Retour sur les grandes thématiques qui ont traversé la passionnante 74e édition du Festival de Cannes.
Le personnage central de ces deux films se fait passer pour un fils disparu. Dans Tralala (des frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu, présenté hors compétition), le personnage titre (Mathieu Amalric), un chanteur des rues qui s’accompagne au ukulélé, est pris pour un fils disparu vingt ans plus tôt et intègre la famille. Dans Titane de Julia Ducournau (Palme d’Or), l’héroïne (Agathe Rousselle) est adoptée par un père (Vincent Lindon) en deuil de son fils disparu depuis 10 ans. Dans les deux cas, cette méprise est la conséquence d’un malentendu. Il s’agit d’une imposture subie. Mais chacun va en tirer profit pour recueillir l’affection qu’il cherche.
En effet, dans les deux films le personnage est d’abord solitaire et perdu, puis va profiter de la situation pour se sentir aimé. Il y a une portée sentimentale derrière le vernis du genre. Que ce soit gore et sanglant, ou chantant et dansant, il y a une quête d’amour, et de reconnaissance. C’est par l’imposture que le chanteur et la tueuse vont devenir quelqu’un.
Dans la comédie musicale, une mystérieuse jeune femme apparait un soir à Tralala et lui délivre un message : « Surtout ne soyez pas vous-même ! ». Cette consigne interroge l’identité et pourrait également s’appliquer à Titane, où il est question d’une transformation corporelle. En réponse, dans le film de Ducournau, un pompier dit à un collègue : « Si le commandant te dit de croire, tu crois » après que le personnage de Vincent Lindon leur a ordonné de croire en son fils comme s’il était Jésus. Il s’agit d’une même invitation à dépasser les limites du possible.
C’est aussi une poignante profession de foi de cinéastes qui érigent comme un totem la croyance dans le cinéma. Malgré tous les artifices et toutes les coïncidences narratives, des rencontres magiques nous amènent à devenir un(e) autre, tel un personnage qui se dédouble. Cette mise en abyme de l’incarnation rappelle le « Je est un autre » de Rimbaud. Elle invite à considérer autrui comme soi-même et à dépasser les apparences des enveloppes charnelles. Il n’y a pas plus belle leçon de tolérance. Et cela, traité sans didactisme, sous le déguisement du genre.
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