Cannes 2021 et ses thématiques #6

La maladie à l’œuvre

Retour sur les grandes thématiques qui ont traversé la passionnante 74e édition du Festival de Cannes.

Les cinéphiles savent combien les films du Festival de Cannes sont les reflets des préoccupations d’auteurs aux sujets souvent sombres et délicats. Cette 74e session n’aura pas échappé à la règle, plusieurs films plaçant cette année la maladie au centre de leur récit. L’œuvre la plus saillante dans ce domaine aura peut-être été De son vivant d’Emmanuelle Bercot, présenté hors compétition : l’histoire de Benjamin, la quarantaine, condamné par un cancer du pancréas, avec une espérance de vie réduite, entre trois et six mois. Le film abrite un casting hors pair : en tout premier lieu, Benoît Magimel, qui endure un marathon médical éprouvant avec une magnifique endurance, Catherine Deneuve, éplorée et magnifique en mère courage dans l’obligation de dompter ses élans intrusifs, et Cécile de France, si douce, si simple. Mais plus encore, la révélation de De son vivant restera la rencontre avec le médecin Gabriel Sara, véritable cancérologue dans la vie et comédien pour l’occasion : il donne une crédibilité, une humanité et un réalisme profond à l’accompagnement de Benjamin, suivant l’évolution de sa maladie au gré de commentaires et descriptions quasi documentaires. Malgré ces qualités énumérées, il n’en demeure pas moins que le film est écartelé par une série de sous-thèmes denses (celui de la filiation notamment), qui alourdissent un peu son propos.

La maladie, la bipolarité cette fois, est le thème d’un autre film que proposait Joachim Lafosse en compétition avec Les Intranquilles. D’une manière très fine et progressive, le réalisateur introduit les dérèglements de Damien (Damien Bonnard, parfait) et démontre combien les symptômes de la maladie s’immiscent comme un venin dans les veines d’une famille charmante (Leïla Bekhti, somptueuse, avec un inoubliable gamin, Gabriel Merz Chammah). Quelques scènes très authentiques font la réussite de ce film, dont le sujet a été peu traité au cinéma. On se souviendra notamment de la lutte de Leïla pour forcer son mari roublard à prendre ses médicaments ainsi que d’un bel épilogue, Leïla au bord du précipice, en plein burn-out, encaissant la morale de ce récit, d’une cruelle mais juste évidence. 

Également en compétition, Tout s’est bien passé de François Ozon, adapté du livre éponyme d’Emmanuèle Bernheim qui avait déjà inspiré Alain Cavalier avec Être vivant et le savoir, place l’AVC d’André (génial André Dussollier) au cœur du chantage paternel enduré par Emmanuèle (Sophie Marceau, digne et émouvante). Son père exigeant qu’elle lui trouve une solution pour mourir, elle fait face à un cas de conscience insupportable, puni de délit en France, mais néanmoins autorisé à quelques kilomètres de là, en Suisse. D’une mise en scène classique et tendue, le film est autant un plaidoyer pour la liberté à choisir sa mort que l’étude psychologique d’une famille vivant cette épreuve.

La maladie, mystérieuse et diffuse, aura aussi été le prétexte en filigrane de deux films en apesanteur : le sensible dernier Hong Sangsoo dans la section Cannes Premiere, In Front of Your Face, dans lequel une ancienne actrice coréenne, émigrée aux États-Unis et sur le point de mourir, retrouve son pays, sa sœur et… se confie à un inconnu. Enfin, le méditatif et élégiaque Memoria d’Apichatpong Weerasethakul en compétition, où la délicieuse Tilda Swinton souffre d’un mal étrange : elle entend des sons et en cherche l’origine. Le cinéaste thaïlandais offre par ce biais une déambulation fascinante à Bogota, tel un chemin ouaté vers la guérison et la rédemption.

 

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