la comédie côtoyait le drame, le cinéma d’animation, le documentaire et la fiction. Parmi les films sélectionnés par Edouard Waintrop et son équipe, voici ceux qui nous ont enchantés.
L’Économie du couple de Joachim Lafosse (Ça rend heureux, À perdre la raison, Les Chevaliers blancs) ou la chronique de la fin d’une histoire amoureuse entre un homme (Cédric Kahn) et une femme (Bérénice Béjo, impeccable), parents de deux fillettes. Tendu comme un fil, ce film grave, mais lumineux frappe par la maîtrise de son écriture et le jeu de ses comédiens. On se souviendra longtemps de la séquence de danse en famille, moment joyeux et déchirant à la fois.
Poésie sans fin d’Alejandro Jodorowsky poursuit la narration autobiographique entamée dans La Danse de la réalité (également sélectionné à la Quinzaine en 2013) et s’intéresse à la période où le jeune Jodorowsky s’affirme comme poète. L’élan créatif et la liberté qui sous-tendent le film lui insufflent une énergie généreuse et contagieuse. C’est fou, flamboyant, tonique, inventif et émouvant. Sans doute l’un des plus beaux films découverts à Cannes cette année, toutes sections confondues.
Il ne faudra pas manquer Ma vie de courgette de Claude Barras (dont Céline Sciamma cosigne le scénario) à sa sortie le 19 octobre prochain. Soit le récit de la vie dans un foyer pour enfants d’un petit garçon surnommé Courgette. L’écriture est d’une délicatesse absolue. On rit aux éclats et pleure dans le même temps. Un bijou.
Elle est émouvante et admirable, Thérèse. Thérèse Clerc, illustre figure du féminisme militant, investie dans le combat pour l’avortement et les luttes homosexuelles, est de tous les plans de Les Vies de Thérèse, le documentaire de Sébastien Lifshitz (Les Invisibles, où Thérèse apparaissait déjà). Atteinte d’une maladie incurable, elle est entourée de ses enfants et revient sur sa vie et ses combats. Sébastien Lifshitz la filme avec une infinie tendresse et fait parler les siens. Déchirant.
Ce fut un moment d’évasion, une bouffée d’oxygène ponctuée de plusieurs éclats de rire. L’Effet aquatique de la regrettée Solveig Anspach ouvre sa narration dans la piscine de Montreuil, où Samir (Samir Guesmi, stoïque et drôle) fait la cour (discrètement) à Agathe (Florence Loiret-Caille, irrésistible minois et mine renfrognée), avant de décoller pour l’Islande, où un colloque de maîtres-nageurs se fera le théâtre d’un chassé-croisé amoureux. C’est doux, aquatique, fantaisiste et libre : L’Effet aquatique nous a charmés.
Mercenaire de Sacha Wolff, est (notamment) une plongée dans le milieu du rugby français, à travers le regard d’un jeune Wallisien. Sensitif autant que sensuel, brutal et doux à la fois, le récit singulier de ce premier film, à mille lieues du cinéma hexagonal contemporain, marque la révélation d’un réalisateur, mais aussi d’un acteur Toki Pilioko, qui compose avec subtilité un personnage surprenant, mélange de candeur et de détermination brute.
Autre premier long-métrage français, Divines de la très énergique Houda Benyamina a bien évidemment attiré l’attention en remportant la prestigieuse Caméra d’Or. Lointain croisement entre le Scarface de Brian de Palma et les premiers films de Spike Lee, Divines frappe par son énergie, sa détermination et son humour ravageur. Un film porté par des comédiennes enthousiasmantes, au premier rang desquelles Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena et Jisca Kalvanda.
Même s’il a l’énergie punk et brouillonne de certaines premières œuvres, Dog Eat Dog est signé par le vétéran Paul Scharder, qui adapte ici un roman d’Edward Bunker. On ne s’attardera pas sur son intrigue de kidnapping farfelue pour retenir surtout que cette histoire de pieds nickelés drôle et trash est portée par un duo d’acteurs qui n’a plus rien à prouver et en profite pour s’en donner à cœur joie. Et les numéros de cabotins de Nicolas Cage et Willem Dafoe sont en parfaite harmonie avec la mise en scène d’un Paul Schrader qui se joue des codes du film noir avec la malice d’un garnement.
Autre contrebandier, Julian Assange est le sujet principal de Risk, le nouveau documentaire de Laura Poitras, deux ans après son Citizenfour récompensé d’un Oscar. Loin de la figure de boy-scout génial incarnée par Edward Snowden, la personnalité plus complexe d’Assange est un défi pour Poitras, qui capte à merveille l’intelligence et les ambiguïtés d’un personnage qui écrit en direct l’Histoire contemporaine. En attendant un dernier volet sur Chelsea Manning pour boucler une trilogie ?
Par Anne-Claire Cieutat et François-Xavier Taboni