Retour sur les grandes thématiques qui ont traversé la passionnante 74e édition du Festival de Cannes.
Louis Aragon étend son ombre sur le cinéma. Au fil des histoires dans les films cannois, on a souvent songé cette année à son poème écrit en 1943, à Lyon, dans la maison de René Tavernier, le père de Bertrand Tavernier : Il n’y a pas d’amour heureux. Georges Brassens, Françoise Hardy, Barbara l’ont chanté : Rien n’est jamais acquis à l’homme… Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie.
Même quand l’amour est grand, foudroyant, sublimé en opéra pop, le couple avance à pas enchantés, puis désenchantés : Adam Driver et Marion Cotillard se perdent à la naissance de leur étrange enfant, c’est Annette de Leos Carax.
Si loin, si proche : les couples finissent par s’éloigner, même quand ils sont ensemble (pour combien de temps encore?) : rongés par le drame dans Tre Piani de Nanni Moretti, meurtris par la maladie dans Les Intranquilles de Joachim Lafosse, tourmentés par des dissensions dans Bergman Island de Mia Hansen-Love, déchirés par l’infidélité dans L’histoire de ma femme d’Ildiko Enyedi, écartelés par la jalousie dans La Fracture de Catherine Corsini, devenus indifférents dans France de Bruno Dumont, mal raccommodés dans Red Rocket de Sean Baker.
Scènes de la vie conjugale qui échoue. Les couples se mentent beaucoup, souvent ; l’amour finit par mourir, vraiment, et par conduire à la désespérance, aux idées noires, à l’errance. Et après ? Le jour se lèvera-t-il sur une autre vie, un autre amour ? Pour le savoir, il faut partir et suivre une autre route, selon les scénarii de Drive My Car de Ryusuke Hamaguchi et Compartiment N°6 de Juho Kuosmanen.
Les couples se font et se défont, les sentiments valsent, autant d’hésitations, d’indécisions : la vie amoureuse va, tout en fragments dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, dans Les Olympiades de Jacques Audiard, Les Amours d’Anaïs de Charline Bourgeois-Taquet.
Au milieu de ce désenchantement sur les écrans cannois, un jeune garçon et une jeune fille se tournent autour, se séduisent, se cherchent et s’attachent : ils croient au foudroiement absolu, à l’éternité et un jour dans Une histoire d’amour et de désir de Leyla Bouzid. Ils sont beaux, heureux à deux, on voudrait qu’ils ne chantent jamais Louis Aragon, Il n’y a pas d’amour heureux, ni Léo Ferré, C’est vraiment con, les amants, Il n’y a plus rien.
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