Retour sur les grandes thématiques qui ont traversé la passionnante 74e édition du Festival de Cannes.
Chanteuses lyrique ou pop, scénaristes, réalisateur, metteur en scène ou comédiennes de théâtre, peintre ou écrivain, les personnages d’interprètes et d’artistes étaient nombreux cette année sur les écrans cannois et donnaient à explorer la zone frontière entre la vie, le réel, l’intime et la création. En ouvrant cette 74e édition avec panache, Annette de Leos Carax nous propulse de part et d’autre des rideaux de scènes d’opéra et de stand up et, avec une puissance métaphysique hors pair, interroge la notion d’artifice comme pivot nécessaire à la survie de nos imaginaires.
Dans Bergman Island, Mia Hanson-Løve fait dialoguer la vie et le cinéma en tissant deux récits au cœur de l’île d’Ingmar Bergman, où se rend un couple d’auteurs pour écrire. Comment naît l’inspiration, comment le réel et la fiction s’entremêlent, cette merveille de film offre une proposition de réponse par la grâce intrinsèque à ses images, ses sons et son montage.
Tout aussi fluide dans son approche, Drive My Car de Ryūsuke Hamaguchi suit la trajectoire d’un metteur en scène de théâtre confronté au deuil et à la culpabilité, qui, au contact d’une conductrice et de quelques autres personnages, se reconnecte à lui-même et aux autres. Dans ce film humaniste et sublime, on joue Oncle Vania, en japonais et en langue des signes coréenne, et la pièce de Tchekhov confronte les uns et les autres à leur vérité intérieure. Le théâtre et la vie ne peuvent s’y envisager séparément, pas plus que la sexualité et la création.
Cette énergie vitale, il en est aussi question dans le très magnétique Les Intranquilles de Joachim Lafosse. Son personnage de peintre y crée des toiles grandioses (inspirées de celles du peintre belge Piet Raemdonck), où se lit son amour de la vie et des siens. Dans ce rôle habité et fiévreux, Damien Bonnard est intense et bouleversant.
Intenses, elles aussi, les héroïnes d’Entre les vagues (présenté à la Quinzaine des Réalisateurs) n’envisagent pas leur vie sans la pratique de l’art dramatique. La réalisatrice Anaïs Volpé porte cette histoire d’amitié et d’amour fou du jeu à son point d’incandescence. Une hymne à la vie et au théâtre, que l’on retrouve dans le magnifique premier long-métrage de Sandrine Kiberlain, Une jeune fille qui va bien, présenté à la Semaine de la Critique.
Valérie Lemercier, de son côté, incarne avec audace, dans Aline, une chanteuse populaire animée corps et âme par un amour sans borne pour son mari, à qui elle s’adresse quand elle chante en public. L’intime et le grandiose y sont indissociables et c’est bouleversant.
Quant à Arnaud Desplechin, il signe avec Tromperie, d’après le roman de Philip Roth, une profession de foi dans les pouvoirs de la fiction en général et du cinéma en particulier. Son personnage d’écrivain, incarné par Denis Podalydès, plus intense que jamais, y est filmé dans un état d’écoute et d’attention totales aux femmes de sa vie. La frontière entre la vie et la fiction s’efface peu à peu pour restituer à l’existence et à ses moments de partage leur saveur exacte. L’allégresse traverse ce film remarquable, qui est aussi l’un des plus beaux jamais vus sur le processus d’écriture.
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