Publié en 1925, Gatsby le magnifique ne devint l’œuvre emblématique de la Génération perdue qu’à partir de 1942, quand l’édition poche de ce troisième roman de Francis Scott Fitzgerald fut distribuée aux G.I.s, qui l’apprécièrent tout autant que les photos de leur pin-up préférée, Betty Gable. La Paramount n’avait cependant pas attendu ce succès tardif pour confier à Herbert Brenon l’adaptation du roman à l’écran en 1926. Version, aujourd’hui perdue, qui mettait l’accent sur les grandes soirées décadentes organisées par Gatsby (Warner Baxter), scènes très fréquentes alors dans les films des Roaring Twenties. Après-guerre, ce même studio exploita l’engouement soudain pour le livre en fondant son remake, signé Elliott Nugent, dans le moule du film noir. Le scénario mettait au premier plan — contrairement au texte de Fitzgerald — l’origine de la fortune du protagoniste (la Prohibition), ce qui permettait de confier le rôle principal à Alan Ladd, rendu populaire par son interprétation du Tueur à gages de Frank Tuttle en 1942. Ce n’est qu’en 1974 que la Paramount, toujours détentrice des droits, en pleine mode rétro, confia à Jack Clayton la très fidèle adaptation de Francis Ford Coppola (commencée par Truman Capote). Peu estimé par la critique, le film, doté d’un très gros budget, fut plus apprécié par le public qui ne vit pas que Robert Redford et Mia Farrow, véhiculant tous deux un grand potentiel d’innocence, ne correspondaient pas aux personnalités beaucoup plus ambiguës de Gatsby et Daisy. Encore plus fidèle, la quatrième version, due à Baz Luhrmann et produite, en 2013, par Village Roadshow Pictures, avait pour grand avantage sur les précédentes d’avoir Leonardo DiCaprio dans le rôle-titre, acteur qui véhiculait enfin l’image complexe d’un être déchiré entre son désir de concrétiser le rêve américain et l’occultation de sa corruption pour y parvenir. Un roman et six adaptations, véritables miroirs d’une société régulièrement capable d’une lucide et sévère auto-critique.
P.S. Deux autres versions existent : l’une, pour la télévision, réalisée, en 2000, par Robert Markowitz, l’autre, en 2014, pour le cinéma, une variation très libre sur l’intrigue originale, Affluenza de Kevin Asch.